Quantcast
Channel: Aqua Permanens
Viewing all 56 articles
Browse latest View live

L'Oeuf des Philosophes

$
0
0
Bonjour,

Je désire dans l'article qui suit évoquer un symbole important présent dans les traités alchimiques : L’œuf des philosophes.

Je me souviens d'un rêve que j'ai fait il y a quelques années et qui m'a laissé une forte impression :
"Dans le rêve je suis debout sur le bord d'une route. Je vois arriver une voiture qui s'arrête juste devant moi et qui est conduite par mon père. Mon père reste dans le véhicule et depuis son siège tend son bras et me donne un œuf. Je saisi cet œuf et je ne sais pas très bien pourquoi mais je comprends qu'il faut que je le mange. Je mange donc cet œuf."

Dans ce rêve il semble qu'il soit question de la filiation entre mon père et moi-même. Mon père arrive en voiture c'est à dire si je puis dire avec sa propre autonomie et me transmet un œuf. Mais au delà de cette filiation, j'ai senti qu'il se passait quelque chose que je n'ai pas compris tout de suite. En effet, je sentais que l’œuf représentait quelque chose de bien plus que ce à quoi on l'associe vulgairement et il m'a fallut un certain temps pour comprendre.

Roger Bacon, moine franciscain et alchimiste du XII° siècle, dans son traité « De Secretis operibus artis et naturae » ("De l'assistance desœuvres d'artet de la nature")attribue à Aristote « Im libro Secretorum » ("Je suisle Livre des Secrets") les paroles suivantes : 
« Ô Alexandre, je veux te raconter le plus grand des secrets. Prends cette pierre qui n'est pas une pierre, présente en tout temps, en tout lieu... On l'appelle l'œuf philosophique. »

Carl Gustav Jungécrit : "En alchimie, l’œuf représente le chaos tel que le conçoit l'adepte, la prima materia dans laquelle l'âme du monde est captive. De l'oeuf - symbolisé par le vase de cuisson rond - s'envole l'aigle ou le phénix, l'âme libérée - identique, en dernière analyse, à l'Antropos qui était emprisonné dans l'étreinte de Physis." ("Psychologie et Alchimie" - Page 266) 

 "L’œuf philosophique"
Extrait du "Codex Palatinus Latinus" - Manuscrit du XV° siècle

Observons l'image ci-dessus:
Nous voyons au centre un œuf duquel sort un aigle à deux têtes. Chacune des têtes de l'aigle est couronnée. Il s'agit de l'aigle double qui symbolise le spirituel et le temporel.

Le symbole de l’œuf est quasi universel. Il contient en lui la vie et c'est par une simple cuisson lente et naturelle faite par la mère qu'il permet à un être d’avenir au monde.
Depuis les Gréco-Egyptiens en fait le processus alchimique de l’Opus fût comparé à un œuf porté à éclosion. 
L’œuf a une partie liquide (le jaune et le blanc) et une partie solide. Il est de nature minéral (la coquille) et animal.
Un œuf contient en effet les quatre éléments, les trois substances de l’œuvre et le principe des opposés. 
L’œuf symbolise la représentation de la totalité du macrocosme mais à une échelle du microcosme.

"L’œuf cosmique" - William Blake - 1804/1808

Marcelin Berthelotécrit : " On a dit que l'œuf est composé des quatre éléments, parce qu'il est l'image du monde et qu'il renferme en lui-même les quatre éléments. On l'a nommé aussi «pierre que fait tourner la lune», pierre qui n'est pas pierre, pierre d'aigle et cerveau d'albâtre. (...) 
La coquille de l'œuf est un élément semblable à la terre, froid et sec; on l'a nommée cuivre, fer, étain, plomb. Ce sont les quatre métaux imparfaits, qui servent à la transmutation et à la composition de l'or et de l'argent. 
Le blanc d'œuf est l'eau divine: le jaune d'œuf est la couperose; la partie huileuse est le feu.
On a nommé l'œuf la semence, et sa coquille, la peau; son blanc et son jaune, la chair; sa partie huileuse, l’âme; sa partie aqueuse, le souffle ou l'air."
(« Collection des anciens alchimique grecs » Paris – 1885)

"L’œuf des Philosophes" - Aurora Consurgens - Début XVI° siècle

Dans le traité alchimique du "Levé de l'aurore"("Aurora Consurgens") il est écrit :
"L'art est comparable à l'oeuf où l'on trouve quatre choses. La coquille est la Terre, et le blanc l'Eau, la très fine membrane qui est sous la coquille, c'est l'Air. Le jaune, c'est le Feu.
Le cinquième élément, la quintessence, c'est le poussin. Les alchimistes comparent l'embryon, le cœur, à l'aurore ainsi qu'au lapis. Ils lui donnèrent le nom de "point rouge au centre du soleil". 

Dom Antoine Joseph Pernetyécrit : « Œuf signifie plus communément la matière même du magistère qui contient le mercure, le soufre et le sel, comme l'œuf est composé du blanc, du jaune et de la pellicule ou la coque qui renferme le tout. »

Il poursuit : « Cette matière est appelée œuf, parce que rien ne ressemble mieux à la conception et à l'enfantement de l'enfant dans le ventre de sa mère, et à la génération des poulets, que les opérations du magistère, et de la pierre philosophale; ce qui devrait servir de guide aux Artistes, et non les règles inventées de la Chymie vulgaire, qui détruit tout, au lieu d'édifier. »
(Joseph Pernety - Extrait du « Dictionnaire Mytho-Hermétique » – 1787)

 "La fleur des sages"
Manuscrit alchimique de 1550 - Bibliothèque universitaire de Bâle

Observons l'image ci-dessus :
L’œuf philosophique contient l'Ouroboros ou serpent qui se dévore sa propre queue. Il s'agit de l'illustration de la nature qui n'est pas encore délivrée ou de la Materia prima qui n'a pas encore pris forme.
Au-dessous de l’œuf, le Soleil et la Lune et entre les deux une étoile. Cette étoile symbolise le Mercure philosophique.  
De cet œuf éclosent ici trois fleurs : La fleur rouge de l'or, la fleur blanche de l'argent et entre les deux la fleur bleue des Sages.
Remarquez les deux plans sur l'illustration : Le Soleil et la Lune à l'échelle astronomique représentent le macrocosme. Les fleurs à échelle humaine représentent le microcosme.
Bernard le Trévisanécrit : « La cause pour laquelle les Philosophes ont appelé leur Mercure Œuf est aussi celle-ci, pour ce que tout ainsi que l’œuf est une chose ronde circulaire, contenant en soi deux natures et une substance, le blanc et le jaune, et tire de soi-même une autre qui a une âme, et vie, et génération, c’est à savoir lorsqu’il en sort un poulet, ainsi ici le Mercure contient en soi deux choses d’une nature, corps et esprit, et tire de soi l’âme et la vie lorsque le tout est spirituel, d’où après se fait la génération du vrai Elixir, ce qui a fait dire à Mirandus : Cet Œuf tire de soi la vie qu’il a, puis après l’âme et génération. » (Extrait du : « Traité de l’Œuf des Philosophes » XV° siècle)

Voici ci-dessous deux illustrations extraites du traité du début XVII° siècle : "Speculum verritas"("Miroir de la vérité") Manuscrit que conserve la bibliothèque de Vatican à Rome : 

"Speculum verritas" - Début du XVII° siècle
Observons l’image ci-dessus :
Mercure ou Hermès au centre tient le caducée mercuriel dans sa main droite et le signe du soufre dans sa main gauche. Il se tient debout dressé sur un œuf contenant le sceau de l'alchimie : l’Ouroboros.
L'ouroboros représente "la totalité". "Le serpent se mord la queue parce que la fin rend témoignage du commencement".
L’œuf ici est une représentation du "Un le tout". Il est aussi le vase comme l'image du monde dans lequel s'unit le mercure (le blanc) et le souffre (le jaune). C'est à dire dans le langage de la psychologie moderne l'union de l'inconscient et de l'âme.

 "Speculum verritas" - Début du XVII° siècle

Observons l’image ci-dessus :
Un athanor est représenté en guise de tronc du chêne au centre. Des œufs sont présentés à Vulcain, Dieu du feu. Les œufs sous l’influence du Dieu de la chaleur doivent donner naissance au "poulet des sages" dont la tête est rouge, les plumes blanches et les pieds noirs.

Voici deux illustrations extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618) : Emblème VIII.

 « Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu »
Emblème VIII - Extrait du Traité l'Atalante Fugitive" de Michael Maïer

Observons l’image ci-dessus :
« Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu » est un axiome alchimique attribué selon les auteurs à Raymond Lulle. Michel Maïer illustre cet axiome avec cet emblème. 
L’œuf est le sujet de l’Art, qui doit être frappé de l’épée à double tranchant du Feu Secret. Il s’agit de soumettre l’œuvre au feu. Mars vient ainsi à l’aide de Vulcain, et, de la subséquente noirceur de la putréfaction, naîtra le poussin hermétique.
Il s’agit d’un œuf d’aigle.
Dans l’œuf se trouve les semences du mâle et de la femelle qui sont unis ensemble.
La chaleur extérieure est le premier moteur qui permet la circulation des éléments intérieurs et la transformation naturelle du contenu. Car précise Michael Maïer qui décrit le processus de transmutation : « L’eau se change en air, l’air en feu et le feu en terre. »

La seconde illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618) : Emblème XXIII.


Emblème XXIII : « Aurumpluit, dum nascitur Pallus Rhodi, & Sol concumbit Veneri. »(« L’or tombe en pluie lorsqu’à Rhodes naît Pallas et le Soleil couche avec Vénus. »
Observons l’image ci-dessus :
Vulcain (Dieu du Feu) d’un seul coup de hache, fend la tête de Jupiter, le soulageant d’un terrible mal de crâne et donne naissance à Pallas (Athéna)
Remarquez qu’une pluie d’or tombe dans le fond sur l’île de Rhodes (La terre philosophique où Bernard Le Trévisan aurait découvert le secret de la Pierre Philosophale en 1472)
Le Soleil et Vénus ont une union clairement sexuelle qui symbolise l’union du Volatil et du Fixe. Cupidon est complice de cette union qui produit le Colosse de Rhodes dans le fond au centre rayonnant de majesté.
Athéna est une représentation symbolique de la fonction de pensée. Pour les alchimistes d’autrefois Athéna symbolise le Mercure sublimé au plus haut degré par la coction (Il s’agit d’une technique traditionnellement utilisée par des femmes qui consiste à faire cuire à la vapeur à la façon du bain de Marie la Juive)
La pluie d’or sur Rhodes fait référence au mythe de Cadmus qui résume pour les philosophes le Grand-Œuvre dans sa totalité. En effet, l’histoire raconte que Cadmus envoyé par son père Agenor le Roi de Phénicie à la poursuite arriva sur l’île de Rhodes. Europe était la sœur de son père. Cadmus fit édifier sur l’île un temple à la gloire de Neptune qu’il confia aux phéniciens et offrit des présents à Minerve parmi lesquels un magnifique vase en cuivre.
Le colosse de Rhodes existait dans l’antiquité


Voici un extrait du traité de 1622 «Philosophia reformata»c'est à dire "Philosophie réformée"de Johann Daniel Mylius :
"La quintessence unique de la Pierre Philosophale"
Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622

Observons l’image ci-dessus :
Nous voyons l’œuf philosophal couvé par un dragon et d’où sort le Rebis des philosophes qui est entouré de cinq couronnes.
Le dragon représente ici le mercure des philosophes, c’est à dire l’inconscient. L’œuf philosophique, tout comme le vase cosmique dans d’autres traités, représente l’échelle du microcosme. L’œuf est ici de couleur sombre car il doit être cuit pour donner faire éclore le Rebis. L’œuf est "l’espace", dans lequel avec la chaleur du dragon qui couve, peut émerger le "principe des opposés".
Les cinq couronnes tout autour du Rebis symbolisent la Quintessence. La Quintessence issue du "chaos des Sages" est d’une teneur très pure et spirituelle. Elle est comme la synthèse des quatre éléments (Feu, Terre, Air et Eau) des quatre points cardinaux (Ouest, Nord, Est et Sud) ou, pour la voix royale,  des quatre fonctions psychologiques (Intuition, Sentiment, Pensée et Sensation) Représentée ici sous forme de couronnes elle annonce l’avènement et la souveraineté la Pierre Philosophale.
"Le Rebis" - Treizième illustrations du traité 
"Splendor Solis" (La splendeur du Soleil) de Salomon Trismosin
Salomon Trismosin écrit : « Ainsi, nous voyons dans un œuf tous les éléments combinés avec la matière pour former une source de la nature parfaite, juste autant qu'il est nécessaire pour notre noble Art. »

Observons l’image ci-dessus :
Nous voyons ici un très bel exemple d’androgyne que les alchimistes nomment "Rebis". Cet être debout sur une paire de jambe unique est composé d’un tronc ailé moitié homme, moitié femme. Il possède de doux visages aux yeux bleus et une chevelure blond. Remarquez le rayonnement or du visage masculin et celui argent du féminin. Il porte les trois couleurs fondamentales de l’opus. En effet, son habit est noir (Nigredo), l’aile gauche est blanche (Albedo) légèrement violette, l’aile droite est rouge (Rubedo) Remarquez que les brandebourgs de son habit (noir comme le Plomb) sont de couleur Or (Soleil) 
Cet androgyne tient dans ses mains du côté masculin un petit bouclier dont les bords sont de couleurs or orangé et possède en son centre un miroir. Le côté féminin montre l’œuf d’or ou œuf des philosophes.

Voici ci-dessous trois illustrations extraites du "Mutus Liber" ou "Livre muet"car ce traité ne contient aucun texte mais que des images. Il s'agit des illustrations de l'édition la plus ancienne publiée en 1622 :

 Seconde planche du "Mutus Liber" - 1677

Observons l’image ci-dessus :
Nous remarquons deux plans : En bas, le couple d’alchimiste agenouillé près de l’Athanor en posture d’oraison.
En haut, deux anges qui présente l’œuf alchimique qui renferme Neptune avec à ces côtés Diane et Apollon.
Le plan supérieur représente le macrocosme. Il évolue dans l’échelle céleste dans les sphères des Dieux. Le plan inférieur représente le microcosme et est à échelle humaine.
Remarquez que Neptune tient dans sa main le trident de la "Triple dissolution" qui produit la distinction entre Mercure, Soufre et Sel. La présence du trident explique aussi la naissance de Diane et Apollon sur l’île de Delos et leur présence ici.  (Lire à ce propos l'article L'ombre )
En langage moderne cela signifie que de la distinction : Esprit, Âme et Corps (Triple dissolution) apparait distinctement grâce à la fonction psychologique inférieure (ici représentée par Apollon) L'anima est ici représenté par Diane. Nous pourrions dire qu'ils constituent ensemble "la fonction d’Éros" et/ou fonction du Lien. 
La nuit du chaos a pris fin et la clarté du soleil spirituel éclaire désormais l’œuvre. Les enfants Diane et Apollon avec la Lune et le Soleil au-dessus de leurs têtes sont les parents de la Pierre Philosophale.
Lorsque les anges présentent l’œuf philosophique des Dieux remarquez que le Ciel s’ouvre et la lumière se sépare des ténèbres.
Que représente ici ce couple d’alchimistes qui s’unissent dans la prière ? Il représente le Mercure et le Souffre, l’Esprit et l’Anima, le principe Actif et le principe Passif, le conscient et l’inconscient.

Huitième planche du"Mutus Liber" - 1677

Observons l’image ci-dessus :
Ici, les anges portent dans l’œuf philosophique le Mercure des Sages. Avec son casque ailé Mercure se tient debout sur une terre avec à ces pieds le Soleil et la Lune.  Le Mercure philosophique est issu de l'union d'Apollon et de Diane (Du soleil et de la Lune) qui Neptune avait rapprochés dans la précédente illustration.
Mercure a dans sa main un drôle de caducée. Il s'agit d'un bâton qui possède deux fois cinq serpents que nous pourrions nommer les quintessences des opposés. Le nombre de "dix" symbolise clairement qu'une unité est constituée. Les dix oiseaux dans le ciel symbolisent les répétitions soigneuses d’une même opération. 
Ici est donc représentée une étape de purification qui nécessite du temps et de la patience. Remarquez que deux des oiseaux apportent les symboles spagyriques des substances salines jumelles du Feu secret vers l’œuf des Sages.

  
« La prière est seule insuffisante, mais si elle précède l’action ou si elle l’accompagne, le résultat qui est cherché peut dépasser toute espérance. »(Stanislas Klossowski de Rola – « Le jeu d’or » - Page 282 -1997)

Onzième planche du "Mutus Liber" - 1677

Observons l’image ci-dessus :
Le sol sous les pieds de Mercure a disparu et le Dieu qui guide des âmes se tient simplement debout sur le Soleil et la Lune.
Les symboles spagyriques des substances salines du Feu secret qu'apportaient les oiseaux dans la précédente illustration sont désormais intégrées. C'est ce que les alchimistes d'autrefois nommaient la sublimation.
Remarquez que la lampe dans l’athanor est allumée et les rideaux du laboratoire ont disparus. Le Mercure des Sages est maintenant le Miroir de la nature, dans lequel se reflètent ses vérités cachées.

J'attire votre attention sur la relation entre le haut et le bas des trois dernières illustrations extraites du "Mutus Liber", c'est à dire la relation entre le microcosme et le macrocosme.

Dans les conversations entre "Jacques le fataliste" et son maitre écrit par Diderot à la fin XVIII éme siècle revient toujours cette question : Est-ce que ce qui se déroule sur terre arrive parce que c'est écrit aux cieux ou est-ce c'est parce que c'est écrit dans les cieux que cela se déroule sur terre ?
Cette questionpose simplement la relation du microcosme au macrocosme.

N’oublions pas le vieil adage des Sages :
« Aide-toi, le ciel t’aidera ! »
Car il arrive un temps ou de la même façon que notre conscience ne peut évoluer sans considérer l'inconscient, il est tout simplement impossible d'avancer sans l'aide de ce que j'ose nommer "Dieu". 

Merci de votre lecture.
Bon magistère !

La Pierre et l'Athanor

$
0
0
Bonjour,

Je poursuis avec cet article l'étude des médaillons hermétiques de la façade de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Voici ci-dessous le premier médaillon qui se situe sur le côté droit du portail central de la cathédrale.
Notre-Dame de Paris
Médaillon hermétique "La Pierre et l'Athanor" de Notre-Dame de Paris

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvonsvoir le protagoniste quiprésente d'une part l’Athanor qui est sur son genou gauche et d'autre part contemple la Pierre qu’il a pu isoler et qu’il tient dans sa main droite.
Remarquer que L'Athanor est représenté en coupe longitudinale et quenous voyons ici l'intérieur du four.
C'est-à-dire que grâce à la première étape avec « Le Corbeau» le protagoniste est arrivé à un début de prise de conscience : la séparation du pur et l’impur.
C’est dans l’intérieure de soi-même ce qui est représenté symboliquement par l'Athanor qu’il convient de chercher l’étincelle divine, pierre angulaire du temple à construire.
L’athanor va servir à faire cuire L’œuf des Philosophes.

Distinguer la Pierre de l'Athanor est une étape essentielle. Cela revient à dire distinguer le "Soi" ou la "Totalité" de son"For intérieur" qui vit en nous.
C'est distinction n'est possible à la fois que par l'humilité mais aussi la structuration psychologique. Elle s'établitessentiellement grâceà l'établissement de la fonction de transcendance que nous déjà évoqué à plusieurs reprises. 
 
Certains hommes, faute de ne pas avoir fait la distinction entre Pierre et Athanor,  ont sombré. Bien évidemment les termes "Pierre" et "Athanor" peuvent être formulés autrement, le résultat reste le même. Pour ne citer qu'un exemple,Friedrich Nietzscheest représentatif d'une telle défaillance. Cet homme fût littéralement avalé par son œuvre et mena une existence sansrelief. Il y a tel contraste entre le mythe du "Surhomme" et la médiocre vie de son auteur que Nietzsche est un petit philosophesans grande envergure. Sa philosophie s'avère très faible et ce n'est certainement pas pour rien qu'elle est, selon les termes d'Alfred Adler, associéà la pathologie de la"toute puissance" des dictatures du XX° siècle. Ces dictatures paranoïaques,en plus des immenses tragédies humaines qui les caractérisent, sont en effet si j'ose dire tristement"toute impuissante".
Philosophe
Friedrich Nietzsche

Voici ci-dessous un extrait du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :
L'emblème XXXII, "Comme le corail croît sous les eaux et durcit à l'air, ainsi fait la Pierre".

Michael Maïer écrit :
"Sous les flots siciliens croît une molle plante
Dont les branches, par la tiédeur des eaux, se multiplient.
Le Corail est son nom; elle apparaît durcie
Lorsque Borée, du pôle âpre, lance le gel.
Changée en une pierre aux rameaux abondants
Elle est rouge et semblable à la Pierre Physique."


Atalante Fugitive
 "Comme le corail croît sous les eaux et durcit à l'air, ainsi fait la Pierre"
Emblème XXXII - "Atalante Fugitive" de Michael Maïer

Observons l'image ci-dessus:
Nous voyons ici le protagoniste qui extrait le Corail, c'est à dire le Soufre philosophique coagulé, de la rivière. Bien évidement l'eau représentel’inconscient.Michel Maïer assimile dans un premier tempsla Pierre des philosophes au Corail. Cette appellation ne fait qu’insister sur l'aspect intermédiaire de cette étape.
Le philosophe français du 18° sièclePernetymentionne dans son dictionnaire que le Corail des philosophes s'est formé du sang de la blessure que Persée avec fait à Méduse (voir article La Cohobation (1) )
 
La séparation du Corail philosophique de l'Eau mercurielle est une opération difficile. Il s'agit en fait de distinguer l'âme de l'inconscient.
Remarquez dans le ciel le vent, principe masculin, qui souffle et qui peut durcir la Pierre. Michael Maïer met en garde de "couper le corail sous l'eau, afin d'éviter de perdre son suc et son sang". Il avertit d'autre part qu'un excès d'humidité empêche le développement de la Pierre.



1782
"La boussole des sages" - 1782

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons ici les deux colonnes du Temple de Salomon qui illustrent les deux principes masculin et féminin. Au-dessus de celle de gauche est représenté le Soleil et au-dessus de celle de droite la Lune. De ces deux astres rayonnent les fonctions paternelle et maternelle.
Un triangle sur la colonne de gauche dont un côté des côtés est posé sur le sol représente l'association du Feu et l'Air, élémentsd'un point de vue symbolique essentiellement masculin. Un triangle renversé sur son somment représente l'association de la Terre et de l'Eau, éléments essentiellement féminin. Ces deux triangles une fois réunisillustrent le sceau de Salomon.

Remarquez que ces deux colonnes ne sont pas sans rapport avec la représentation l'arbre de sephiroth de la Kabbale traditionnelle.  
En haut, "Aesch",  symbolise le principe masculin (et signifie le "Feu") et"Maïm" symbolise le principe féminin (et signifie "Eau") s'associent pour ensemble engendrer la Pierre philosophale. Celle-ci intègre les énergies supérieures et inférieures c'est à dire les cinq planètes du ciel (Saturne, Jupiter, Vénus, Mars et Mercure) ainsi que les cinq composants matériels (Le tartre, le soufre, le sel d'ammoniac, le vitriol, le salpêtre) Au centre de ces cinq composants l'Antimoine, ingrédient de base de l'aspect matériel de la Pierre sur lequel je reviendrais car il peut être aussi bien le plus dangereux poison que le plus efficace des remèdes. 

Voici ci-dessous une allégorie de la création alchimique de la pierre philosophale :
Alchimie - Schweighart - 1604
 Alchimiste en prière - Speculium Sophicum Rhodostauroticum
T Schweighart - 1604

Observons l'image ci-dessus :
Au centre sur un pied d'estale la jeune fille personnifie le "Vase" ou réceptacle dans lequel se produit la cuisson alchimique. Nous dirions en langage psychologique contemporain qu'il s'agit du "pôle introverti"de l'individu. C'est la Virgo gravida ou "Vierge enceinte" des philosophes.
Sur le pied d'estale l'inscription latine Hinc sapientia signifie "Ici est la sagesse". Cette jeune fille porte en son sein un enfant. Remarquez que cet enfant est relié au Soleil et à la Lune qui sont véritables ses parents. Tels est le sens du quatrième paragraphe de la Table d'émeraude : "Son père est le Soleil, et sa mère est la Lune. Le vent l'a porté dans son ventre, et la terre l'a nourri de son lait." 
L'enfant est un symbole du Lapis ou pierre des philosophes. Il est une représentation de "la matière" qui au fil des transmutations de l’œuvre se purifie à l'intérieur de l'alambic. Il est une représentation du Soi, de l'Atman purusha indien ou du Christ intérieur
En bas sont illustrées les deux principales voies ou démarches pour obtenir la pierre. A gauche, un alchimiste qui extrait la pierre de l'eau (la voie humide); A droite, un alchimiste devant ses fourneaux qui utilise le feu (la voie sèche). 

En haut, un alchimiste ou philosophe est représenté en train de prier. En effet, tous les traités en témoigne, il n'est possible pas de réaliser le grand œuvre sans le travail et la prière. Tel est le sens de l'expression Ora et labora, "prie et travaille". Les mots latin  cum deo sous ce dernier personnage de l'illustration signifie "avec Dieu". Il est certes impossible et juste aberrant de vouloir réaliser quoi que ce soit sans l'aide de Dieu.    
  
Au-dessous du médaillon de "la Pierre et l'Athanor"les philosophes et alchimistes du XII° siècle ont placés le médaillon de l'entrée dans le sanctuaire :
Notre-Dame de Paris
  Médaillon hermétique "L'entrée dans le sanctuaire"de Notre-Dame de Paris

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons ici l’entrée du protagoniste dans un sanctuaire. C'est-à-dire qu'il est question ici de s’isoler du monde pour une certaine durée. 
C’est une phase transitoire pour la poursuite de l’œuvre noire. Il s’agit pour le protagoniste de poursuivre la prise de conscience de l’organisation et du fonctionnement de ses motivations. Voir les articles La Cohobation (1) et La Cohobation (2).
L'étape de l'isolation dans le sanctuaire est nécessaire pour préparer la suite : l’isolation du Mercure et du Soufre, c'est à dire de la singularisation de l'archétype de l'anima ou de l'animus.

Voici ci-dessous l'extrait du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :
L'emblème XXVII, "Celui qui tente d'entrer sans clef dans la Roseraie des philosophes est comme un homme essayant de marcher sans pieds".

Michael Maïer écrit :

"La Roseraie des sages s'orne de mille fleurs,
Mais de puissants verrous ferment toujours la porte.
Sa clé unique est, pour tout le monde, chose vil:
Si tu ne l'as, tu veux courir priver de jambes.
Tu affrontes en vain les pentes du parnasse
Quand sur le sol uni tu te tiens à grande peine."

Atalante Fugitive
"Celui qui tente d'entrer sans clef dans la Roseraie des philosophes est comme un homme essayant de marcher sans pieds"
Emblème XXVII - "Atalante Fugitive" de Michael Maïer

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un homme dans l'impossibilité de rentrerdans jardin des philosophescar il n'a pas les clefs, c'est à dire la connaissancenécessaire. En effet, un certain savoir est requis pour pouvoir ouvrir les verrous. Il s'agit à l'adepte d'acquérir la connaissance de la matière propre, c'est à dire la nettoyer de toute impureté.

Il est dit que le portail a été verrouillé par trois fois, comme les trois étapes de l’œuvre. (Nigredo, Albedo, Rubedo)
Remarquez les trois pointes au-dessus de la porte qui symbolisent les trois différents feux nécessaires à l’œuvre.
Ces trois feux sont symbolisés dans le fond à droite par les trois muses sous les arbres en haut du Parnasse.Parmi les autres personnages un peu plus bas sur le Parnassenous pouvons remarquer Mercure mais aussi Pan, un Dieu de la Nature.


Cet homme n'a pas acquis ce savoir, il est comme privé de pieds et à peine à marcher.

Le jardin bien sûr est une représentation de l'inconscient avec tous les trésors qu'il contient.
Les pieds sont ce qui nous permet de tenir debout et nous assurent le contact avec la réalité fondamentale.
Les pieds nous renvoient également symboliquement au mythe d’œdipe (voir article Oedipe ) et/ou à celui d'Achille dont cette partie du corps est vulnérable.
 
Michael Maïer précise explicitement dans son traité que celui qui "aura pris possession de la clé, il lui sera facile d'ouvrir la porte d'entrée. A l'entrée même il verra Vénus ..."



La maîtresse clé
"Le philosophe hermétique ou la maîtresse clé" - Vienne - 1709

Observons l'image ci-dessus :
Le philosophe entre avec la clé.
Au-dessus de la porte de la demeure l'union des deux triangles symboles des principes masculin (Feu et Air) et féminin (Terre et Eau). Remarquez aux extrémités de chaque angle des triangles les symboles des six planètes ou métaux nécessaires à l'Opus. 


Heinrich Khunrath

 "Amphitheatrum sapientia aeternae" - "Amphithéâtrede la Sagesse éternelle"
Heinrich Khunrath - 1602 

Observons l'image ci-dessus :
Nous distinguons sur cette illustration les deux aspects du travail de l'alchimiste : D'une part à droite l'étude et d'autre part à gauche la prière.
Le mot Laboratorium qui est inscrit au-dessus de la cheminée en haut à gauche illustre parfaitement ces deux aspects. Labor signifie travail, étude et oratoriumfait référence à l'art oratoire et à l'oraison.
Le secours de Dieu est indispensable à la réussite de l’œuvre et il faudraitêtre insensépour ne pas en tenir compte. 
D'autre part, sur les bases des colonnes de la cheminée nous pouvons lire Ratio et Experimentiaqui signifie "raison" et "expérience". En Alchimieles déductions suivent la pratique et l'expérimentation, d'autant que la réalisation de l’œuvre s'avère être un processus fortement personnel.

Il est question ici de dépasser l'état irréel à laquelle peut mener aussi bien la prière répétée dans l'oratoire que l'étude assidue dans le laboratoire. Il est question de quitter ses illusionsfausses et de rentrer "acteur" dans sa dimension réelle.

Remarquez sur la table centrale, des livres, une balance et des instruments de musique à cordes sur la table. Le rôle de la musique, je ne le signalerais jamais assez, avec ses enchainements harmoniques d'accords mais aussi ses superpositions mélodiques en contrepoint, accompagne et agit sur la réalisation de l’œuvre.
Remarquez également le fourneau au premier plan qui invite à la patience, vertu au combien nécessaire à l'artiste : "Hate-toi lentement !"

Toute précipitation est mauvaise conseillère.

 Vierge et enfants qui prient - Vieille église de Provins

Meditation
 Bouddha en méditation - Musée Guimet - Paris

Enguerrand Quarton
 Enguerrand Quarton - Le couronnement de la Vierge - 1453 1454
Musée de Villeneuve les Avignon

Observons l'image ci-dessus :
Le Christ est une représentation de la Pierre des philosophes, obtenu par la séparation de "l'esprit" du "corps" des éléments. Il ne représente en fait qu'une partie de la totalité mais je reviendrais sur cet aspect. 
La colombe en haut représente bien sûr l'esprit saint mais de façon plus élargi la colombe représente l'esprit incréé qui anime la matière morte.
La trinité chrétienne en alchimie peut se lire comme l'union du principe fécondant ou masculin au principe récepteur ou féminin par le lien de l'Esprit c'est à dire du Mercure.
Le couronnement de la Vierge est une représentation de la phase intermédiaire du grand œuvre. La vierge en alchimie représente souvent la quintessence ou l'éther c'est à dire l’essence du "4", que ce soit quatre éléments ou quatre fonctions psychologiques. (Voir article Quatre Fonctions )
 
 Aurora Consurgens - XIV° siècle

Observons l'image ci-dessus :
L'alchimiste arabe du X° siècle, Umaïl at-Tamimi, pénètre dans l'écrin de la sagesse, le Lapis, dont les quatre portes, celle des quatre éléments s'ouvrent avec les quatre clés.

Merci de votre lecture
Bon magistère !

Solstices

$
0
0
Bonjour,

Je souhaite évoquer dans le présent article au travers duphénomène annuel des deux solstices une illustration duprincipe des opposés.

Le solstice d'hiver c'est à dire les jours les plus courts de l'année se situe vers le 21/22 décembre, et le solstice d'été c'est à dire les jours les plus longs de l'année vers le 20/21 juin.
Ces deux périodes de l'année représentent deux opposés en quelque sorte dans le calendrier.

Par ailleurs, nous pouvons remarquer que la vie du Christ est encadrée de deux personnages qui portent le même prénom : Saint Jean Baptiste, le cousin du Christ et, Saint Jean l'évangéliste, "l'apôtre bien aimé".

La tradition chrétienne fête Saint Jean Baptiste l'été, précisément le 24 juin c'est à dire juste après le solstice d'été. Cette fête est accompagnée dans la tradition paysanne à de grands feux purificateurs. Saint Jean l'évangéliste lui est fêté juste après le solstice d'hiver, Noël et la naissance du Christ,le 27 décembre.

 "Saint Jean et Jean Baptiste" - Jacopo del Fiore - Venise - XIV ° siècle

Le solstice d'hiver annonce que les jours vont à nouveau croître. Même si nous sommes encore en plein hiver, d'une certaine manière la lumière, la vie, la chaleur et le renouveau sont annoncés avec le rallongement des jours. La fin du solstice d'hiver est donc le gage d'une espérance, le retour à la pleine lumière.

Lors du solstice d'été c'est le phénomène inverse.  Alors que nous sommes dans les beaux jours, le solstice d'été annonce le déclin de la lumière et le retour vers les ténèbres.
C'est un peu comme la nuit qui est annoncée dès que le soleil en plein milieu de la journée est passé au zénith. En effet, et même si nous ne le réalisons pas, la nuit commence dès que l'heure de midi d'une certaine manière est passé d'une minute ! 

Dans les évangiles Jean Baptiste, cousin du Christ, est le prophète qui annonce la venue du Messie. Il dit "Il faut qu'il croisse et que je diminue" (Jean III : 22-36).
Traditionnellement Jean Baptiste est représenté avec une apparence assez fruste. Vêtu d'une simple peau de mouton il est souvent représenté pieds nus dans les eaux du Jourdain.
D'autre part, même si Jean Baptiste mène une vie d'ascèse « caché dans le désert », se nourrissant de « sauterelles et de miel sauvage » (Matthieu III:4)il est souvent représenté physiquement assez costaud avec des bras puissants et un visage aux traits graves. Malgré cette allure physiquement imposante, l'animal qui représente allégoriquement Jean Baptiste est un agneau, animal symboliquement doux. Il meurt décapité.

Jean Baptiste est un prophète qui annonce le Christ, c'est à dire la lumière.



Jean l'évangéliste est traditionnellement représenté de façon beaucoup plus fine, souvent avec une élégante tenue vestimentaire. Comme par opposition, Jean l'évangéliste aune belle apparence physique. Il est jeune et il se dégage de la douceur de sa personne. Paradoxalementl'animal qui le représente allégoriquement est un aigle, c'est à dire animal puissant.

Jean l'évangéliste annonce les ténèbres puis la lumière.


Il y a donc un vrai contraste entre les deux Jean. Leurs apparences, leurs caractères, leur destin oula place que chacun a est tout autre dans l'évangile c'est à dire "la bonne nouvelle". 

Tous deux encadrent la vie du Christ. L'un annonce clairement sa venue et s'éclipse si j'ose dire à la venue du Messie. L'autre ouvre à la nouvelle lumière que le verbe incarné apporte.
Ce qui amusant c'est de remarquer que leurs deux fêtes se relient indéfiniment dans le cycle des solstices comme si ce qui les oppose au fils du temps s'échange.
Tout comme le Christ est un symbole du Soi, les deux Jean associés au deux solstices représentent la totalité.

 "Saint Jean et Jean Baptiste" - Maison Bellone
 
Dans la basilique Sainte Marie des Anges de Romenous pouvons observer au sol une grande ligne méridienne. Cette ligne fut conçue par l'astronome et mathématicien Francesco Bianchini au début du XVIII° siècle. Il s'agit d'un cadran solaire commandé par l'église pour permet de déterminer avec grande précision les dates de la liturgie chrétienne. 

Quelques photographies de la basilique Sainte Marie des Anges de Rome : 

ROME



Rome


Voici ci-dessous la grande ligne méridienne au sol de la basilique :

Rome
Ligne méridienne de la basilique Sainte Marie des Anges - Rome

Observons l'image ci-dessus :
Nous avons Vision d'ensemble de la ligne méridienne construit sur le méridien qui traverse Rome à la longitude de 12°50'.
Remarquez dans le mur de l'édifice les deux trous qui permettent avec le passage de la lumière de déterminer avec précision la date du jour.


Ci dessous quelques autres photographies de l'intérieure de la basilique Sainte Marie des Anges de Rome :

Rome








Rome


J'en arrive maintenant à ce qui est indiqué au centre de la basilique Sainte Marie des Anges de Rome. Sur le sol nous pouvons le symbole photographié ci-dessous. Nous avons déjà rencontréà plusieurs reprises ce symbole. (Voir article Le Mercure (3) , Kabbale alchimique (1) )


Antimoine

Nous voyons un globe surmonté d'une croix. L'ensemble représente "la Totalité", "l'univers", le "Tout", le "Soi". 
Ce symbole que nous trouvons dans de nombreux traités alchimiques représente les opposés, par exemple ce qui est évolué et ce qui a encore un caractère primitif ou archaïque.
Le Globe représente la Matière, et, la Croix illustre l'Esprit. Nous pourrions aussi évoquer l’Éros et le Logos ... (voir tableau ci-dessous pour les autres exemples d'opposés)
Remarquez ici que sous le globe il y a un feu qui cuit l'ensemble, c'est à dire que l'ensemble est en voie d'unification, de réalisation.


Ciel
Conscient
Soleil
Evolué
Apollon
Volatil
Roi
Logos
Lumière
Masculin
Actif
Extraversion
Horizontal
Haut
Descendre
Terre
Inconscient
Lune
Primitif
Diane
Fixe
Reine
Éros
Matière
Féminin
Passif
Introversion
Vertical
Bas
Monter


"L'eau mercurielle"
(Extrait du traité de Baro Urbigerus - Hamboug 1705)


Observons l'image ci-dessus : Mercure sort de l'eau (Donc de l'inconscient ici) Il est né de la conjonction des contraires (représenté ici par le Soleil et la Lune) Il est Filius Noster, "Notre Fils". Il est représenté par le Dieu Grec à figure humaine, c'est à qu'il est accessible à une humanité (plus proche du conscient en quelques sorte)
Mercure tient dans sa main gauche "L'univers" représenté par le Globe (la Matière) surmonté d'une Croix (L'Esprit)
Dans sa main droite les serpents entrelacés du caducée. Ce dernier symbole représente la double spirale cosmique de l'accord des opposés (Ciel / Terre, Lumière / Matière, Conscient / Inconscient, ...) C'est le symbole du Mercure hermétique et de la longue vie.


Eglise de la médaille miraculeuse 
Paris - rue du bac

Église Saint-Louis-des-Français- Rome

Les symboles du Soi ou de la Totalité expriment d'une part sa nature matérielle et universelle mais aussi d'autre part la structure de la conscience qui peut les percevoir.
Les deux Jean (Jean Baptiste et jean l'évangéliste), le cycles des solstices, le zodiaque avec ces douze signes, le globe surmonté de la Croix sont tous des représentations du Soi.
 
C'est par la confrontation avec le Soi, ou devrais-je écrire avec le principe des opposés que petit à petitle processus d'individuation se révèle, c'est à dire que l'être se réalise.
Les parties d'ombre laissent la place à la lumière sous-jacente.
La lumière , ou énergie libérée, établie un lien entre l'âme et le "Moi".

L'âme se décline sous différents aspects selon la nécessité de réajustement du centre, du "Soi", ou selon le regard et l'attention du "Moi" (Nous y reviendrons ...) 
Le "Moi" doit se renforcer afin d'une part de se distinguer du "Soi" (individuation) et mais aussi d'autre part de pouvoir s'abandonner à lui, à "Dieu" (Lire à ce sujet Quatre Fonctions )
L'âme reste en définitive toujours une "quantité"à réaliser.

La roue de l'univers avec les douze signes du Zodiaque 
Musée de Cluny - Paris

Orgue
L'orgue
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome



Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Cancer
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Lion
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - la Vierge
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque- La Balance
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Scorpion
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Sagittaire
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Capricorne
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Verseau
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - les Poissons
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Bélier
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Le Taureau
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome

Basilique Sainte Marie des Anges de Rome
Zodiaque - Les Gémeaux
Basilique Sainte Marie des Anges de Rome




Merci de votre lecture
Bon Magistère !

Jupiter, le mythe

$
0
0
Bonjour,

Je vous propose ci-dessous une petite étude sur Jupiter en Alchimie.

Jupiter est le fils de Saturne et de Rhéa, et petit-fils du Ciel et de la Terre(sur sa naissance lire l'article Saturne, le mythe). 
Jupiter est le seigneur du ciel, le Dieu de la pluie, celui qui rassemble les nuages et déclenche la foudre. Il est le maître de l'Olympe, le Dieu des Dieux. 
Jupiter est par ailleurs réputé pour ses nombreuses aventures amoureusesqu'il dissimuleà sa femme Héra (Junon romaine).

Le Dieu Jupiter est parfois considéré, selon Christian Montésinos, comme un des pères de l'alchimie. Les alchimistes associent à Jupiter l'étain, un métal gris-argenté assez malléable. Dans certains traités Jupiter est parfois associé au Zinc. Pour les alchimistes qui pratiquent la transmutation des métaux, le plomb se change en étain, qui lui-même se mute en cuivre.

D'un point de vue psychologique Jupiter représente une étape supplémentaire par rapport à Saturne dans l’avènementà la conscience du processus individuation. C'est à dire qu'il permet d'englober de façon plus vaste conscience et inconscience pour un meilleur développement de l'individu. Ce sont bien les résidus, ou fiel saturnien qui vont être à l'origine de la transmutation des métaux, c'est à dire de l'évolution de l'être. 
Nous allons voir qu'autour de Jupiter se constellent des archétypes tels que :

  • L'enfant divin
  • Les nymphes
  • La naissance deMinerve (Athéna)
  • La naissance de Vénus     

Planète
Jupiterest la cinquième planète de notre de notre système solaire (après Mercure, Vénus, Terre et Mars) et c'est aussi la plus grosse.

Dieu
 Jupiter et son Aigle

Jupiter est un enfant abandonné, un enfant divin trouvé. Il est intéressant de remarquer que c'est le cas de nombreux Dieux de la mythologie.
Ainsi, Dionysos (fils de Zeus) est un enfant éduqué par des nymphes.
Le Dieu Pan, fils d'Hermès, associé à la Nature et la puissance sexuelle, est également abandonné de sa mère.
Hermès lui-même est un enfant abandonné.
Castor et Pollux fondateurs de Rome sont également des enfants recueillis par et nourris par une louve.


Zeus (Jupiter romain) fût vénéré dans la Grèce en tant que Dieu enfant. Il est par exemple invoqué dans un chant religieux composé probablement à l'époque hellénistique que l'on retrouva en Crête gravé dans la pierre à une époque plus tardive (Cf "Antholigia Lyrica Graeca" de Deichgräber - 1937) Le Dieu y est représenté imberbe sous un aspect juvénile : l'enfant Jupiter.

 "Jupiter enfant et la chèvre Amalthée"– Pierre Brebiette (1598-1642)
 
Dans la Rome antique ce n'est plus le cas, Jupiter est au contraire vénéré comme Père (Pater) Le nom fait d'ailleurs allusion au père du jour (Jovis Pater).
Toutefois au sud de Rome le Temple à Terracine dédié à Jupiter révélaà quel point leculte de ce Dieu évoque la jeunesse. En effet lors des fouilles du temple de Terracine de nombreux jouets d'enfant en plomb, ainsi que des ustensiles de cuisine de l'époque d'enfant ont été retrouvés. Ces jouets d'enfant étaient offertsà l'enfant Divin Jupiter.
(Cf "Introduction à l'essence de la mythologie" de Charles Kerényi et Carl-Gustav Jung) 

 Temple de Jupiter Anxurus - Terracine 

Jupiter fût sauvé de la cruauté de son père Saturne par sa mère Rhéa (Voir article Saturne, le mythe). Jupiter (Zeus pour les grecques) fût élevé dans une grotte par les nymphes du mont Ida et allaité par la chèvre nommée Amalthée.

 "L'enfance de Jupiter" - Nicolas Poussin - 1636 - Londres

Observons l'image ci-dessus:
Nous voyons au centre Jupiter qui est allaité par la chèvre Amalthée, elle-même tenue par un berger. Une nymphe derrière Jupiter récolte du miel sauvage dans une cavité d'arbre. Sur la droite la nymphe de la source verse de l'eau d'une amphore.

Voici ci-dessous deux extraits du traité "Atalanta fugiens"("L'Atalante fugitive") de Michael Maïer de 1618

Pour l'emblème II,Michael Maïerécrit :



"On dit que Romulus téta une âpre louve,
Jupiter, une chèvre, et que c'est assuré.
Faut-il donc s'étonner si, selon nous, la terre
A nourri de son lait le tendre fils des sages ?
Quand d'un faible animal le lait fit ces héros.
Comme il sera donc grand, celui dont la nourrice
Est le globe terrestre ! "
 "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618), Emblème II :
"La terre est sa nourrice"

Observons l'image ci-dessus :
Au centre nous voyons la Terre qui nourrit au sein un enfant. A gauche, un  enfant est nourrit par une chèvre et à droite deux autres enfants nourrit par une louve. A gauche il s'agit de Zeus qui fût recueillit par des nymphes et nourrit par la chèvre Amalthée. A droite, il s'agit bien de Romulus et Remus allaités par la louve.
Cet emblème représente le Terre Philosophique, c'est à dire la Matière de l’œuvre dont le lait ou "lac virginis" ("lait de Vierge") nourrit l'enfant qui représente ici le souffre. Michael Maïer insiste dans son traité sur la nécessite et qualité de chaleur doit être naturelle. La chaleur peut provenir d'un feu modéré, du fumier de la putréfaction, du Soleil ou de l'air, des entrailles de la mère ou d'ailleurs, elle reste indispensable pour la réalisation.

Chèvre Amalthée
 "Jupiter nourrit par la chèvre Amalthée"
Marbre de carrare - Rome

Alors pourquoi de très nombreux Dieux de l'antiquité sont des enfants abandonnés ?
L'homme de l'antiquité s'est-il senti si abandonné, si seul dans l'Univers ?
C'est bien possible.
Une autre piste est de considérer que l'enfant à lui seul est déjà une représentation du divin et que Dieu semble avant tout résider en lui

Les nymphes sont d'un point de vue psychologique des représentations de l'Anima, c'est à dire la part féminine inconsciente de l'homme.

Théodore Chassériau
  "Nymphe endormie près d'unesource" - Théodore Chassériau - 1850 
(Musée Calvet en Avignon)

L'alchimiste du XVIII ) siècle Pernety écrit :  
"Les Nymphes qui prirent soin de Jupiter se nommaient Ida & Adrasté : on les appelait aussi les Mélisses. Quelques-uns disent qu’on le fit allaiter par une chèvre, et que les abeilles furent aussi les nourrices. (..., ...)Nous avons dit que lorsque la couleur grise ou le Jupiter philosophique paraît, les parties volatiles de la matière dissoute se subliment, et montent en abondance au haut du vase en forme de vapeur, où elles se condensent comme dans la distillation de la Chimie vulgaire, et  après avoir circulé, retombent sur cette terre grise qui surnage l’eau mercurielle. (...) Les deux Nymphes expriment par leurs noms mêmes cette matière aqueuse, volatile, puisque Ida vient d’IdoV, sudor, & Adrastée, d’a complétif, et de draw fugio. Si on les dit filles des Mélisses ou mouches à miel, n’est-ce pas de ce que ces parties volatiles voltigent au-dessus du Jupiter des Philosophes, comme un essaim d’abeilles autour d’une ruche ?"(Joseph Don Pernety – "Fables égyptiennes et grecques"– Tome 2 - 1786)

Voici ci-dessous l'Hôtel Lallemant à Bourges, une demeure philosophale, qui possède une pièce avec un magnifique plafond comportant une trentaine de caissons. Voici le onzième caisson appelé"La corne d'abondance et la poule".

 Corne d'abondance - Hotel Lallemant Caisson 11
  
Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons une corne d'abondance remplie de fruits et de fleurs. Selon Fulcanelli la corne d'abondance ici est le moyen que la nymphe utilisa pour nourrir l'enfant Jupiter.
La poule est simplement ici une représentation familière de l'univers rural.

 Jupiter - Dieu de l'Olympe - Illustration du XIX° siècle

Jupiter est représenté ci-dessus assis sur son trône avec à la main la foudre son arme emblématique, et un aigle l'animal qui lui est consacré à ses côtés.
 
Alchimie
 "Le Livre de la Sainte Trinité" - Début XV° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Il s'agit de l'illustration du péché original. Adam et Eve qui symbolisent ici l'Or et l'Argent alchimique. Selon le traité c'est la luxure dont Adam et Èvese sont rendus coupable qui a corrompu les métaux.
Nous pouvons voir en haut à gauche une lance qui représente la purification par le Feu. 
La potence évoque le martyr du Fer (Mars); le Cuivre (Vénus) est décapité; Saturne subit le supplice de "la roue de Böhme". Cette roue selon le philosophe allemand renvoie à l'âme déchue et souffrante qui traverse un tourbillon de deux volontés contraires. 
Enfin, le bloc de Zinc jupitérien contient le "fiel saturnien", c'est à dire le ressenti résiduel qui va être pris en compte dans la transmutation.
Pour Jacob Böhme avec le mouvement antagoniste des forces contraires, une rotation s'opère entre le double feu de lumières et de ténèbres qui donnent naissance à un troisième principe. Puis, après une période de lumière, d'amour et d'esprit véritable en relation avec Vénus, Böhme évoque Jupiter avec le son et la joyeuse exaltation des cinq sens.
Dans l'illustration ci-dessus les dés mercuriels renvoient au jeu de dés des soldats le vendredi saint lors de la crucifixion de Christ.
En effet, en alchimie Jupiter nait de Saturne, tout comme le plomb blanc ou étainnait du plomb noir. Or, cette œuvre est le fruit du travail des femmes qui par le feu cuit la matière, ce qui blanchit le visage de Saturne.Il s'agit donc d'une coction, ou d'une cuisson à la vapeur qui peut d’apparentée également au bain de marie la Juive. C'est l'alchimiste arabe du VIII° siècle Gerber le sage qui désigne l'étain comme le plomb blanc.
 
Voici ci-dessous deux emblèmes extraits du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :

Le premier l'emblème XXII, "Après t'être procuré du plomb blanc, opère l’œuvre des femmes, c'est à dire cuis."



Michael Maïer écrit :
"Tu aimes retirer grand fruit d'un peu de peine ?
De neige enduis le visage de Saturne.
La matière d'un plomb très blanc t'apparaîtra.
Tu n'auras plus alors que le travail des femmes.
Elles placent au feu leur charbon. Cuis de même,
Mais il faut que la truite en ses eaux se dissolve." 


Michael Maïer
 Michael Maïer - Atalanta Fugiens - 1618 - Emblème XXII

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons une femme qui devant l’âtre travaille et surveille le feu. Trois marmites fermées cuisent et un bac rempli de liquide est au-dessus des flammes.
C'est, nous dit Michael Maïer, en lavant avec Mercure que l'on passe de Saturneà Jupiter, c'est à dire que s'opère la transmutation du plomb en l'étain.
Maïer exprime clairement que Mercure guérit Saturne de ses taches.
Le Mercure est encore une fois l'inconscient "qui sait".(Lire article Le Mercure (1)Le Mercure (2)Le Mercure (3) )
Le feu fait bien évidement au Dieu Vulcain qui permet la dispersion des parties crues, c'est à dire la maturation de l’œuvre. Il faut en effet du temps, de la sagacité et de la patience pour la réalisation de la Pierre Philosophale.
Nous pouvons voir un chat sur l'illustration qui représente le feu secret, c'est à dire plus moderne "la saine sphère affective personnelle".

Nous pouvons enfin voir en bas à droite de l'illustration un bac avec deux poissons à l'intérieur. "La Truite doit être liquéfiée dans ses propres eaux" nous indique Michael Maïer, c'est à dire qu'elle doit arriver à une certaine maturation. 
En langage alchimique nous disons que le poisson est coagulé puis fixé par la même "eau".Dans des termes psychologiques nous disons qu'il advient à la conscience et est intégré. 
Remarquez sur l'image ci-dessus que la fenêtre ouverte donne sur une rivière.
 

Le second emblème extrait de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer  (1618) l'Emblème XXVIII: "Le Roi se baigne, assis dans le bain laconien; Il est délivré de sa bile par Pharut."


Michael Maïer écrit :
"Le Roi Duenech (qui du lion vert porte les armes)
Sévère dans les moeurs était gonflé de bile.
Il mande alors vers lui Pharut, grand médecin
Qui lui promet la guérison et d'une source
Prescrit l'onde aérienne; on voit alors le Roi
Sa laver longuement sous la voûte de verre
Et la rosée emporte enfin sa bile."

Le terme "bain laconien" fait référence à des ablutions et purges qui se pratiquaient dans la Grèce antique en Laconie, c'est à dire dans le sud du Péloponnèse.

Le Roi Duenech souffrait d'un caractère mélancolie (lié à Saturne) et de la colère (lié à Mars) 

Atalanta Fugiens
 Michael Maïer - Atalanta Fugiens - Emblème XXVIII

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons ici un Roi avec sa couronne allongé nu dans un four. Remarquez une lampe à huile qui éclaire l'intérieur du four.
Pour Michael Maïer trois cuissons sont nécessairespour la réalisation de l'opus. Elles agissent successivement dans le ventre, le foie puis le système veineux. Elles ont pour but de nettoyer l'organisme de ces excrétions, de sa mauvaise bile et des autres impuretés.
Remarquez sous le Roi les vapeurs de chaleur qui remontent. 

Il s'agit d'une étape de purification par le feu. La lampe symbolise le feu, la lumière mais aussi l'âme du Roi.

(Pour plus d'information sur le sujet lire l'article : La Putréfaction )


La Naissance de Minerve (Athéna grecque)
Gaïa et Ouranos avaient prédit à Jupiter que l'enfant qui naîtrait de son union avec Métis (esse de l'intelligence et de la sagesse)aurait la force du père et la sagesse de la mère. Zeus décida d'avaler Métis sa femme juste au moment où celle-ci était sur le point de mettre au mondecet enfant. Peu de temps après Zeus éprouva de terrible maux de tête. Pour l'en guérie Héphaïstos(Vulcain romain) lui fendu le crâne avec sa hache. De cette blessure sortie Athéna toute vêtue et déjà armée. 
Déesse Grecque Athéna

    "La naissance d'Athéna" - Péliké attique à figures rouges - 450 avant J-C
British Museum - Londres

Voici ci-dessous à nouveau un extrait de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer  (1618)  Emblème XXIII« Aurumpluit, dum nascitur Pallus Rhodi, & Sol concumbit Veneri. »(« L’or tombe en pluie lorsqu’à Rhodes naît Pallas et le Soleil couche avec Vénus. »

Michael Maïer écrit :
"Rhodes, certes, vantait un étrange prodige,
Mais les Grecs nous en sont garants.
Ils rapportent qu'une pluie d'or tomba des nues
Au lieu où le Soleil et Vénus s'étreignaient
Et quand Pallas sortit du cerveau de son Père.
Ainsi, comme les eaux du ciel,
Que l'eau descende dans son vase."

   Michael Maïer
 « L’or tombe en pluie lorsqu’à Rhodes naît Pallas et le Soleil couche avec Vénus. »  Emblème XXIII extrait « Atalanta Fugiens » de Michael Maïer  

Observons l’image ci-dessus :
Vulcain, dieu du Feu(Héphaïstosgrecque) d’un seul coup de hache, fend la tête de Jupiter, le soulageant d’un terrible mal de crâne et donne naissance à Minerve (Pallas Athéna)
Remarquez qu’une pluie d’or tombe dans le fond sur l’île de Rhodes (La terre philosophique où Bernard Le Trévisan aurait découvert le secret de la Pierre Philosophale en 1472)
Le Soleil et Vénus ont une union clairement sexuelle qui symbolise l’union des principes contraires tels le Volatil et leFixe. Cupidon est complice de cette union qui produit le Colosse de Rhodes dans le fond au centre rayonnant de majesté.
D'un point de vue psychologique Athéna représentela "fonction de Pensée". (Voir article Quatre Fonctions)Pour les alchimistes d’autrefois Athéna symbolise le Mercure sublimé au plus haut degré par la coction (Il s’agit d’une technique traditionnellement utilisée par des femmes qui consiste à faire cuire à la vapeur à la façon du bain de Marie la Juive).
La pluie d’or sur Rhodes fait référence au mythe de Cadmus qui résume pour les philosophes le Grand-Œuvre dans sa totalité. En effet, l’histoire raconte que Cadmus envoyé par son père Agenor le Roi de Phénicie à la poursuite arriva sur l’île de Rhodes. Europe était la sœur de son père. Cadmus fit édifier sur l’île un temple à la gloire de Neptune qu’il confia aux phéniciens et offrit des présents à Minerve parmi lesquels un magnifique vase en cuivre.
Le colosse de Rhodes existait dans l’antiquité.

"Athéna méditant devant une stèle" - 460 avant J-C 
Athènes - Musée de l'Acropole
Parallèlementaux péripéties de Jupiter il ne faut pas oublier que Chronosmit fin au règne d'Ouranos et lui ôta sa virilité. Sous l’instigation de sa mère Gaïa, Chronos mutila son père, et jeta dans la mer les débris de la virilité paternelle. Ceux-ci nagèrent sur les flots et formèrent une blanche écume de laquelle naquit Aphrodite.  
Il existe une autre tradition posthomérique qui veut que c'estJupiter qui mutila son père Saturne afin qu'il n'engendre plus d'enfant et que de cette castration naquit Vénus (Aphrodite Grecque).

Naissance d'Aphrodite
 Naissance d’Aphrodite - Grèce antique

Aphrodite (Vénus romaine) est le symbole de la beauté féminine achevé. Avec la pureté de ses lignes elle est la grâce aimable qui attire, la séduction incarnée. 

Naissance d'Aphrodite
 "Naissance de Venus" - 1879 - William Bouguereau
Les amours de Jupiter sont nombreux car il est polygame. Outre bien sa femme Junon (Héra grecque) Jupiter séduit Latone (Voir article L'ombre)

"Léda et le Cygne" - Léonard de Vinci - 1505 1507 - Florence

Observons l'image ci-dessus :
Léda est la fille de Thestios, Roi d'Etolie et d'Eurythémis. La légende raconte que Jupiter tomba amoureux d'elle en la voyant se baigner dans le fleuve Eurotas, et se présenta à la jeune femme sous les traits d'un cygne.
La nuit même où Léda fût séduite par Jupiter, elle s'unit aussi à son époux Tyndare, le Roi de Sparte. 
De cette double union naquirent deux œufs différents que nous voyons sur la gauche du tableau. D'une partCastor et Hélène, et d'autre part Pollux et Clytemnestre. La tradition attribue à Jupiter la paternité de Pollux et d'Hélène et à Tyndare celle de castor et Clytemnestre.

A propos de l’œuf lire l'article  L’œuf des Philosophes


Pierre Paul Rubbens
 Jupiter Mercure avec Philemon et Baccus - Pierre Paul Rubbens


Merci de votre lecture,
Bon Magistère !

Chateau de Versailles
Jupiter dans les jardins du château de Versailles 

Le Paon

$
0
0
Bonjour,

Dans l'article ci-dessous je vous propose d'aborder la symbolique du paon en alchimie.

Junon - Héra

Après l’œuvre au noir avec Saturne, la putréfaction et le Corbeau qui y sont associés (lire articles : Saturne, le mythe, Saturne, le plomb, et, Le Corbeau) la roue du paon déploie une palette de couleur telles les couleurs de l'arc en ciel qui laisse entrevoir l'ensemble du processus du Grand Œuvre. 

Pour l'alchimiste la queue du paon symbolise le moment où après une mort symbolique, la matière se pare des multiples couleurs présentes dans les étoiles de la voûte céleste. C'est la phase multicolore de l’œuvre qui précède l'apparition de la poudre d'or.

Alchimie
 Salomon Trismosin - Splendor Solis - Emblème numéro 17

Observons l'image ci-dessus : 
Nous voyons un vase ou matras dans lequel se battent trois oiseaux. Il y a un oiseau noir, un oiseau blanc et un oiseau rouge. Ces trois couleurs symbolisent les trois étapes importantes de l'Opus (Nigredo, albedo, et rubedo)
Il s'agit ici de l'étape transitoire de croissance de la masse en ébullition qui va mettre en place la transmutation à venir.
En bas et autour sont représentés les princes de ce monde, les trésoriers ainsi que les alchimistes qui sont gouvernés par Jupiter.
Remarquez en haut deux paons qui tirent le chariot. Le Paon est un animal que la tradition alchimique, tout comme la Grèce antique, associe à la déesse Junon (Héra grec) et à son sanctuaire sacré.

Voici ci-dessous une illustration extraite du "Amphitheatrum sapientia aeternae"("L'amphithéâtrede la sagesseéternelle")d'Heinrich Khunrath (1602)

Alchimie
 Heinrich Khunrath - Amphitheatrum sapientia aeterna - 1602 -
(Dixième planche)

Observons l'image ci-dessus :
Nous avons ici une représentation de l’œuvre alchimique sous la forme d'un globe. 
Le lapis ou Pierre Philosophale a un premier stade est considérée par les philosophes comme Materia Prima.  Parfois la Prima Materia est nommée  Chaos des Sages ou chaos macroscopique des quatre éléments. En effet malgré son aspect vil et inutile la Materia Prima, que nous pourrions nommer en langage moderne l'Inconscient, contient l'essence de la Première Matière Universelle. Mais ceci dans un état indifférencié c'est à dire semblable à celui du monde avant la Création.
Cette Pierre est nommé Triune (une en trois) car elle est un corps avec un esprit et une âme. Les alchimistes parlent du Sel du Mercure et du Soufre. Ces trois composants correspondent aux divers états de fluidité ou de volatilité, de densité ou de fixité, d'état humide ou d'état sec que prends la "Matière" au cours du processus alchimique de transmutation.
Le premier mode opératoire ou modus operandi est la Dissolution et la Coagulation (Solve et Coagula) Les bras qui portent le Lapis au centre de l'illustration évoquent ces deux parties principales de l'Opus : la dissolution (Solve) et la coagulation (Coagula).
Apparait alors le principe des opposés, souvent représenté par le Rebis des philosophes, qui lui-même doit être dissolue et coagulé. Remarquez sur l'illustration les eaux rouges et blanches qui s'écoulent du Rebis. Elles évoquent le double aspect de la matière : la matière visqueuse du corps oculaire et l'océan du temps et de l'espace.
Ensuite, une solution purifiée est obtenue dans laquelle les opposés s'harmonisent et s'unissent plus qu'ils ne s'opposent. 
Au début la couleur de la matière de l’œuvre est le noir (c'est à dire inconscient) : Lire article Le Corbeau, La Putrefaction. 

Une fois le Corbeau tué, il se transforme en Paon qui fait la roue. 
C'est à ce stade qu'il est possible d'apercevoir la déclinaison de toutes les couleurs variées, c'est à dire l'ensemble du processus.
Par la suite, nous verrons que la matière prend l'apparence d'un Cygne car elle est blanchie au cours du processus d'Albedo. Cette période est une pleine collaboration entre les deux polarités que sont le inconscient et conscient et ne peux se réaliser qu'avec l'investissement et la collaboration de ces deux polarités.

Pour faire suite à l'illustration d'Heinrich Khunrath voici ci-dessous une image extraite du traité de Michel Maïer : "Septimana Philosophica" de 1620. 
Après le chaos des sages, voici la création ...
Alchimie
 Michel Maïer - Septimana Philosophica - 1620 - (Sixième planche)

Observons l'image ci-dessous : 
Voici une représentation qui inspiré du cinquième jour de la création évoqué dans la Génèse. Nous voyons tous les animaux qui appartiennent au bestiaire symbolique des alchimistes : l'Aigle (le volatil), le Corbeau (La nigredo ou œuvre au noire), la Chouette(Cf la déesse Athéna ou Fonction de pensée) la Paon, le Perroquet(ou Fonction de transcendance) le Cygne blanc(L'albedo ou œuvre en blanc) et le Phénix rouge(Le rubedo ou œuvre en rouge)
Les eaux contiennent les monstres qui évoquent les tumultes de l'inconscient. Le Dauphin symbole du Soufre ou de l'union avec la conjointe mercurielle autrement nommée Anima. 
Par ailleurs nous pouvons sur terre remarquer le Dromadaire, le Chat, le Chien et la Licorne, le Lion, le Bélier, le Taureau et le Cheval.

Voici maintenant une illustration extrait du traité "Tripus aureus" ou "Trépied d'or" de Michael Maïer - 1618 qui classe en quelque sorte le "bestiaire alchimique" :

Alchimie
 Michael Maier - Tripus aureus - 1618 - L'Athanor

Observons l'image ci-dessus:
Nous voyons dans la partie supérieure de l'illustration un athanor c'est à dire donc le fourneau alchimique. L'athanor symbolise notre for intérieur. Nous pouvons remarquer un serpent à l'intérieur qui représente leMercure des Philosophes c'est à dire pour dire vite l'inconscient (Lire article Le Mercure (1) , Le Mercure (2) , Le Mercure (3) )
En dessus trois niveaux où se distinguent plusieurs animaux. Tous font partie du bestiaire alchimique et décrivent les différentes éléments et étapes de l'Opus : 
Le Lion représente le Souffre Fixe
L'Aigle symbolique le Mercure (volatile et/ou dissolution)
Le Serpent représente le dissolvant mercuriel.
En dessus, le Dragon symbolise le sujet de l'Art.
Le Corbeau représente la Nigredo (la noirceur ou putrefactio)
Le Paon avec sa queue symbolise  la gamme des couleurs variées (omnes colores ou coda pavonis, la queue du paon)
Le Cygne représente l'Albedo ou blanchiment de la Pierre (albutio, baptisma)
Enfin, le Phénix symbolise le Rubedo ou rougeoiement de la Pierre (Multiplicatio ou multiplication).

Voici ci-dessous une illustration extrait du traité de Johann Daniel Mylius "Philosophia reformata"éditée en 1622 ("La philosophie réformée") : les quatre phases de l'oeuvre.
"Les quatre phases de l’œuvre"
Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622 

Observons l'image ci-dessus :
Le Soleil et la Lune présentent les quatre phases de l'Opus : Le Corbeau(Nigredo), le Paon (Queue du Paon), le Cygne (Albedo), et le Roi rouge(Rubedo). Cette dernière phase évoque, ou "rougeur parfaite"évoque la Fixité définitive du Volatil.
Au stade de Paon, toutes les couleurs sont présentées mais contenues dans le seul blanc qui lui évoque clairement la spiritualisation du "corps".
Le Serpent tricéphale dans la sphère centrale évoque que le Grand Œuvre se déroule en trois parties : le Soufre, le Sel et le Mercure. Ces trois composants sont à mettre en relation dans le langage de la psychologie moderne avec l’Âme, le Corps et l'Esprit.
Remarquez que les visages du Soleil et de la Lune rayonnent de lumière. Nous allons y revenir ... 


Mais alors déjà pourquoi le Paon ?
Afin de comprendre ce symbole revenons à la mythologie ...

Junon
 Héra assise sur son trône - 400 avant J-C

Héra dans l'antiquité fût considérée comme le type divinisé de la femme et l'épouse idéale.
Héra (Junon romaine) est sœur et épouse de Zeus (Jupiter romain).
 
Selon la mythologie Héra engageaArgus pour espionner Zeus, son mari, qu'elle soupçonnait d'adultère avec la belle nymphe Io (Lire l'article Jupiter le mythe ) Argus, un berger, avait cent yeux, ce qui lui permettait de rester toujours éveillé.Ildécouvrit donc facilement le subterfuge. Argus fut alors tué par Mercure à la demande de Zeus mais Héra pour lui rendre hommage pris les cent yeux d'Argus et en orna la queue du paon.

Pieter Lastman - 1618
 "Junon découvre Io et Jupiter" - Pieter Lastman - 1618 - Musée Londres

Observons le tableau ci-dessus :
Il s'agit de la représentation du moment où Junon avec son char tiré par des paons descend sur terre pour demandé à Jupiter de lui faire don de la génisse.
Deux figures mythologiques qui ne sont pas mentionnées dans le récit sont représentées sur le tableau : Cupidon dont l'arc est à terre au premier plan, et, d'un homme qui cherche à masquer l'animal sous un drap.
Remarquez que la queue des paons n'est pas encore ornée des "yeux" que Junon leur donnera après la mort d'Argus

Pierre Paul Rubens - 1610
 "Junon et Argus" - Pierre Paul Rubens - 1610

Observons le tableau ci-dessus :
Junon est meurtrie par la mort d'Argus représenté en bas du tableau. A côté de Junon nous voyons Iris, messagère des dieux, qui tend à la déesse les yeux pris sur la tête d'Argus. Junon déposequelques yeux de son fidèle serviteur sur la queue du paon. 
Iris est une messagère des dieux, le lien entre le ciel et la terre, son attribut est l'arc-en ciel.

A propos de ce mythe et selon Pernety : "Les Philosophes Hermétiques disent que cette fable est une allégorie de l'état de la matière de l'œuvre au moment où les couleurs de la queue de Paon se manifestent sur sa superficie." (Dictionnaire Mytho-Hermétique - Page 275 ) 
 Iris

Petite fille de Gaïa, la Terre, et d'Océan, Iris est une des divinités primordiales, celle d'avant les dieux de l'Olympe. Femme de Zéphyr (divinité du vent d'ouest) et mère d’Éros (dieu de l'amour) Iris est une messagère entre les dieux et les hommes. Cette déesse "aux pieds rapides comme le vent" (selon le poète Homère) est principalement la messagère d'Era (Junon), comme Hermès est le messager de Zeus (Jupiter). 
C'est pourquoi elle est représentée ci-dessus avec le caducée au double serpent mais son emblème principale reste l'arc-en ciel, qui chez les Grecs, est le lien qui uni les dieux et les hommes.    

Arc en Ciel - Junon
 
La vision de ces couleurs multiples, aussi bien celle de la queue du paon que celles de l'arc-en-ciel, peut s'apparenter au témoignage de Jacob Böhme, père fondateur de la philosophie moderne, à propos de son œuvre. En effet, Jacob Böhme à l'age de 25 ans, alors qu'il était assis à la table de sa cuisine, fût saisi par la lumière divine. Franckenberg raconte que "l'esprit sidérique de son âme fût introduit, par la brusque vision d'un vase d'étain (grâce à l'aimable et jovial éclat de celui-ci) vers le fond ou le centre le plus intime de la nature cachée." 
Jacob Böhme selon son propre témoignage raconta que cet évènement fût déterminant pour son existence et qu'il passa sa vie à exprimer ce qu'il vit ce jour-là. Toute l'œuvre, selon son auteur, est contenue dans cette vision divine. Tel est le symbole de la queue de paon, ou de la phase d'Irisation de l’œuvre selon les alchimistes.
"Ars magna lucis" ou "Le grand art de la lumière"
 "Ars magna lucis" ou "Le grand art de la lumière"
de Arthanasius Kircher- Rome 1665

A propos de l'illustration ci-dessus Alexandre Roob cite Goethe qui évoque "Le grand art de la lumière" de Arthanasius Kircher : "Pour la première fois, il est clairement démontré que la lumière, l'ombre et les couleurs ne sont que des éléments de la vue, et que les couleurs sont un produit des deux premiers."("Geschichte der Farbenlehre" ou "Histoire de la théorie des couleurs" - 1810)
 
Observons l'image ci-dessus :
Un aigle à deux têtes au centre représente la Lumière et l'Ombre. Ils sont placés sous l'égide d'un homme derrière la tête duquel nous voyons le Soleil (Apollon). Remarquez que les symboles des signes du zodiaque recouvrent son corps.
Le paon représente les couleurs. Il est sous la protection d'une femme sur le fond de laquelle nous voyons la Lune (Diane). Remarquez que le corps de cette femme est recouvert d'étoiles.
Un jeu de reflets des rayons lumineux évoque le degré de connaissance que nous avons.
En bas à droite une caverne évoque le célèbre mythe de Platon qui n'a que le rang que lui confère la faible réflexion de la lumière divine, obscurcie par la fange de la caverne du corps.
Tandis que le rayon reflété sur le miroir porté par Diane et qui arrive au village en bas à gauche est d'une intensité plus grande. Les couleurs sont les produits de la lumière et de l'ombre.

Kirchera démontréque, en plaçantune lentilleentreun écran et un miroir, uneimage nettemaisinversée dutexteapparaîtsur ​​l'écran.En utilisantun ballonrempli d'eausphériqueen tant que condenseurpour concentrer la lumière, Kirchera constaté queles textespeints surla surface de laglacepeuventêtre projetéesparla lumière d'unebougiedans l'obscurité. 
Ces manifestationsont finalement aboutià la naissance dela lanterne magique.

Alchimie
"Speculum veritatis" ou "Miroir de la vérité" - XVII° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Voici une représentation de la roue de couleurs qui est actionnée l'alchimiste Cadmus.
Sur la droite Vulcain (Héphaïstos grecque) adossé à un athanor surveille les opérations.
La roue comporte huit compartiments. Sept correspondent aux métaux et aux couleurs de l’œuvre.
La couleur qui correspond à Saturne, première phase de l’œuvre est le noir. La couleur associé à Jupiter est le gris cendre; celle de la Lune est le blanc. Pour Vénus c'est le vert azuré qui va vers le rouge pâle, Mars, jaunerougeâtre foncé tirant sur le rouge. La couleur qui correspond au Soleil est le jaune clair allant jusqu'au pourpre intense de l'aurore.
L'ensemble de ces couleurs constitue la palette de la queue du Paon. Cette phase se nomme irisation, ce qui fait référence à la nymphe Iris et bien sûr aux couleurs de l'arc-en-ciel. 
Cette roue illustre l'enchainement des opérations mais faire tourner la roue c'est avoir la maitrise du feu des alchimistes pour obtenir la Pierre Philosophale.

Pour la petite histoire Cadmus est le fondateur de la  ville de Thèbes. Fils d'Agenor, Roi de Phénicie, il fut envoyé par son père à la poursuite d'Europe sa sœur, enlevée par Jupiter, métamorphosé en taureau blanc. 


Alchimie

Remarquez que le phénomène des couleurs de la roue du paon ou de l'arc en ciel se retrouve dans le cercle chromatique de Newton (ou spectre des couleurs). En effet, Isaac Newton démontre au XVII° siècle que la lumière blanche peut se décomposer en rayons multicolores et se recomposer à nouveau en lumière blanche. Pour cette expérience Newton place les 7 couleurs de l'arc en ciel sur une roue qu'il fait tourner suffisamment vite pour obtenir la lumière blanche.
En d'autres termes, si au sortir de l’œuvre au noir l'ensemble du spectre des couleurs apparait à l'alchimiste, elles se réunissent toutes dans la couleur blanche. Cette seconde étape de l’œuvre est nommée Albedo (blancheur en latin).

Alchimie
Salomon Trismosin - Splendor Solis - Emblème numéro 20

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons ici un Paon dans un matras autour duquel se forment des couples. Le matras ou vase alchimique symbolise une étape de purification par le Feu.
A ce stade le Paon, selon Salomon Trismosin dévore le serpent, et, il acquière du venin une force nouvelle.
Vénus trône au firmament sur son char tiré par Cupidon (Éros grecque) ce qui annonce les plaisirs des sens.
En effet, certains couples sur l'illustration se livrent au plaisir de la musique, d'autres à la danse ou au badinage.
La queue du Paon illustre l'ensemble des couleurs de l'arc-en ciel présente dans la Materia Prima(Voir remarque ci-dessous à propos de la gamme chromatique d'Isaac Newton) Cette matière originaire doit être purifiée, blanchie et connaitre une transmutation au terme d'un long processus de distillation.
La couleur blanche, qui nous l'avons vu contient toutes les couleurs, fait une fois de plus référence à la spiritualisation du corps.
Le couleur pourpre sous le matra symbolise l'incorporation de l'Esprit (Transmutation de la materia prima et fixation du volatil par la distillation) 
Remarquez que le Paon regarde le couple de musicien dont l'un joue de la guitare et l'autre de la viole.   
 

"La Révolution des Planètes et des Couleurs"

Basile Valentin - Clef IX - "La Révolution des Planètes et des Couleurs"

Observons l’image ci-dessus :
La forme de cette figure est celle du hiéroglyphe de la Materia Prima, c'est-à-dire un cercle avec une croix au-dessus (Voir photographie ci-dessous) Il s’agit du globe crucifère, signe astronomique de la terre.
Dans le cercle, nous voyons trois cœurs pourvus chacun d’un cou avec une tête de cygne. Ils tournent en rond exactement de la manière des trois lièvres que nous avons observez précédemment. Ces trois cœurs symbolisent la Triade : Sel, Soufre et Mercure. Au-dessus du cercle, les deux principes opposés symbolisés par une femme et un homme.

Enfin remarquez que les quatre étapes de la réalisation de l’œuvre sont illustrées symboliquement :  
  1. Le Corbeau pour l’œuvre au noire ou Nigredo sur les pieds de l’homme en haut évoque une première étape ou l’intégration de l’ombre.
  2. Le Paon avec sa queue sous les pieds de la femme est une étape intermédiaire. La queue du paon avec son déploiement de couleur symbolise la prise de conscience et la mise en perspective du processus alchimique d’individuation. 
  3. Le Cygne pour l’œuvre au blanc, ou Albedo au-dessus de la tête de la femme symbolise l’intégration de l’anima ou animus (selon le sexe) 
  4. L’aigle rouge ou Phénix symbole de l’étape Rubedo sur la tête de l’homme est une représentation du « Soi ».
Iris - Arc-en-ciel
 Junon, les Paons, Iris et l'arc-en-ciel

Au moyen age (voir illustration ci-dessus) le paon a une signification plutôt négative. Il symbolise souvent d'orgueil, l'arrogance voir la prétention par le fait que c'est un animal qui aime s'exhiber et se pavaner.
Mais revenons à l'alchimie avec une illustration extraite du traité "Les douze clefs de la Philosophie" du Frère Basile Valentin

La Mort génératrice de la Cendre et du Verbe précieux, ou, la Dissolution
 Basile Valentin - Clef IV - 
La Mort génératrice de la Cendre et du Verbe précieux, ou, la Dissolution

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un squelette debout sur une table qui représente la Mort. Il s'agit bien sûr d'une mort symbolique qui va permettre la renaissance. La position debout évoque clairement l'introversion. La table évoque le lieu sur lequel s'effectue l’œuvre. L'arbre sec sur la droite est aussi une représentation de la mort. L'arbre près de l'église représente la résurrection.
Il s'agit de purifié la matière ou Prima Materia par l'Esprit.
Remarquez la Paon sur le toit du clocher en haut à droite. Ce Paon indique qu'après la noirceur la plus sombre (Nigrum nigrius nigra) succède une gamme de couleur comparable à celle de la queue du Paon.
Nous avons ici une illustration de la première et de la clef de l'axe des opérations alchimiques : la Dissolution

Alchimie - Jung
Le paon sortant de la cornue - XVIII ° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Le Paon sort ici du matras et regarde son contenu. Dans le fond de la cornue réside un liquide noirâtre et nous pouvons reconnaître les symboles de métaux ou planètes qui flotte au-dessus : Le plomb (Saturne) L'étain (Jupiter) Le cuivre (Vénus) L'argent (Lune) et le mercure (Mercure) ...


Pernety écrit à propos d'Iris : "Les Philosophes Hermétiques donnent par similitude le nom d'Iris à leur matière, quand après la putréfaction elle prend les couleurs de l'arc-en-ciel. Ils prétendent que tout ce que la Fable a imaginé sur les emplois d'Iris auprès de Junon, doit s'entendre de ce qui se passe dans le vase Hermétique : que délivrer les âmes des corps des femmes, c'est précisément sublimer la partie volatile de la matière qui demeure au fond; ce qui se fait à point nommé dans le temps que les couleurs de l'Iris se manifestent sur cette matière; qu'Iris par ce moyen devient en effet la Messagère de Junon, parce que Junon est prise pour l'humidité vaporeuse de l'air renfermé dans le vase, et qui occupe tout le vide qu'y laisse la matière. " (Dictionnaire Mytho-hermétique - page 174)

Maintenant étudions une représentation des contenus secrets c'est à dire inconscient de l’œuvre avec une illustration extraite du "Mutus Liber" ou "Livre Muet" : La troisième planche(Edition originale de La Rochelle - 1677)   


 Mutus Liber - Troisième planche - 1677

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons ici Jupiter qui trône au-dessus de trois anneaux qui illustrent les séries périodiques des opérations de l’Opus. Après la nuit saturnienne les premières lueurs de l'aube apparaissent avec Jupiter qui représente la fixation du volatil ou la Volatilisation du fixe.
Il est possible de lire ces trois anneaux en partant du centre ou de la circonférence.

Dans l'anneau central est représentée la Femme, ou conjointe mercurielle, en liaison avec le Roi dans la mer. C'est le principe de dissolution. Le Roi est ici Neptune que nous reconnaissons avec son trident. Il représente le premier dissolvant. Cette femme ou conjoint mercurielle est la part féminine inconsciente ou pour dire vite l'Anima.
Le sujet à dissoudre est désigné sur la Terre des Sages par le trident de Neptune  et repose entre le principe des opposés.Celui-ciest illustré ici par le couple dans l'anneau du milieu. Remarquez que l'homme du couple avec une canne à pêche, ainsi que la femme avec un filet, essaie d'attraper la Sirène en dessous. Cette Sirène symbolise l'union entre la conjointe mercurielle et Neptune.
La phase de dissolution précède toujours la phase de coagulation.("Solve et Coagula", c'est à dire"Dissous et Coagule") La coagulation est représentée par le lien de sa conjointe mercurielle au Dauphin, premier principe pure de fixité.
Encore une fois, l'union entre la conjointe mercuriel et Neptune est symbolisée par la Sirène. Le Bélier et le Taureau sur les côtés évoquent les signes astrologiques printaniers et l'époque durant laquelle de telles opérations doivent être effectuées. Ils représentent aussi la sphère terrestre fixe.
Au-dessus nous pouvons voir une charmante et élégante femme habillée avec une robe. Elle tient dans sa main deux bouquets
Junon, persécutrice de Latone (lire l'article L'ombre) est représentée avec son voile nuptial aux côtés d'un paon. Remarquez que ce paon montre les merveilleuses couleurs de sa queue. Ce paon symbolise la phase d'Irisation de l’œuvre (arc-en-ciel).
Junon désigne de la main le vol des dix oiseux que nous avons déjà étudié avec l’œuf philosophique(Lire article L' oeuf des philosophes) Ces dix oiseaux dans le ciel symbolisent les répétitions soigneuses de l'étape de la sublimation.
Nous voyons en haut Jupiter, le dieu des dieux qui trône avec son aigle. Remarquez que cet aigle possède une tête huppée qui ressemble davantage à un phénix.
La Lune représente l'albification de l’œuvre, c'est à dire que du gris ou de l'étain nous allons vers le blanc ou albedo. Le Soleil représente la perfection ou l'or des Sages.

Le paon perd ses plumes à l'automne et les retrouve au printemps. C'est une des raisons pour laquelle le christianisme des origines associe volontiers le paon à la résurrection du Christ. Sans oublier que les multiples yeux que j'ai évoqué plus haut sont un emblème de l'omniscience de Dieu.

Le Christ jardinier - 1610 - Paris
Jan I Bruegel de Velours - Noli me tangere - Le Christ jardinier - 1610 - Paris

Observons l'image ci-dessus :
Sur la gauche des fleurs d'Iris qui évoquent la nymphe (voir plus haut l'explication du mythe) La fleur d'iris comme le lis un symbole du mariage. Ils représentent ici l’annonciation.
Au centre, le Christ Jardinier qui "cultive" les âmes.
Le paon est ici une représentation de la mort et de la résurrection, c'est à dire renaissance spirituel.
Remarquez au pied du paon sur la droite des rongeurs qui représentent le Diable, ou celui qui divise et s'oppose aux vertus spirituels du paon.
Sur la droite des roses qui symbolisent la Vierge Marie, ou rose sans épines.
A noter pour la petite histoire que les roses furent rapportées d'orient, dont elles sont originaires, lors des croisades, c'est à dire au moyen-âge assez tardif.   

 Robert Fludd - Philosophia Sacra - Francfort - 1626

Observons l'image ci-dessus :
Voici une représentation des quatre vents qui apparurent en vision au prophète de l'ancien testament Zacharie. Ceux-ci lui apparurent sous la forme de quatre chars tirés par des chevaux de couleurs différentes. Ces quatre chevaux correspondent aux quatre éléments, aux quatre tempéraments ainsi qu'aux quatre phases du Grand Œuvre.
Remarquez également les quatre anges associés aux quatre points cardinaux :



Chevaux noirs
Chevaux blancs
Chevaux rouges
Chevaux pie
Nord
Ouest
Est
Sud
Terre
Eau
Feu
L’air
Tempérament mélancolique
Tempérament flegmatique
Tempérament colérique
Tempérament sanguin
Nigredo
Albedo
Rubedo
Queue du Paon
L’archange Gabriel
L’archange Raphael
L’archange Michel
L’archange Uriel
 

Voici une illustration de Denys Andreas Freher, écrivain mystique et alchimique allemand qui a beaucoup commenté l’œuvre de Jacob Boehme :
Denys Andreas Freher - 1764

Observons l'image ci-dessus :
A gauche est représenté l'homme debout au-dessus de l'abîme des ténèbres. Il porte, à la hauteur de la poitrine, les marques du règne sidéral de l'esprit. Cet homme reste prisonnier des influences élémentaires qui maintiennent fermées les porte de ses sens et de la sa raison.
A droite, l'homme libéré évolue dans un jardin et baigne dans l'amour de la divinité cachée.
Remarquez le Paon qui porte sur son bras et sa main sur le cœur.

Le Paon en alchimie symbolise la fin de la nuit de la putréfaction, c'est à dire la fin de la dissolution des fausses motivations et des fonctionnements pernicieux pour la pleine préparation du subtil (le désir essentiel).

Merci de votre lecture
Bon magistère ! 

Pour finir avec le sourire voici la jolie fable de La Fontaine :"Le paon se plaignait à Junon." 

Le paon se plaignait à Junon.
« Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure:
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la nature ;
Au lieu qu'un rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du printemps.
Junon répondit en colère :
« Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol,
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies,
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La boutique d'un lapidaire ? (*)
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le faucon est léger, l'aigle plein de courage ;
Le corbeau sert pour le présage ;
La corneille avertit des malheurs à venir;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre ; ou bien, pour te punir,
Je t'ôterai ton plumage.»  


(*Un lapidaire est un marchand de pierre précieuses)

 Gustave Moreau - Le paon se plaignait à Junon - 1881


 

Méduse

$
0
0
Bonjour,

Je vais revenir l'article qui suit sur la symbolique de la Méduse que nous avions déjà aborder lors de l'étude du médaillon hermétique de la cohobation (Voir article La cohobation (1)

Méduse - Didyme - Turquie
 Tête de Méduse - Temple d'Apollon - Didyme - Turquie

Méduse est un monstre qui a le pouvoir de pétrifier du regard, c'est à dire de transformer en pierre. Cette propriété terrifiante était utilisé sur des façade de bâtisse pour effrayer les visiteurs. Ci-dessus et ci-dessous des têtes de méduse qui ornait le temple d'Apollon à Didyme (IV° siècle avant J-C)

Méduse - Didyme - Turquie
Autre tête de Méduse - Temple d'Apollon - Didyme - Turquie

Rappelons le mythe de Persée :

Persée est le fils de Jupiter et de Danaé, et le petit-fils d'Acrisios, roi d'Argos. Un oracle prédit que ce dernier mourrait de la main de son propre petit fils. Le roi d'Argos enferma donc sa fille Danaé dans une salle souterraine mais Jupiter, à qui Danaé plaisait, parvint à s'y introduire sous la forme d'une pluie d'or. Persée naquit de l'union de cette pluie d'or à Danaé. Mais lorsque le roi d'Argos s'aperçut de ce qu'il s'était passé, il ordonna que l'on jette sa fille et l'enfant à la mer dans une caisse.
La caisse arriva sur les rives de Séfiros. Danaé et Persée furent alors recueillit par un pécheur : Dictys qui éleva l'enfant. Son frère, Plydectès roi de ces lieux, tomba amoureux de Danée. Plydectès voulut épouser Danaé mais celle-ci s'opposa à ce mariage et fut soutenu par son fils Persé.
Pour se débarrasser de Persée et afin d'épouser Danaé, le roi Plydectès lui ordonna de lui apporter la tête de Méduse, la redoutable Gorgone. En effet, Méduse avait le pouvoir de pétrifier quiconque posait son regard sur elle. 
Mais Persée fut aidé par Hermès et Athéna (Mercure et Minerve des romains) Il reçut de d'Athéna un miroir magique, et d'Hermès une épée à la lame extrêmement tranchante. Ces divinités lui conseillèrent également aller voir les Grées, trois vieilles fées qui vient à la limite de l'occident. Persée obtenu de ces fées le casque d'Hadès qui rend invincible, une besace magique ainsi qu'une paire de sandale ailés.
Persée se rendit alors chez les Gorgones, trois sœurs monstrueuses nommées Méduse, Euryale et Sthéno. Les Gorgones sont les filles de Phorcys et Céto (Monstre marin) et petites filles de Pontos (Les flots) et Gaïa (La terre). 
Persée à l'aide du miroir d'Athéna s'approcha de Méduse en marchant à reculons pour ne pas être pétrifié par le regard du monstre. Il trancha la tête de Méduse qu'il plaça dans sa besace magique et put échapper à la vengeance des deux sœurs et s’enfuir grâce au casque qui rend invincible.
Lorsque Persée trancha la tête du monstre du sang qui jaillit du counaquit Pégase : un cheval ailé. Persée recueillit le sang de Méduse car il avait des pouvoirs magiques.  Le sang qui avait coulé dans sa vaine gauche était un poison mortel, celui qui avait coulé dans sa veine droite avait le pouvoir de ressusciter les morts. Athéna qui était présente fit don plus tard du sang de Méduse à Esculape.

 Persée et Méduse - Musée du Louvre - Paris


 Statue de Méduse par Gian Lorenzo Bernini (1598–1680)
Musée du capitole - Rome



Ci-dessus Méduse sur le fronton d'une maison à Éphèse (Turquie)


Mais que représente Méduse
La Méduse est la constellation crée par notre inconscient de notre monstruosité. Elle représente l'accumulation de nos fonctionnements dénaturés et déformés. Elle est la "matière philosophique" que transperce Persée. Méduse est une figure de l'ombre négative et en cela absorbe une quantité importante d'énergie.
Selon Jean Chevalier & Alain Gheerbrant "Les déformations monstrueuses de la psyché sont dues aux forces perverties des trois pulsions : sociabilité, sexualité, spiritualité" ("Dictionnaire des symboles" - Page 482)Pour ses auteurs la Méduse symboliserait la pulsions spirituelle et évolutive pervertie.
Lorsque Persée tranche la tête de Méduse, il libère une énergie. C'est pourquoi à ce moment précis nait Pégase. En effet, au fur et à mesure que nous neutralisons et intégrons notre ombre, une quantité d'énergie psychique est libérée.

Il est tout de suite intéressant de noter que c'est grâce au miroir que Persée peut tuer Méduse. Or, dans ce mythe le miroir c'est la réflexion. Il reflète le contenu de ce qui arrive à la conscience et permet une distanciation. Ce n'est pas pour rien que ce miroir a été donné à Persée par Athéna la déesse de la sagesse. Athéna est entre autre un éminent symbole de la Fonction de Pensée. (Voir article Quatre Fonctions)


Méduse - Pierre Paul Rubens
 La Tête de Méduse - Pierre Paul Rubens - 1617 - Musée de Vienne


 Tête de méduse à l'envers dans la Citerne Basilique
 Yerebatan Sarnici ("la citerne enfouie sous terre") - Istanbul 


 Tête de méduse dans la Citerne Basilique
 Yerebatan Sarnici ("la citerne enfouie sous terre") - Istanbul


 Méduse -  Musée archéologique de Sousse

La capacité de pétrifier, de transformer en pierre est présente dans d'autres histoires par exemple le conte l'oiseau de feu. Ce conte populaire russe qui a inspiré le compositeur Igor Stravinsky est une histoire de délivrance et d'amour. 

"L'oiseau de Feu" - Conte Populaire russe

Voici un résumé de l'argument du ballet :

Le prince Ivan se promène la nuit dans une forêt. Il y a une atmosphère mystérieuse et surnaturelle. Soudain une vision flamboie : C’est l’oiseau de Feu qui apparaît, dans un bruissement métallique.
L'oiseau se pose et suit une danse bizarre, un peu mécanique. 
Yvan poursuit l’oiseau. Il capture l’oiseau qui se débat, supplie et obtient la liberté contre une des plumes, qu’Yvan n’aura qu’à agiter trois fois pour voir s’accomplir ses vœux.

 Le danseur Michel Fokine
La lune paraît, l’ombre se dissipe. Le jeune homme se trouve devant la grille d’un château mystérieux. Il surprend treize princesses, descendues dans le jardin, qui jouent avec les pommes vertes d’or de l’arbre. Elles lui apprennent qu’il est devant le château du roi Kastchéi, un génie malfaisant, qui pétrifie les voyageurs. Une des princesses échange des regards tendres avec Yvan et donne le signal de la danse.
Puis, l’atmosphère est étrange et nostalgique - Les princesses sont captives ! – est créée par le chant des deux flûtes en canon, et par le thème mélancolique du hautbois, soutenu par les accords de harpe.
Puis, les princesses dansent.

Le matin paraît, et les treize princesses se retirent. Yvan brise le portail, entre dans le jardin. Mais aussitôt un carillon se déclenche ; les gardiens et le roi Kastchéi surgit sous une forme monstrueuse. Yvan est pris. Il se souvient de la plume magique et fait le triple geste ; L’oiseau apparaît et tourbillonne, pour entraîner Kastchéi et ses sujets dans une danse infernale.
Puis, l’oiseau commence alors une berceuse magique qui plonge Kastchéi et sa troupe dans un profond sommeil. 
Cependant, Yvan dérobe l’œuf contenant l’âme de Kastchéi, le jette à terre et le brise. Kastchéi s’écroule, expirant. Tous les êtres que l’enchanteur avait pétrifiés dans le jardin sont ranimés. Yvan retrouve sa princesse, les prisonniers sont délivrés dans l’allégresse générale. L’oiseau de Feu passe une dernière fois.

  "L'oiseau de Feu" Ballet d'Igor Stravinsky


Merci de votre lecture
Bon Magistère !

Jupiter, l'aigle

$
0
0
Bonjour,

Je vais traiter dans l'article qui suit de la symbolique de l'aigle, de l'étain et de Jupiter en alchimie.
Il s'agit de la suite de l'article Jupiter, le mythe.

 Jupiter - Joannes de Monte-Snyders - Chymica vannus - 1666

Observons l'image ci-dessus :
Le dieu de l'olympe Jupiter est représenté avec un aigle son emblème.
Il représente la première lueur de l'aube et la teinte grise succédant à la noirceur de la putréfaction (Nigredo) 
D'un point de vue alchimique Jupiter représente le début du processus de la Fixation du Volatil et de la Volatilisation du Fixe. C'est pourquoi Jupiter est ici représenté avec le pied gauche sur le sol (Fixation du Volatil) et le pied droit en l'air (Volatilisation du Fixe).

"Au noir Saturne succède Jupiter qui est de couleur différente. Car après la purification inévitable et la conception faite au fond du vase, par Dieu ordonnant, tu verras des couleurs changeantes et la sublimation circulaire derechef. Ce régime n'est pas durable, et ne va pas au-delà de trois semaines. Pendant ce temps toutes les couleurs imaginables apparaîtront, desquelles aucune raison certaine ne peut être donnée. Les pluies, dans ce laps de temps, se multiplieront, et, à la fin, après toutes ces choses, une belle blancheur s'offrira au regard, à la ressemblance de stries ou de chevaux aux flancs du vase."
(Philalèthe "Entrée ouverte au palais du Roi")

Pour la vision de l'ensemble du spectre des couleurs, lire l'article : Le Paon

 Junon (Héra dans la Grève antique) et son emblème le Paon est la femme de Jupiter (Zeus grecque) qui est représenté ci-dessous en compagnie de la messagère Iris dont l'emblème est l'arc-en ciel.


"Iris et Jupiter" - Michel Corneille - 1701 - Musée de Versailles 

A propos de la couleur de Jupiter M.Salomonécrit :
"Il faudrait mettre la matière de l’œuvre dans un bocal ou vaisseau d'étain, par une façon de parler qui est assez ordinaire aux philosophes, pour marquer que le régime de Jupiter doit commencer immédiatement après celui de Saturne, c'est à dire que, de la noirceur, la matière doit passer à la blancheur, telle qu'est celle de Jupiter, qu'autrement l’œuvre ne se fera point, (...)" 
("Les sept chapitres attribués à Hermès - Bibliothèque des Philosophes Chimiques - Tome 1, page 113)

Basile Valentin écrit : 
"Pour vous dire Adieu, je vous dis que quand vous tirerez de ce bon Jupiter le Sel, et le Soufre, et que les joindrez au saturne pour les faire couler ensemble, vous verrez Saturne prendre un corps plus fixe, se purgeant et devenant plus clair, et aurez une transmutation véritable du saturne en Jupiter."
(Basile Valentin "Révélation des mystères des ténèbres essentielles des sept métaux" XVI° siècle - page 70)
 
Toujours à propos de la couleur de Jupiter M. Salomon écrit :
"La couleur se fortifie et s'augmente toujours en elle par la cuisson, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à la rougeur parfaite. Et Jupiter doit être teint tant en Lune qu'en Soleil, parce qu'encore que Jupiter précède la Lune, on peut dire aussi en quelque façon qu'il la suit. Car la couleur blanche parfaite de la Lune, qui est une augmentation de la couleur de Jupiter et qui le  teint, ne peut passer à la couleur rouge que par degrés et en diminuant peu à peu, de manière que cette diminution qui suit la blancheur parfaite peut être appelée Jupiter, aussi bien que la diminution qui la précède. Et c'est proprement cette dernière diminution de la blancheur qui reçoit les premières impressions de la couleur rouge, et, par conséquent, Jupiter est teint de la rougeur solaire."  
("Les sept chapitres attribués à Hermès - Bibliothèque des Philosophes Chimiques - Tome 1, page 108)

Par ailleurs le philosophe Gerber écrit : 
"L'étain est un corps métallique blanc d'une blancheur impure, livide, un peu sonnant, participant d'un peu de terrestréité, qui a radicalement en soi le cric. Il est mou et se fond aisément et soudainement, sans se rougir au feu. Il ne souffre ni la coupelle ni le ciment et s'étend en toute dimension sous le marteau, de sorte qu'il peut être réduit en feuilles fort déliées. Jupiter donc, de tous les corps ou métaux imparfaits, est celui qui a le plus de ressemblance naturelle avec les corps parfaits et qui s'approche le plus du soleil et de la lune; mais pourtant, plus de la lune que du soleil, comme je le ferai voir clairement ci-après." 
("La somme de la perfection ou l'abrégé du magistère parfait" - "Des principes naturels et de leur effet" - Chapitre 11)
 
 Jupiter - Jean Raon (1660-1680)
Musée Paul Getty - Los Angeles 

Voici ci-dessous la première planche extraite du traité "L'escalier des Sages"de Barent Coenders van Helpen, édité à Paris en 1689. Cette illustration représente l'Alchimie.

 Barent Coenders van Helpen 
"Escalier des Sages" - 1689 - Planche 1

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons sur la droite un adepte qui désigne de sa main Mercure consultant Jupiter, Hadès et Neptune. Remarquez le Cerbère tricéphale qui accompagne Hadès sur l’extrême droit de l'illustration, le trident de Neptune, ainsi que le casque ailés de Mercure. 
Ces quatre Dieux sont les représentant des éléments philosophiques: Jupiter, l'Air et le Feu céleste; Hadès, l'aspect souterrain de la Terre (le minerais) et Neptune, l'Eau. Mercure est la quintessence, c'est à dire le messager ailé qui réunit l'ensemble.
La place accordée à Jupiter est notable sur cette illustration. Ce dieu, roi de l'olympe symbolise l'étain (une étape intermédiaire entre le plomb et le cuivre) mais aussi l'Aigle.
Jupiter peut, nous allons le voir, être considéré comme l'expression de la Pierre Philosophale.
 Aurora Consurgens - Planche 22 - Début du XV° siècle
Traité alchimique attribué à Saint Thomas d'Aquin  

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons la maison du philosophe sur le toit de laquelle sont représentés neuf aigles. Remarquez le cloché de cette édifice qui fait songer à une église, un temple ou un lieu sacré. Ce vieil homme est peut-être l'alchimiste arabe du IX° siècle Senior Zadith souvent cité dans l'Aurora Consurgens, mais peut être est-ce Hermès Trismégiste lui-même?
Il s'agit du stade où le mercure est débarrassé de ses impuretés. Remarquez que les aigles sont armés d'arc et de flèches. Un petit rassemblement initiatique de trois personnages sur la gauche montrent du doigt le vieil homme sur la droite qui trône avec une table recouverte de décorations. Ces décorations sont les axiomes hermétiques inscrites en hiéroglyphes.
Nous pouvons observer sur cette table les différentes phases de la lune (pleine lune et premier croissant) le soleil d'or, des oiseaux ailés de couleur noire et bleue. Selon Jacques van Lennep, la table qui est représentée sur cette illustration n'est autre que la Table d'émeraude, texte alchimique de référence. C'est pourquoi peut-être est-ce Hermès lui-même qui est représenté.
Au centre de l'illustration est représenté un vase sur un piédestal. Ce vase contient un liquide doré qui n'est autre que l'élixir de longue vie.

La matière a été délivrée de ses impuretés. Du plomb a été libérée une substance volatile qui est représentée ici par les aigles. Les neufs aigles représentent la part volatil de la matière. Ils sont armés car ils représentent une certaine énergie combative qui faut canaliser, c'est à dire fixer. La fixation en alchimie n'est autre que l'intégration en langage psychologique.
Qu'elle que soit la personne représentée sur cette illustration, Senior Zadith ou Hermès Trismégiste, ce sage d'un initié aux mystères du Grand Œuvre. Ce mystère consiste donc en l'extraction de l'or (la dimension spirituelle) du métal vil (la matière corporelle) et de porter à sa perfection l’œuvre de la nature.
 Le Livre de la Sainte Trinité - Début XV° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Un Rebis alchimique ou androgyne illustre ici la nature pervertie. C'est "Lucifer et sa mère, un corps, et une âme, fixe et volatil; c'est en lui que sont assemblés les arts naturels de ce monde."
Ces racines sont faites des sept péchés capitaux.
Remarquez la couleur noire de l'habit du fils qui illustre l'aspect négatif et inconscient qui domine.
Les quatre couronnes illustrent les éléments représentés par le groupe quaternaire inférieur : La Terre (Saturne), l'Air (Jupiter), l'Eau (Vénus) et le feu (Mars)
Remarquez du groupe quaternaire au sol, les deux têtes qui grimpent le long des jambes du Rebis.
"Les éléments portent en soi le bien et le mal, distincts l'un l'autre, de toute éternité." 

Voici ci-dessous une autre illustration extraite du traité alchimique "L'Aurora Consugens"attribué à Saint Thomas d'Aquin :
 Aurora Consurgens - Planche 1 - XV° siècle

Observons l’image ci-dessus :
Il s’agit de la première image du traité.
Nous y voyons un androgyne, un être moitié homme moitié femme qui émerge d’un tas d’oiseaux bleus et se trouve emprisonné entre les serres d’un aigle de la même couleur. Remarquez qu’il tient dans un des mains une chauve-souris et dans l’autre un lièvre tout deux morts.
L’androgyne de l’illustration s’apparente au Rebis des philosophes. Le Rebis nait de la Materia Prima et indique à l’adepte l’apparition des principes opposés. Formuler dans un langage plus moderne cette étape signifie que de l’inconscient, par l’intermédiaire des rêves, apparaissent des images qui mettent en évidence des « oppositions ». Ces oppositions se révèlent essentiellement d’un point de vue énergétique c’est à dire selon leurs valeurs dans le temps (Je reviendrais sur ce point) et doivent être en quelque sorte petit à petit trié c'est-à-dire prise en considération par le conscient.

Alors que signifie la chauve-souris et le lièvre morts dans les mains du Rebis ou androgyne des philosophes ?
La chauve-souris est un animal qui vit et voit parfaitement la nuit. Cet animal qui guidait jusque-là l’adepte dans la nuit, c'est-à-dire dans inconsciemment est mort. Il n’a plus d’utilité dans la mesure où ce qu’il représente est arrivé à la conscience du protagoniste : Le Rebis ou principes des opposés est apparût.
Le lièvre symbolise en quelque sorte le guide de la quête de l’apprenti philosophe sous la terre, c'est-à-dire encore une fois dans son inconscient. Mais encore une fois dès que l’androgyne apparait, c'est-à-dire une figure plus humaine et donc plus proche de la conscience, l’animal meurt. Ou, dit autrement, c’est comme si la mort de la chauve-souris et du lièvre ont été nécessaire pour la naissance Rebis des philosophes ou principes des opposés.

Maintenant que signifie l’Aigle et le tas d’oiseaux mort dont semble émerger le Rebis des philosophe ?
L’aigle est le « Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à leur mercure après sublimation. Ils l’ont ainsi appelé, premièrement à cause de sa volatilité ; secondairement, parce que comme l’aigle dévore les autres oiseaux, le mercure des sages détruit, dévore et réduit l’or même à sa première matière en le réincrudant. »
(Dictionnaire Mytho-Hermétique de Dom Antoine Joseph Pernety - 1787)
« Réincruder » signifie réduire les corps à leurs premiers principes, les dépouiller de leur consistance dure et sèche c'est-à-dire de leur cristallisation ou rigidité sychique.
Le tas d'oiseaux est très certainement constitué de corbeaux morts car il représente la matière en putréfaction.
Voici ci-dessous sous la forme d’un tableau un résumé des oppositions illustrées dans cette image extrait du traité « Aurora Consurgens » attribué à Saint Thomas D’Aquin.

Ciel
Lumière
Conscient
Soleil
Evolué
Chaud
Sec
Apollon
Extraversion
Volatil
Roi
Logos
Horizontal
Masculin
Actif
Spirituel
Haut
Descendre
Terre
Matière
Inconscient
Lune
Primitif
Froid
Humide
Diane
Introversion
Fixe
Reine
Éros
Vertical
Féminin
Passif
Matériel
Bas
Monter
 
Pour plus d'information sur le lièvre ou le lapin, lire l'article Lievre & Lapin

 Aurora Consurgens - Planche 35 - Début du XV° siècle
Traité alchimique attribué à Saint Thomas d'Aquin 

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un homme debout en train de malaxer une pâte, et, sur la droite un vase qui contient un corbeau juché sur la tête d'un aigle lui-même perché sur un serpent Ouroboros. 
Il s'agit de la représentation d'une étape de l’œuvre alchimique :

A gauche, le protagoniste qui pétri la matière brute, ou Materia Prima dans un bassin comme une pâte à pain. 
L'ouroboros est à la fois une représentation du soi archaïque mais aussi un symbole des forces indomptées de la nature. En effet, comme nous l'avons déjà vu (cf article Lumen Naturae) l'artiste se doit d'accompagner et parachever ce que lui donne la nature. D'une certain manière l'Ouroboros est la réunion des contraires que je viens de citer dans le tableau ci-dessus.
L'aigle représente l'"Esprit" en voie de libération. Le corbeau sur la tête de l'aigle qui symbolise la mortification, étape nécessaire pour la réalisation de l'opus. En effet, une fois libérée, la matière, c'est à dire le corps, est régénérée, et, l'esprit nouveau doit être fixé c'est à dire intégré.
(Pour une étude plus approfondie sur le Corbeau el alchimie, lire l'article : Le Corbeau)


Mais que représente l'aigle et comment cette énergie libérée peut-elle être intégrer ?


 Aigle

L'aigle est traditionnellement, notamment sur le continent américain, considéré comme Roi des animaux. Réputé pour avoir une excellente vue, capable de regarder le soleil sans ciller des yeux, cet animal majestueux, rapide et puissant est associé à Jupiter, au Christ, à César, et à Napoléon.

Animal impérial, l'aigle est un symbole héraldique. Il est également souvent représenté dans un affrontement avec le serpent (Voir images ci-dessous) Il incarne alors la victoire des pouvoirs célestes sur ceux du mal et de l'ombre (voir article L'ombre )

Aigle et Serpent - Revers d'une didrachme - 413 406 av JC Agrigente)

 "Aigle et deux serpents"
Chapiteau romain du XII° siècle - Saint Martin de Nevers

Ci-dessusun chapiteau d'art romain chrétien sur lequel les aigles représentent des âmes pécheresses qui sont tenus enchainées par de vils serpents. 

Aigle - Mosaïque d'Istanbul

Voici maintenant deux illustrations extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618).
La première est l'Emblème VII : "L'oisillon s'envole de son nid et y retombe"

 Atalanta Fugiens - 1618 - La petite fugue qui accompagne l'emblème VII

Michael Maïer écrit :

L'oiseau de Jupiter est une roche creuse
A fait son nid, s'y attache, y nourrit ses petits.
L'un d'eux veut s'envoler sur ses ailes légères,
Mais son frère, un oiseau sans plumes, le retient.
Il revient donc au nid qu'il fuyait. A tous deux
Joins la tête et la queue : ce n'est pas œuvre vaine." 

 
"Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618), Emblème VII: 
"L'oisillon s'envole de son nid et y retombe"


Observons l’illustration ci-dessus : 
L’aiglon représente le principe volatil. Il tente de s’envoler en l’aire creusé dans le rocher. Son jeune frère sans plumes en piaillant le retient, et le Volatil ainsi retombe dans le nid. « Joindre la tête de l’un au corps de l’autre » consiste à rendre Fixe volatil et le Volatil fixe. 

Que représente le Fixe et le Volatil ?
Pour dire très vite et très simplement, le Fixe représente le corps, et, le Volatil représente l'esprit. Ceci n'est pas sans rapport avec ce que les grecques anciens nommaient l’Éros et le Logos.
Avant de pouvoir s'unir, le corps et l'esprit doivent "être confrontés".

La vie est faite de désirs et d'aspirations. Nous savons ce dont nous avons besoin lorsque nous avons faim ou soif par exemple. Ceci fait que nous avons des motivations mais nous ne pouvons satisfaire nos désirs et aspirations à notre seul bon grès. Nous organisons donc ces motivations que nous mémorisons y compris pour une bonne part inconsciemment, ce qui constitue nos fonctionnements. Ce sont les représentations que nous avons de ces organisations qui sont illustrées dans l'union du Fixe et du Volatil. Il en découle de nouveaux fonctionnements. 

La seconde illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618)est l'Emblème XLVI : "Deux aigles venus l'un de l'Orient, l'autre de l'Occident se rencontrent."

 Atalanta Fugiens - 1618 - La petite fugue qui accompagne l'emblème XLVI

Michael Maïer écrit :

"De Delphes Jupiter un jour lança deux aigles
Aux plages de l'Aurore, à celle d'Occident.
Comme il voulait scruter ce lieu, centre du monde,
La fable dit qu'à Delphes ils reviennent tous deux.
Ce sont là les deux pierres : celle de l'Orient 
Et celle du couchant, qui aiment à s'unir." 

 
"Deux aigles venus l'un de l'Orient, l'autre de l'Occident se rencontrent." 
Michael Maier - Atalanta Fugiens - 1618 - Emblème XLVI

Observons l'image ci-dessus:
Jupiter lâche depuis Delphes deux aigles, l'un vers l'Orient, l'autre vers l'occident. Ils s'envolent et y reviennent.
Michael Maïer signale que l'aigle alchimique évoque à la fois le plus hardi et le plus puissant des oiseaux. Son nom en grec désigne une lumière éclatante. Pour Michel Maïer il est la pierre philosophale car il est l'ami d'Apollon, le soleil.
Ces deux aigles font donc le tour du monde. Jupiter peut ainsi montrer que Delphes est le centre de la terre. Ils partent chacun de leur côté (orient, occident) et reviennent. Ils font la Totalité, ou tout du moins ils définissent pour la première fois la Totalité, c'est à dire qu'ils réunissent l'ensemble des contraires, des opposées.

A propos de l'orient et de l'occident Basile Valentinécrit :
"Le Phénix, animal du sud, arrache le cœur de la poitrine d'un puissant animal d'orient; donne des ailes à l'animal d'orient, et de la même manière à celui du sud, afin qu'ils deviennent semblables : car l'animal d'orient doit être dépouillé de sa peau de lion et perdre ses ailes; à ce moment-là  ils entrent ensemble dans le grand océan salé et en ressortent de nouveau en beauté."
(Basile Valentin "Les douze clés de la Philosophie" - Claves XII, édition 1599 - cité par Françoise Bonardel dans "Philosopher par le Feu" page 414)

L'illustration ci-dessus fait référence au moment où apparait la coagulation et à la naissance du Soufre, c'est à dire à ce que nous pourrions nommer l'apparition dans le langage de la psychologie moderne de la  part de l'âme. 

La coagulation est "la réduction que l'on peut faire d'une chose coulante et fluide dans une substance solide, par la privation de son eau".
("Dictionnaire abrégé des termes de l'art ...")
Mais la coagulation selon Christian Montésinos est "parfois regardée comme la matérialisation de l'anima mundi. Dans la plupart des traités, coaguler signifie reconstruire la matière que l'alchimiste a préalablement dissoute." 
("Dictionnaire raisonné de l'alchimiste et des alchimistes" - page 128)

Voici une illustration qui résume symboliquement assez bien ce processus de l'apparition de la part de l'âme : 

  Johann Daniel Mylius - "Anatomia Auri" ("L'Anatomie d'Or")
Traité édité en 1628 - Planche 9

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons voir un arbre sur les branches duquel sont installés différents personnages. Les forces dissolvantes et les forces conjonctives se font face.  
Il faut lire ces personnages en zigzag :
En bas à gauche, Mercure le principe volatil que l'on reconnait avec ses pieds ailés. En face de lui, en bas à droite, le premier soufre qui crache du feu.
Au dessus de ce principe fixe, le fruit de la première dissolution ou première eau, encore nommée Lac Virginis ("Lait de Vierge"). En face (donc au dessus du Mercure volatil) le Mercure Philosophique qui possède des cornes de Cerf.
Du Mercure Philosophique nait un Roi, ou fils du Soleil : le Souffre Philosophique, soufre solidifié qui est représenté au dessus. En face, de l'autre côté, une Reine, fille de la Lune le produit de la seconde Calcination Philosophique ou élixir de longue vie. Ce troisième étage est l'étape de l’œuvre durant lequel s'harmonisent et s'unissent les forces pour donner les couleurs solaires et lunaire (sur laquelle nous reviendrons)
Puis, au centre, la "Pierre philosophale", produit de la troisième opération est représentée par une première Reine (au milieu du troisième étage) et un Roi (tout en haut) qui possède trois couronnes. Ces trois couronnes symbolisent à la fois ses pouvoirs transmutatoires, curatifs et d'élixir; mais aussi symbolisent la souveraineté de la Pierre, c'est à dire du "Soi" sur les mondes végétal, animal et minéral.
 
Cette illustration est bien évidement inspiré de l'arbre des séphirots que l'on trouve dans la Kabbale.


"Jupiter" - De Sphaera - Manuscrit italien du XV° siècle 

Le Dieu de l'olympe en astrologie est associé aux signes du Sagittaire et des Poissons que nous pouvons remarquer dans les médaillons de l'illustration.

Le Livre de la Sainte Trinité - Début XV° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Marie est représentée ici comme "le miroir de la Sainte-Trinité". Elle est "la force exhalée"ou "la découverte de l'éternel Néant que le Père, le Fils et l'Esprit voit en eux."(Von Der Gnodenwahl - 1623)
Le grand écusson représente les armoiries de l'Empereur Frédéric: l'aigle noir à deux têtes. Remarquez l'analogie avec le Rebis alchimique présente dans la première illustration présentée plus haut et extraite ce même article. 
Cette dualité renvoie à la phase de sublimation de l'Opus. L'aigle noir symbolise la putréfaction saturnienne et les deux têtes renvient aux deux aspects de l'existence : charnelle et spirituelle / matérielle et subtile.

Plusieurs triades sont illustrées :  
  • Corps, âme et esprit
  • Père, Fils et Saint-Esprit 
  • Sel, souffre, et Mercure. 
Remarquez les quatre évangélistes qui illustrent également les quatre éléments sublimés. Mathieu, l'ange, c'est l'Eau (Vénus); Luc, le taureau, c'est le Feu(Mars); Marc, le Lion, c'est l'Air (Jupiter); Jean, l'aigle, c'est la Terre(Saturne). 
A ces heptades, ou associations de sept choses(Triade + Quaternité) correspondent les sept métaux, les sept plaies du Christ, les sept péchés capitaux, les sept archanges, les sept vertus, les sept couleurs du prisme,les sept planètes, les sept nains, les sept jours de la semaine, les sept lépreux, etc.

 
"Jupiter" - Michael Maier - Viatorium - 1618

Observons l'image ci-dessus :
Il s'agit quasimentde la même illustration que celle de Atalanta Fugiens de Michael Maier présentée un peu plus haut :"Deux aigles venus l'un de l'Orient, l'autre de l'Occident se rencontrent."
Jupiter lance depuis Delphes deux aigles afin de montrer d'une certaine façon le centre de la terre.
Au premier plan, est représenté le navire de Magellan qui a également fait le tour du monde.
Enfin, il est dit que c'est l'ile de Délos qui est représentée sur l'illustration.
Nous constatons que cet emblème comporte donc plusieurs anachronismes.

L'ile de Délos renvoie bien sûr à Latone qui y accosta pour donner naissance à ses enfants jumeaux Diane & Apollon (voir article L'ombre )

 Intégration du monde chrétien dans le l'univers astrologique
Manuscrit de Lamber de Saint-Omer - Paris 1260

Observons l'image ci-dessus :
Le Christ trône sur l'univers et le bénit. 
Les sphères de Jupiter et de Saturne sont habitées par des anges protecteurs.  
Au centre est placé la carte du monde qui selon la tradition antique est en forme de "T". La division du monde en forme de "T"évoque les trois continents Europe, Afriqueet Asie. 
La tige verticale du "T" représente la méditerranée. La tige horizontale représente le Don (fleuve russe) la mer Noire et le Nil.

Pour finir, un proverbe persan :
"On ne peut pas voler avec les ailes des autres"

Ci-dessous la planète Jupiter de notre système solaire :
 
Merci de votre lecture
Bon magistère !

Splendor Solis (1)

$
0
0
Bonjour,

Je vous propose une petite étude des différentes enluminures du traité alchimique "Splendor Solis" de Salomon Trismosin.
Dans le présent article je présente les trois premières illustrations du traité.
 
La première édition du Splendor Solis date de 1530 environ soit en pleine Renaissance. Le nom de l'auteur Salomon Trismosin est très certainement un pseudonyme. Le contenu du traité, texte et enluminures, aborde bien évidement la création de la Pierre Philosophale.



Ci-dessous l'"enluminure qui ouvre le traité :  
"Arma Artis" c'est à dire "Les armes de l'Art"

Arma Artis Salomon Trismonin
 "Arma Artis"extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons observer en haut de l'illustration un soleil à visage humain sur fond rouge. Ce Soleil représente la puissance fécondante de la Nature.  
Au centre, un visage recouvert d'une couronne elle-même surplombé de trois croissants lunaires. Les trois croissants lunaires représentent l'argent vulgaire, le mercure simple et l’œuvre en blanc.
Juste en dessous un soleil d'or sur un écu bleu. Remarquer que trois petits visages solaires remplacent les yeux et la bouche de ce soleil. Ces trois petits soleils représentent le corporel, l'esprit et l'âme.

L'ensemble de ces trois symboles (soleil su fond rouge + visage couronné + Soleil sur écu bleu) représentent "La source et première matière des métaux"

Deux hommes à l'arrière plan dialoguent au delà d'un couloir et d'une haute porte. Remarquez qu'ils sont représentés en perspective. N'oublions pas que le traité fût écrit en au XVI° siècle c'est à dire à la renaissance, époque où apparait la perspective dans la peinture. Ces deux hommes semblent échanger à propos de ce qu'il se passe au niveau de cette source et première matière des métaux

Au premier plan sur la bordure, nous pouvons remarquer deux singes. Celui de gauche donne à manger un poisson à un héron. Celui de droite joue d'un instrument à cordes type luth ou guitare. Un second héron est derrière le singe de gauche. Sur les côtés de la bordure à gauche : une huppe (que l'on reconnait justement à sa coiffe érectile) et une chouette (symbole d'Athéna); en haut à droite trois autres oiseaux sont représentés.

Cette illustration est donc d'une part une espèce de blason : les armoiries du philosophe en quelque sorte avec la représentation de "La source et première matière des métaux"; et, d'autre part la dores et déjà mise en perspective des deux niveaux : celui de l'inconscient (les signes) et celui je dirais, de la prise de conscience (l'échange des deux hommes)

Il existe plusieurs copies et traductions du "Splendor Solis", notamment en français dans une édition du XVIII° siècle renommée "La Toison d'Or".

Les Armes de l'Art
 Extrait du traité "La Toison d'or"
Les Armes de l'Art - XVIII° siècle

Observons l'image ci-dessus :
La plupart des détails de l'illustration du Splendor Solis ont été minutieusement conservées. Remarquez en bas de l'image la frise de bordure. Nous pouvons y observer à gauche un vieil homme avec son assistant qui montre un livre à un jeune homme. Il s'agit d'une allégorie de la transmission de la science hermétique. Sur la droite de cette frise une femme debout désigne à deux jeunes personnes une autre femme étendue sur un lit, et, de la main gauche montre l'inscription "Armas Artis" c'est à dire "Les armes de l'Art". C'est femme allongée auprès de laquelle un homme assis veille, représente la féminin fragilisé ou "malade" envers lequel le plus grand respect est de rigueur et que notre philosophie propose de soigner.  


J'aimerais maintenant revenir sur deux aspects de cette première enluminure du Splendor Solis : 
  1. Le symbole héraldique de l'alchimie
  2. La perspective  
Voici donc pour le premier point deux illustrations extraites de deux traités différents.
La première illustration qui représente un symbole héraldique d'alchimie et ouvre le traité"Aurei Velleris oder Der Gülden Schatz und Kunstkammer Tractatus III"- édité en 1599 - ("Traité de la Toison d'or ou trésor de la chambre de Tractatus") 

Alchimie

"Tabula smaragdina Hermetis" - "Du secret des sages" - Extraite de 
"Aurei Velleris oder Der Gülden Schatz und Kunstkammer Tractatus III"
- 1599 - (Traité de la Toison d'or ou trésor de la chambre de Tractatus)

Observons les images ci-dessus et ci-dessous :
Nous pouvons lire autour de ce symbole héraldique l'axiome alchimique : "Visita Intériora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem Verum Medicinalem" ("Visite l'intérieur de la terre et par la rectification tu trouveras la véritable Pierre Philosophale cachée.")
Remarquez en haut le Soleil et la Lune qui versent une substance dans une coupe sous laquelle figure le symbole du Mercure. Il s'agit bien évidement du Vitriol qui est versé dans le calice alchimique autour duquel sont représentés les Sept métaux nécessaires pour la réalisation de l’œuvre.
En dessous du Mercure un anneau central qui représente également le Vitriol et qui est relié par une petite chaine à Trois Écussons.
Sur l'écusson de gauche nous pouvons voir un Aigle double. Sur l'écusson de droite, un Lion et sur celui du bas, une Étoile à sept branches. Le Lion et l'Aigle représentent le Fixe et le Volatile, c'est à dire "le haut et le bas" ou l'Esprit et le Corps. Les chaines représentent ce qui relie ces éléments c'est à dire la partie supérieur de l'illustration avec les Planètes et les Métaux.
De chaque côté de l'illustration deux mains dont la position des doigts rappelle  le signe de bénédiction dans l'église d'orient. Ces deux mains représentent la théorie et la pratique du Grand Art. 

"Le sel est un corps solide, tout ce qu'il y a de meilleur dans l'art. Le soufre est l'âme, sans lui le corps le peut rien faire. Le mercure est l'esprit de la force. Il maintient ensemble l'âme et le corps. C'est pourquoi on l'appelle un médiateur, ce qui est fait sans lui n'a pas de durée car l'âme et le corps ne pourraient mourir si l'esprit n'était avec eux. De même l'âme et l'esprit n'existerait plus si le corps était avec eux. Le corps et l'esprit seraient sans force si l'âme ne leur prêtait compagnie. Tout cela, l'art nous le donne à savoir: le corps fixe et donne consistance, l'âme donne la couleur et la teinture, l'esprit la fluidité et il pénètre. C'est pourquoi il ne peut y avoir dans cet art l'un des trois sans les autres." ("Du secret des sages" - Cahiers de l'hermétisme, présence d'hermès Trismégiste - 1988) 

Au centre des trois écussons, le symbole de l'Antimoine ou de "L'univers" représenté par le Globe (la Matière) surmonté d'une Croix (L'Esprit). ce symbole que nous avons déjà rencontré est la réunion du quatre et du trois.

Remarquez par ailleurs qu'il y a Sept lettres dans le mot VITRIOL.
Il y a également Sept planètes sollicitées pour la réalisation du Grand Œuvre (Saturne, Jupiter, Vénus et Mars, Mercure, La Lune et le Soleil) Les cinq planètes connues de l'antiquité auxquelles sont ajouté les deux astres luminaires.
De la même façon, sur le blason de l'illustration il y a une Etoile à Sept branches.
Il y a Sept Métaux dans le processus de transformation : Plomb, Étain, Cuivre, Fer, Mercure, Argent et Or. Les cinq métaux imparfaits auxquels sont ajoutés les deux métaux parfaits et opposés.
Le chiffre Sept fait références également aux Sept Archanges : Michel, Gabriel & Raphaël (Les archanges majeurs) et Uriel, Jehudiel, Barachiel, Sealtiel (les quatre archanges mineurs)
Il y a également Sept Jours dans une semaine qui correspondent dans la Genèse biblique au nombre de jours de la création du monde par Dieu.
Pour l'alchimiste et selon certain traité la réalisation de la Pierre Philosophale se fait en Sept Opérations : Putréfaction, Solution, Distillation, Sublimation, Calcination, Circulation, Incération ou Imbilition. (De nombreux traités évoquent la Coagulation et la Fixation et omettent la Distillation et la Circulation.)  
Les alchimistes évoquent aussi les Sept Règnes, le chiffre Sept renvie également pour eux à la cité antique de Thèbes, ville fortifiée autour d'un rempart percé de Sept Portes, et aux Sept Lépreux qu'il faut guérir.
Nous pouvons également évoquer les Sept Dernières Paroles du Christ sur la croix.
Pour finir, le chiffre Sept ai aussi présent au travers des cinq sens (Touché, Goût, Odorat, Ouïe, Vue) auxquels il convient d'ajouter les deux complémentaires : Masculin et Féminin.
 
Bref, le chiffre Sept est un chiffre hautement symbolique et un nombre magique. Il est l'addition du nombre Quatre au nombre Trois c'est à dire la somme du carré et du triangle mais il y a tant à dire sur ce sujet que je reviendrais à l'occasion d'un autre article.
Pour l'instant remarquez au centre des trois écussons, le symbole de l'Antimoine ou de "L'univers" représenté par le Globe (la Matière) surmonté d'une Croix (L'Esprit) qui est la représentation de l'union du Quatre et du Trois.

Voici maintenant, toujours à propos de symbole héraldique, la planche "Miroir de l'Art et de la Nature"secondeillustration extraite du traité "Cabala"de Steffan Michelspacher publiée en 1616.

Alchimie - Miroir de l'Art et de la Nature
Steffan Michelspacher - "Cabala"- 1616
Seconde planche : "Miroir de l'Art et de la Nature"
  
« Fasse Dieu que nous soyons reconnaissants pour ce don éminent et très grand ! Puisque, Dieu, lorsque tu ouvres l'esprit et le cœur de quelqu'un, afin qu'il soit rendu parfait pour préparer cette œuvre, tu lui donnes assurément toute sa force. »

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons remarquer trois parties ou étages sur cette illustration : 
Dans la partie ou étage supérieur, observez à gauche ainsi qu'à droite la présence de colonnes avec à chaque fois devant un adepte. Remarquez devant ces deux alchimistes à gauche un Aigle et à droite un Lion
L'aigle représente le principe volatil de l’œuvre ou une partie de ce que désigne l’adepte par "Prima Materia" (ou Matière Première) Le Lion représente le principe fixe, ou désigne ce que les alchimiste nomme "Ultima Materia" (ou Dernière Matière). 
Les deux animaux que sont l'Aigle et le Lion représentent donc deux principes qui sont initialement opposés. Nous avons déjà rencontrer cette opposition de l'union de laquelle nait le Griffon.
Nous pouvons lire sur la colonne de gauche le mot "Nature", et, sur la colonne de droite est inscrit le mot "Art".
En effet, comme l'écrit Louis Cattiaux : "L'art sans la Nature est impuissant, et la nature sans l'Art est aveugle. Les deux réunis font la perfection de l’œuvre divine." ("Le message retrouvé" Louis Cattiaux)
En fait, c'est la Nature qui fournit la Prima Materia, et, c'est l'Art d'Hermès qui produit la Pierre Philosophale ou Ultima Materia.  

Remarquez maintenant au centre de cette partie supérieur un curieux animal.  Il s'agit d'un "être spagyrique", c'est à dire selon Paracelse, le fruit de la combinaison des quatre piliers principaux que sont : L’astronomie, la philosophie, L'alchimie et les vertus. Cet animal curieux représente ici un des premiers stades du "Soi intérieur" ou de la Pierre des Sages.
Observez sur chacune de ses ailes trois ronds qui représentent les trois stades de l'évolution de la pierre des sages : noire, blanche et rouge. Nous retrouvons ces trois ronds sur le blason qui est au premier plan de cette partie supérieure de l'illustration. Remarquez que la parenté qui peut exister entre ce blason et la représentation du Yin et du Yang dans la taoïsme (Voir illustration ci-dessous) 
Toujours en haut de part et d'autre de l'être spagyrique se trouvent deux médaillons remplis d'inscriptions en allemand. 
Il est inscrit à gauche : "La Kabbale et l'Alchimie te donnent la suprême médecine, aussi la Pierre des sages, en laquelle se trouve le fondement seul, comme il est évident à Tes yeux (dans ces figures)."
Il est écrit à droite :  "Ô Dieu, Fais que nous soyons reconnaissants pour ce don si pur et sublime ! L'homme dont Tu ouvres l'esprit et le cœur. Celui qui est parfait en cela, pour préparer cette œuvre, que toute force lui soit donnée."

Dans la partie centrale de l'image ci-dessus, nous pouvons observez des scènes qui relatent les travaux de la mine. A l’extrême gauche nous voyons un homme qui travaille durement à extraire le métal. A droite, l'homme recueille le fruit de son dur travail qu'il sort de la mine.
Au centre de ce second niveau nous remarquons deux figures géométriques. A gauche, nous distinguons une triangle dans un carré qui est lui-même dans un cercle. Le tout est entouré des deux serpents du caducée d'Hermès. Ces deux serpents représentent le Mercure Double des philosophes. Au milieu des deux têtes de serpents est représenté la Pierre philosophale. Celle-ci est représenté ici comme l'union des deux symboles du sujet conjoint à l'agent martial.
A l'intérieur de la figure géométrique de gauche nous pouvons lire deux termes alchimiques : VITRIOL et AZOTH. Il s'agit des deux agents principaux de l'Opus.
Autour de la figure géométrique de gauche remarquez les quatre petits cercles dans lesquels sont inscrits les quatre qualités élémentaires : Chaud, Froid, Sec et Humide.
Pour la figure géométrique de droite, nous observons deux cercles concentriques délimitant un carré qui contient une étoile à huit branches. Dans cette étoile sont inscrits les signes des sept planètes traditionnelles. Le Soleil glorieux est au centre. Remarquez quatre signes du Mercure dans les branches de l'étoile qui vont au coins, et, quatre signes de la Lune dans les branches de l'étoiles qui vont vers les côtés. A gauche, nous pouvons voir les signes de Saturne, à droite ceux de Jupiter. En bas les signes de Vénus symbole du corps qui doit être fécondé, et, en haut ceux de Mars ou de l'air qui doit le féconder.
Remarquez autour du carré, les noms du Soufre, du Bismuth, du Vitriol et de l'Antimoine.
Dans la bande autour du cercle nous pouvons lire : Philosophie, Astronomie, Alchimie, et Vertus, qui sont les quatre piliers fondamentaux du grand Art.
Enfin, dans la circonférence extérieure du cercle sont indiqués les noms des quatre éléments : Feu, Terre, Air et Eau.

Dans la partie inférieure de l'illustration ci-dessus nous pouvons observez les travaux de l'alchimiste dans son laboratoire.Ici, sont représenter les deux voies principales possibles de l’œuvre : La Voie Humide et la Voie Sèche. Les fioles de distillations à gauche indiquent la présence d'eau et la voie humide. Les creusets montrent la présence du feu et la voie sèche. 
Il existe en fait une troisième voie en alchimie qui associe en quelque sorte la voies sèche et la voie humide. Nous nommes cette troisième voie: La Voie Royale. Ces deux voies humide et sèche peuvent être associé lors du processus de dissolution et coagulation de l'Opus (C'est à dire le "Solve et Coagula") dans la pratique de la Voie Royale.

Passons maintenant au second point : la perspective.

Je vois propose une brève étude de deux tableau.
Premier tableau :

Jan van Eyck - 1435
 "La Vierge du chancelier Rolin" - Jan van Eyck - 1435
Musée du Louvre - Paris

Observons l'image ci-dessus :
La Vierge qui est couronnée par un ange désigne à l'enfant Jésus le commanditaire de l’œuvre : le chancelier Nicolas Rolin. L'homme est représenté en prière vêtu d'élégants habits. La Vierge semble regarder la croix que porte l'enfant.
Les deux personnages sont représentés sur le même plan dans une parfaire symétrie. Au centre une belle perspective qui attire le regard d'autant c'est de cet espace que provient la lumière. Sur le sol est représenté un dallage qui, avec les arcs et les colonnes sur les côtés, amplifie cette perspective. Le petit couloir de carreaux entre les deux personnages qui sépare l'espace terrestre du monde sacré. Remarquez que la main de l'enfant Jésus est à la même hauteur que le pont du paysage dans le lointain. Nous pouvons y voir une invitation à rejoindre l'autre rive. 
Les personnages se trouvent dans une somptueuse salle ornée de chapiteaux, de voutes et de vitraux qui fait songé à une église romane mais qui est ouverte  sur un vaste paysage. Derrière le personnage du chancelier est représentée la ville d'Autun dont il est originaire. Un peu plus près mais toujours derrière le chancelier sont représentés des paons qui symbolisent ici l’orgueil et la vanité. Sur le pont est représentée une croix qui est le point du chute de la perspective et cœur du tableau (voir détail ci-dessous)

 "La Vierge du chancelier Rolin" (détail) de Jan van Eyck - 1435

Second tableau : 
 
Pietro della Francersca - 1472/1474
"La Sainte conversation" - Pietro della Francersca - 1472/1474
Pinacothèque de Breva - Milan

Observons l'image ci-dessus :
La scène se situe dans une église avec une architecture de la renaissance.
La Vierge marie est au centre du tableau entourée de différents personnages.
Au devant de la scène un homme en armure à genoux devant le trône de la mère du Christ. C'est le Duc en habit de soldat armé qui dépose son bâton de commandement aux pieds de la Vierge.
L'enfant jésus est nu et dort.
Remarquez l’œuf qui est suspendu à un fils sous le voute devant la coquille saint jacques du fond et au dessus de la tête de la Vierge.
Le point de chute de la perspective est situé à la hauteur des yeux de Marie. Le visage a une forme bien ovale comme l’œuf suspendu. 
Au tour de la Vierge Marie nous pouvons reconnaître de gauche à droite : Bernardin de Sienne, le titulaire de l'église d'Urbino, puis Saint Jean-Baptiste et Saint Jérôme (qui se frappe la poitrine avec une pierre). A droite: Saint François d'Assise (qui montre ses stigmates) Saint Pierre Martyr (avec sa tête ensanglantée) et un évangéliste.

Mais que représente ce mystérieux œuf ? 

Voici toujours à propos de la perspective mais aussi à propos de l'oeuf une illustration extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618) : Emblème VIII : « Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu »
Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu
« Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu »
Emblème VIII - Extrait du Traité l'Atalante Fugitive" de Michael Maïer

Observons l’image ci-dessus :
« Prends l’œuf et frappe-le avec une épée de feu » est un axiome alchimique attribué selon les auteurs à Raymond Lulle. Michel Maïer illustre cet axiome avec cet emblème. 
L’œuf est le sujet de l’Art, qui doit être frappé de l’épée à double tranchant du Feu Secret. Il s’agit de soumettre l’œuvre au feu. Mars vient ainsi à l’aide de Vulcain, et, de la subséquente noirceur de la putréfaction, naîtra le poussin hermétique.
Il s’agit d’un œuf d’aigle.
Dans l’œuf se trouve les semences du mâle et de la femelle qui sont unis ensemble.
Une cheminée sur la gauche dans laquelle un feu ardent se consume. La chaleur extérieure est le premier moteur qui permet la circulation des éléments intérieurs et la transformation naturelle du contenu. Car précise Michael Maïer qui décrit le processus de transmutation : « L’eau se change en air, l’air en feu et le feu en terre. »
Remarquez la perspective du fond de la salle qui indique très clairement un point de chute lointain. Ne serait-ce pas le désir de montrer qu'au loin existe un autre plan une issu inexplorée ?
L’œuf représente le premier microcosme parfait, la prima materia chaotique qu'il faut rompre pour évoluer. Il contient en effet en lui-même les quatre éléments : la coquille, la Terre; le blanc, l'Eau; la poche d'air, l'Air; le jaune, le Feu.

Pour plus de détail sur l’œuf, lire l'article : L'oeuf des Philosophes

Revenons maintenant au "Splendor Solis" de Salomon Trismosin.
Ci dessous la seconde illustration du traité : "L'alchimiste"

Alchimiste
"L'alchimiste" extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un alchimiste vêtu d'un tunique rouge et d'une toge bleue-violette qui tient dans sa main gauche un matras. Peut être est-ce une représentation
d'Hermès Trismégiste, héritier du dieu égyptien Thot et fondateur de la philosophie hermétique.
La substance dans le récipient est un or liquide. L'alchimiste pointe du doigt la partie vide du récipient. Ne serait pas pour rappeler l'aspect invisible de l’œuvre, c'est à dire son flan ésotérique ?
Remarquez que le bonnet que porte cet alchimiste est un bonnet rouge phrygien, c'est à dire un symbole de liberté (Marianne, par exemple, figure allégorique de la république française porte un bonnet phrygien).
Du matras est attaché un phylactère ou banderole noire sur lequel est inscrit : "Eamus quaesitum quatuor elementorum naturas"c'est à dire "Allons à la recherche des natures des quatres éléments."

En dessous sur la bordure sont représentés des groseilles, un paon, une biche et son cerf, un papillon ainsi que sur la droite des oiseaux dont une chouette.

Salomon Trismoninécrit "On doit donc seconder par l'Art, ce que Nature extrait et putréfie, jusqu'à l'amener à sa forme propre. Notre Art se contente de l'adapter et de préparer la matière à mesure qu'elle se transforme en nature, pour une telle Œuvre, et pour cet ouvrage elle fournit également, grâce à sa sagesse prévenante, un vaisseau approprié. Car l'art n'entends pas produire Or et Argent à partir de rien, car il ne peut faire retrouver à la matière son origine primitive."

Pour plus de détail sur la nature lire l'article : Lumen Naturae
Pour plus de détail sur le Paon lire l'article : Le Paon

J'aimerais retenir trois aspects de cette seconde enluminure du Splendor Solis :
  1. L'alchimiste
  2. Les quatre éléments
  3. La patience  

Cette seconde image du traité "Splendor Solis" n'est pas sans rappeler l'illustration qui représente "Le philosophe alchimiste Hermès Trismégiste" extrait de"Aurora consurgens".
Il est plus que probable que les auteurs du Splendor Solis connaissaient "Le lever de l'aurore"("Aurora consurgens") dont la première publication avec ses 37 illustrations date de 1410.  

Hermès Trismégiste
 Aurora Consurgens - Illustration 4
"Le philosophe alchimiste - Hermès Trismégiste"

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons Hermès Trismégiste qui tient dans la main gauche un rouleau qu'il désigne du doigt de sa main droite. Remarquez que les chaussures ainsi que le bonnet de personnage sont de couleur verte, la couleur symboliquement associée au début de l'Opus. 
Un matras ou vase hermétique est représenté à côté du philosophe sous lequel un feu ardent brule. "L’œuvre" en effet cuit et le vase laisse échapper une fumé ...
Dans le fond les couleurs du ciel illustrent le levé de l'aurore ce qui correspond au nom du traité. 

Hermès Trismégiste
 Extrait du traité "La Toison d'or"
Le Philosophe alchimiste - XVIII° siècle

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons remarquer que dans cette version le ruban sort du matras que tient le philosophe. Il est aussi question des quatre éléments (Eau, Air, Feu et Terre)
Remarquez sur la frise du dessous un paysage de bord de mer avec une barque qui ressemble à une coquille saint Jacques. Deux personnages se dirigent vers une forteresse: une femme et un homme dont le visage est de couleur noir.

A propos des quatre éléments :

Speculum sophicum Rhodostauroticum - 1604
 Théophile Schweighart - Speculum sophicum Rhodostauroticum - 1604

Observons l'image ci-dessus :
Voici, selon les propres mot de l'auteur, "l'Arbre de la Pansophie". Il s'agit de l'union du microcosme et du macrocosme.  
En haut, Dieu, en bas l'homme. 
Au milieu deux nouveaux : la Nature qui contient les quatre éléments : Feu, Terre, Eau et Air. Ils engendrent une quintessence qui tombe au centre de la terre. Celle-ci est entourée des trois mondes : Le végétal, le minéral et l'animal 
Nous pouvons lire en haut omnia ab uno ce qui signifie "Tout vient de l'un".
En bas est inscrit Omnia ad unum ce qui signifie "Tout va à l'un".
 
Philosophia reformata - 1622
      "Les quatre éléments" - Johann Daniel Mylius
"Philosophia reformata" - 1622

Observons l'image ci-dessus :
Les quatre éléments sont représentés aux pieds de quatre "femmes déesses". De gauche à droite : Terre, Eau, Air et Feu (les quatre triangles) Ces quatre femmes ou Cariatides illustrent en quelque sorte quatre matras vivants. Sur leurs têtes sont illustrés les quatre phases de l'Opus alchimique avec de gauche à droite : L'ombre, "L'autre", le Phénix et le Lion
Il s'agit des quatre stades de l'Opus : Noir, Blanc, Jaune, et Rouge.

A propos de la patience :

Philosophia reformata - 1622
 Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La coction"

Observons l'image ci-dessus:
Nousvoyons un alchimiste accoudé sur une table qui a fait ce qu'il avait à faire et qui attend que l’œuvre se fasse. Nous remarquons deux oiseaux dont un corbeau dans les vases alchimiques. La table est une gros cube ce qui fait référence au carré et donc au chiffre quatre. 
Quelque chose doit circuler entre les deux oiseaux ...
Nous avons donc ici une représentation de la patience qui est nécessaire au philosophe.

Nous pouvons remarquer la similitude qui existe entre la seconde enluminure du Splendor Solis et la huitième arcanes majeures du tarot de Marseille : L'Ermite.
Tarot de Marseilles
Dans le tarots de Marseille la carte de l'Ermite est très associé à une attente. Ce n'est pas pour tout de suite... L'Ermite est un homme seul qui vit à l'écart du monde, et, il est possible de voir également dans cette carte la nécessite d'une phase d'introversion. L'Ermite possède une lanterne et un bâton, dans certaine édition un livre à ses pieds. Il est donc seul mais pas démuni, et, avance lentement. 

Alchimie - Philosophe
 Le philosophe alchimiste - Hermès Trismégiste

Cathédrale Notre-Dame de Reims
L'alchimiste - Cathédrale Notre-Dame de Reims

Ci dessous la troisième illustration du traité de Salomon Trismosin :

Le guerrier
"Le guerrier" extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un soldat  qui se tient debout les pieds sur une fontaine à deux bassins. Il est armé d'un cimeterre ou sabre à lame courbée et semble garder cette fontaine de toute agression extérieure. Remarquez que la cuirasse sur le poitrine du soldat porte les couleurs de l'opus alchimique : Noir (ou bleue foncé), blanc, citrin (jaune) et rouge.
Le casque de ce guerrier qui est surmonté de sept étoiles, dont deux sont dorées, trois argentées et deux dernières métalliques. Sept est un nombre magique qui renvoie aux sept planètes, sept jours de la semaine, sept métaux, sept archanges, etc. Le nombre sept est aussi l'addition des deux chiffres 4 + 3.

Les deux fontaines des bassins sont alimentées par deux statues d'enfants qui urinent. Dans le bassin de gauche le liquide est doré dans celle de droite le liquide est argenté. Les deux bassins sont réunis par une petite rigole mais les deux liquide ne semblent pas pleinement se mélanger. Seul le liquide de droite se déverse par une rigole à l’extrême gauche du bassin qui alimente le lac des alentours. Le bassin qui contient le liquide argenté ne se répand pas, ce qui laisse à supposer qu'il possède un circuit interne circulatoire fermé. Tout porte à croire qu'il y a un circuit large (à gauche) et un circuit court (à droite) comme il existe un macrocosme et un microcosme.

Le soldat tient un écu de la main gauche sur lequel est écrit : "Ex Duabus Aqui Unam facite, qui queritis sole(m) et luna(m) facere et date bibere inimico vro, et videbitis cum mortuum. Dei(n)de de aqua terra facite, et lapide(m) multiplicastis." C'est à dire " Faites une seule eau à partir de deux, vous qui cherchez à travailler avec le soleil et avec la lune, et donnez à boire le vin ennemi, et vous verrez avec (les yeux) des morts. Ensuite faites de la terre avec de l'eau, et vous multiplirez la pierre."

J'aimerais revenir sur deux aspects de cette troisième enluminure du Splendor Solis :
  1. Le guerrier
  2. Les deux fontaines
  3. Pisser 

Ce personnage armé, ce chevalier renvoie à la figure de Mars, le dieu de la guerre. C'est un valeureux guerrier d'aspect viril qui est représenté ci-dessous avec un loup son animal sacré.
Dieu de la guerre
 Mars, dieu de la guerre

Voici maintenant deux emblèmes extraits du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer qui reprennent la thématique de la troisième illustration du traité du "Splendor Solis" que nous venons d'étudier :

L'emblème XX, "La nature enseigne à la nature à combattre le feu".



Michael Maïer écrit :
"La flamme, ce dragon qui tout dévore, brûle
D'altérer la beauté charmante de la vierge.
Elle est baignée de pleurs, quand un homme la voit,
Court à l'infortunée en lui offrant son aide;
Lui tendant son écu, il marche à l'ennemi
Et lui enseigne à mépriser de tels assauts."


 Fugue de l'emblème XX de l'Atalanta Fugiens - 1618  de Michael Maïer


La nature enseigne à la nature à combattre le feu
 Michael Maïer - Atalanta Fugiens - 1618 - Emblème XX
"La nature enseigne à la nature à combattre le feu"

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un chevalier armé d'un glaive et d'un bouclier avancer vers un brasier et combattre le feu afin de défendre une femme nue. Cette femme représente symboliquement l'héroïne mercurielle (le pôle féminin ou l'anima).  
L'héroïne mercurielle vient de la montagne que l'on voit dans le fond à gauche qui symbolise le pôle introverti. Remarquez le pont par lequel la montagne est accessible qui est recouvert d'un toit, c'est à dire d'une protection (Pour plus de détail sur la symbolique de la montagne lire l'article : La montagne alchimique).
Le chevalier représente le souffre fixe c'est à dire la partie d'âme qui est dores et déjà intégrée. Cette part d'âme est fixe car elle n'est plus sujette à l'agitation qui caractérise le souffre alchimique. Ce chevalier est donc invulnérable au Feu.
Il enseigne à l'héroïne mercurielle ou vierge dénudée à se protéger des flammes. Ce dernier aspect est essentiel pour la bonne réalisation de l'œuvre.
Michael Maïer écrit : "Telles sont en effet la manière d'agir et la voie de la nature lorsqu'elle poursuit la perfection d'une œuvre quelconque, qui est de faire sortir une chose d'une autre, la plus parfaite de la moins parfaite, et de la faire passer de la puissance à l'acte"(d'activer son potentiel).
Ce chevalier est donc un héros purificateur et libérateur que Michael Maïer  compare à Pyrrhus, le fils d'Achille, à Héraclès le tueur de monstres; ou encore à Persée (Lire pour ce dernier l'article : Méduse) D'un point de vue psychologique nous pouvons dire que ce héros est une manifestation de la fonction de sentiment extravertie (voir article Quatre Fonctions).

Et, toujours extraite du traité alchimique"Atalante Fugitive" de Michael Maïer de 1618, l'emblème XL : "Des deux fontaines, fais-en une seule : ce sera l'eau de sainteté" :

Michael Maïer écrit :

"D'une gorge limpide sort une double source :
En l'une est la tiédeur d'une urine d'enfant,
Mais la seconde est fraîche : on la nomme eau de la Vierge.
Donne-leur même cours en unissant leurs ondes :
Ce ruisseau mêlera les vertus des deux sources,
Comme Jupiter Ammon
la Fontaine est chaude et glacée."
 

 Fugue de l'emblème XL de l'Atalanta Fugiens - 1618  de Michael Maïer

Des deux fontaines, fais-en une seule : ce sera l'eau de sainteté
 Michael Maïer - Atalanta Fugiens - 1618 - Emblème XL
"Des deux fontaines, fais-en une seule : ce sera l'eau de sainteté"

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons tout comme sur l'illustration du "Splendor Solis" deux fontaines qui produisent deux eaux aux propriétés différentes. La fontaine de droite possède la propriété de durcir, de fixer et de coaguler. C'est la fontaine de la Vierge que nous nommons Premier Mercure. La seconde fontaine, celle du garçon à gauche, produit une eau instable, volatile et molle que l'on nomme Second Mercure.
Ce second liquide est durcie par le premier Mercure.
Du mélange bien proportionné des deux eaux nous obtenons une quintessence nommé Mercure Philosophique. Le Mercure philosophique est le sujet de la Pierre Philosophale c'est à dire que du mélange des deux Mercure nous obtenons écrit Michael Maïer "une Pierre coagulée, fixe et durcie, qui possède le pouvoir de coaguler ce qui n'est pas coagulé, de durcir ce qui est amollit et d'amollir ce qui est dur." 
La Pierre philosophale prendre forme et vie et s'oriente vers sa finalité qui est la fontaine de jouvence ou élixir de longue vie.


Les deux fontaines
 Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "Les deux fontaines"

Observons l'image ci-dessus:
Nous retrouvons les deux fontaines de chaque côté de l'illustration. C'est deux fontaines doivent s'unir pour former une seule et même eaux : l'eau de jouvence, de sainteté et de vie. Nous voyons dans le fond de l'illustration cette eau philosophique qui coule de la bouche d'un troisième personnage. Remarquez le Soleil et la Lune de part et d'autre de ce personnage ainsi que le serpent au dessus qui représente le Mercure des philosophe.

Enfin pour finir j'aimerai simplement attirer l'attention sur le fait que ce sont des enfants sur cette troisième enluminure du Splendor Soli qui font pipi dans les fontaines. Or, nous savons bien que dans l'acte de pisser l'expression de l'individu. D'un point de vue psychologique "Pisser c'est s'exprimer".



Bruxelles
 Manneken Pis - "Le môme qui pisse" - Bruxelles
ou "La fierté de la liberté d'esprit"


Merci de votre lecture
Bon magistère !

Splendor Solis (2)

$
0
0
Bonjour,

Voici la suite de la petite étude sur les enluminures du Splendor Solis de Salomon Trismosin.
Pour le début du traité lire l'article : Splendor Solis (1)
    
"Un couple d'alchimiste à l'oeuvre" 
Illustration extraite du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismonin

Le Roi et la reine sont au début de l’Opus alchimique. Ils personnifient les contraires tels le Soleil et la Lune, le conscient l’inconscient, le sec et l'humide, le Souffre et le Mercure que nous avons abondamment présenté. Ce paradigme est au centre de notre Art. Les contraires doivent se réunirent et par cette union se redéfinir (Solve et Coagula) Tel est un des processus centraux de l’œuvre philosophique. 


Voici ci-dessous la suite du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin, la quatrième enluminure "le Soleil noir".

Cette illustration selon les manuscrits conservés à Berne, Paris, Londres, Berlin, Nuremberg ne figure pas au même emplacement. Parmi les 22 illustrations que comporte ce traité, cette enluminure selon l'édition est placée au début ou vers la fin du traité. 
Ceci dit, la place de cette illustration dans la chronologie des enluminures n’a pas grande importance car nous ne savons pas très bien si ce Soleil noir se couche ou se lève parce que rien ne l’indique. Il peut évoquer quelque chose qui finit, qui doit mourir pour assurer une renaissance, ou, une noirceur qui apparait et auquel nous devons être confrontés.
Par contre, il semble que les quatre enluminures dont je vais parler dans le présent article forme un tout.

Voici donc la première :

 "Le soleil noir" extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l’image ci-dessus :
Dans un paysage triste et désolant avec ses arbres desséchés un soleil noir s’enfonce dans la terre. Ce Soleil qui est en partie visible et en partie couché a quelque chose de monstrueux. Nous pouvons deviner derrière ce Soleil noir la couleur or des rayons de lumière. Cette image représente la putréfaction.
Le texte explique que « ce qui est premièrement requis en l’art d’alchimie, c’est la dissolution … et cette dissolution n’est autre qu’une disposition de l’humide avec le sec et c’est proprement la putréfaction et celle-ci rendra la matière noire. »
Salomon Trismonin suggère qu'il y a deux dissolutions : une première dissolution par liquéfaction, et une seconde dissolution par assèchement. 

Carl Gustav Jungécrit :  
" ... Le soleil alchimique est beaucoup moins une substance définie quelconque qu'une "virtus", une puissance mystérieuse à laquelle est attribuée une action de génération et de transformation. De même que le soleil physique éclaire et réchauffe l'univers, il existe dans le corps humain une  arcane solaire d'où s'écroulent la chaleur de vie. "C'est à bon droit, écrit Dorn, qu'il est le premier après Dieu (prima post Deum) et qu'il est appelé le père et le protecteur de toute choses, puisqu'en lui sont cachées la vertu séminale et la puissance formatrice de tout ce qui existe" Cette puissance est désignée du nom de sulphur (soufre). C'est un génie vital doté de chaleur qui est en rapport étroit avec le soleil dans la terre, c'est à dire "le feu central" (ignis centralis) et "de géhenne" (gehannalis). Il existe donc également un sol niger, un soleil noir qui coïncide avec la "noirceur" (nigredo) et la "putréfaction" (putrefactio), avec l'état de mort. Tout comme le Mercure, le soleil alchimique est ambivalent." 
("Mysterium conjonctionis" Tome I - Page 136)

 Jamsthaler - Viatorium spagyricum - 1623 - Nigredo

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un vieil homme allongé sur les mains duquel un corbeau se tient debout. Ce vieillard cadavérique représente le mercurius senex c'est à dire le vieux mercure. Le Corbeau représente la Nigredo ou première étape de la transformation de la Pierre philosophale.  Le vieil homme est allongé c'est à dire d'un point de vue symbolique extraverti; le corbeau est debout c'est à dire symboliquement introverti. Remarquez que l'ensemble se trouve dans une sphère bien délimitée.  
Sous cette sphère de part et d'autre deux éléments communiquent : le Feu et le l'Air qui échangent un puissant courant énergétique ou souffle de vie (le Pneuma). 
De la bouche du vieil homme sort le spiritus et l'anima, c'est à dire l'Esprit et l'Âme.
En haut, nous voyons le Soleil à gauche et  la Lune à droite. Ces deux astres représentent, si j'ose dire, les archétypes les plus universels des principes contraires. Cinq étoiles ornent le firmament et contiennent les symboles de métaux. De gauche à droite : Vénus, Mars, Mercure (au centre) puis Jupiter. Enfin remarquez que la cinquième étoile à droite est de couleur noire et est marquée sur sceau de Saturne.
  
L'image ci-dessus illustre donc le mercurius senex ou vieux mercure qui est en puissance dans sa phase de transformation. Le mercurius senex représente les fausses motivations, les fonctionnements obsolètes de l'individu, les archaïsmes qui doivent évoluer.
C'est par une mort symbolique que les énergies peuvent se renouveler. Tel le Phénix qui renait de ses cendres, le vieil homme, une fois l'automne passé, voit sa vitalité se renouveler au printemps.

Limojon de Saint-Didier écrit : "Vous ne devès pas ignorer que notre vieillard est notre mercure, que ce nom lui convient parce qu'il est la matière première de tous les métaux; le Cosmopolite dit qu'il est leur eau, à laquelle il donne le nom d'acier et d'aimant, et il adjoute, pour une plus grand confirmation de ce que je viens de vous découvrir : Si undecies coït aurum cum eo, emittit suum semen, et debilitatur fere ad mortem usque; concipit chalybs, et generat filium patre clariorem. (C'est à dire : Si l'or se joint onze fois avec elle (l'eau), il émet se semence et se trouve débilité jusqu'à la mort; alors l'acier conçoit et engendre un fils plus clair que son père.)"
("Lettre aux Vrays Disciples d'Hermès - le Triomphe Hermétique - page 143) 

Carl Gustav Jungécrit : "Le corbeau (corvus) ou la tête de corbeau (caput corvi) est la désignation traditionnelle de la nigredo (nox, melancholia, etc.) c'est-à-dire de l'état de putréfactio, mortificatio, separatio,solutio, etc. Cette dénomination peut signifier la partie pour le tout ou encore la partie "capitale", le "principe", tout comme par exemple "caput mortuum" qui, à l'origine, se réfère à la tête "noire" d'Osiris et a désigné plus tard le "Mercure des Philosophes" par le passage à l'état incorruptible. C'est ainsi qu'il est invoqué par l'auteur anonyme du traité Novum Lumen Chemicum : "O coelum nostrum ! O aqua nostra et Mercurius noster ! ... O caput mortuum et foeces maris nostri ... Et haec sunt aviculae Hermetis alis volat." ("O notre ciel ! O notre eau et notre mercure ! ... O tête morte ou fèces de notre mer ! ... Et ce sont là les épithètes de l'oiselet d'Hermès qui ne se repose jamais.") Cet avis Hermetis est le corbeau dont il est dit : "Et scitote quod caput artis est corvus, qui in nigredine noctis et diei claritate sine alis volat." ("Et sachez que l'élément essentiel de l'art (caput artis) est le corbeau qui vole sans aile dans la noirceur de la nuit et dans la clarté du jour.") C'est un esprit jamais en repos, qui ne dort pas, la "pierre aérienne et volatile"(lapis aereus et volatilis), donc un être de nature contradictoire. Il est le "ciel" et en même temps "les fèces de la mer". Étant donné qu'il est en outre appelé "eau", on pense à l'eau de pluie qui vient de la mer et tombe du ciel. De fait, l'idée de nuages, de pluie, et de rosée revient assez souvent dans les textes, et cela depuis une haute antiquité."("Mysterium conjonctionis" Tome 2 - Paragraphe 384) 

 "La putréfaction" - Le Donum Dei - Moitié XV° siècle

Observons l'image ci-dessus :
La putréfaction correspond au stade de la Nigredo ou caput corvi, c'est-à-dire "la tête du corbeau". Il s’agit de tuer ou de laisser mourir la matière par le pourrissement. 
Nous voyons ci-dessus quatre des douze Vas hermeticum dont l’ensemble décrivent du grand œuvre dans le traité « Donum Dei »
Le processus de putréfaction est nécessaire à la renaissance. Il ramène la matière, telle que nous pouvons l’observer dans la nature, à un état premier ou compost, qui est alors le terreau d’une nouvelle germination.

Je ne vais pas revenir ici davantage sur le début de l’œuvre au noire ou Nigredo. Pour plus de détail sur la Putréfaction lire les articles : 
Saturne, le mythe , Saturne, le plomb , Le Corbeau , La Putrefaction


Voici la cinquième illustration du traité : "La coagulation qui est un jeu d'enfants"

 "La coagulation qui est un jeu d'enfants"
extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons voir des enfants en train de jouer. Trois enfants portent une tunique bleue, un seul une tunique de couleur jaune. Les six autres enfants sont nus ce qui évoque ici certainement le naturel ou simplement le fait qu'il attendent le bain.
Les enfants jouent avec des chevaux de bois ou des hélices à vent sous le regard de la mère qui s'occupe du petit dernier.
Remarquez un corbeau sur la gauche de l'illustration.
Ces jeux d'enfants correspondent à un stade de coagulation. lls occupent une réelle place dans l'opus alchymicum. Une partie de l’œuvre est d'ailleurs parfois nommée le jeu des enfants ("Ludus puerorum"). 

Le jeu renvoie à la facilité avec laquelle le philosophe conduit le Grand Œuvre dès que les premières opérations sont terminées. 
Le jeu renvoie aussi à l'innocence et à la pureté. 
D'un point de vue psychologique le jeu renvoie à la souplesse nécessaire pour que les choses s'articulent. Il est nécessaire à tout mouvement de la psyché. Le jeu est synonyme de fantaisie. Il est le contraire de la rigidité. De nombreux jeux d'enfants sont des jeux de rôles où chacun peut intervertir sa place aux fils des différentes parties. Comme le précise Salomon Trismosin : "Celui qui était au dessus passe en dessous".

D'une certaine façon durant cette période il n'y a rien d'autre à faire que de passer le temps à jouer. Salomon Trismonin  évoque grâce et avec l'étape du jeu des enfants la fixation du Mercure par le souffre.

 
Pour plus de détails sur le symbole du corbeau en alchimie lire l'article : Le Corbeau

 "Les enfants de Hülsenbeck" - Huile sur toile de Philipp Otto Runge - 1805
Kunsthalle de Hambourg, Allemagne 

Typus Mundi - 1697 - Planche 19

Observons l'image ci-dessus:
Nous voyons plusieurs personnages qui jouent ensemble. Nous retrouvons les deux personnages angéliques qui accompagne le processus alchimique et qui présents sur la plupart des 34 planches de ce traité.Il joue en compagnie d'un autre personnage avec le globe rehaussé d'une croix (Symbole de l'Antimoine que nous avons rencontré de nombreuses fois) Ils semblent avoir démonté cette croix (que nous voyons par terre) et s'amusent à visser quelque chose d'autre. L'autre ange qui est au second plan sur la gauche joue en compagnie d'un quatrième personnage à se lancer le globe.
La croix symbolise, le ciel, l'Esprit, le logos
Le globe symbolise, le monde, la Matière, l'éros.

La légende de cette planche 19 du Typus Mundi indique :  "Sic lusibus aptior orbis", ce qui signifie : "Ainsi le monde est plus harmonieux par le jeu."  


Hotel Lallemant - Jeux d'enfants - Caisson 22 - le tourniquet à noix

A propos du hochet Fulcanelli écrit : "Un hochet, objet d'amusement des tous petits et joujou du premier âge, ne diffère pas du caducée. Les deux attributs offrent entre eux une évidence analogie, quoique la marotte exprime, en plus, cette simplicité native que possèdent les enfants et que la science exige des sages. L'un et l'autre sont des images semblable. Monos et Hermès portent le même instrument, signe révélateur du mercure. Tracez un cercle à l'extrémité supérieure d'une verticale, ajoutez au cercle deux cornes, et vous aurez le graphique secret utilisé par la alchimistes médiévaux pour désigner leur matière mercurielle."
("Les Demeures philosophales" de Fulcanelli - page 307)
Caducée - Centre de Lisbonne - Portugal

Hotel Lallemant (XVI° siècle - Renaissance française)
 Caisson 24 du plafond - Jeux d'enfants : Le cheval de bois

 Jeu d'enfant - "Le Court Baston"

Jeu d'enfant : "la Marelle à cloche pied"

Les deux images ci-dessus et en dessous illustrent le jeu de la marelle.
Attardons-nous un instant sur ce jeu bien connu.
Son but est d'aller de la Terre vers le Ciel puis de revenir. L'enfant se déplace à l'aide d'un caillou en sautant à cloche pied sur sept cases distinctes.

Le caillou ou petite pierre peut être mis en parallèle avec la Pierre philosophale. En effet il permet comme celle-ci de progresser et d'évoluer.
Le nombre sept des cases du jeu est un nombre hautement symbolique. Sept peut être mit en parallèle avec les sept métaux ou planètes qui existent en alchimie.
Enfin, le dessin du jeu de la marelle est comparable au plan d'une église ou d'un temple. 


"La mélancolie" - Lucas Cranach - 1532 - Musée d'Unterlinden - Colmar

Observons le tableau ci-dessus :
Nous voyons un chien qui dort, trois bébés debout, une sphère au pied d'une jeune fille qui possède des ailes, deux perdrix, une table avec posé dessus une coupe de fruits, un tableau accroché sur le mur du fond de la pièce, enfin une petite fenêtre.
Sur le tableau du fond, un gros nuage noir qui annonce un orage imminent. A l'intérieur de ce nuage un homme richement vêtu est trainé de force par des créatures forts sombres venues de l'ombre. Il semble aller à une mort certaine et nécessaire. C'est une représentation du stade de la Nigredo ou œuvre au noir. Il s'agit bien de la mélancolie au sens médiéval du terme, c'est à dire une vraie maladie auquel Saturne est associé. 

La jeune femme a un aspect plein d’ambiguïtés ce qui une des caractéristiques de la mélancolie. Elle possède des ailes tel un ange mais cherche à séduire du regard. La brindille de verdure qui est posée sur sa tête est une allusion à la couronne christique dont la jeune fille se serait émancipée. C'est la mélancolie qui d'un regard oblique séduit et est tentatrice.
Les deux perdrix sont une allusion à la tentation, à la perdition. Le cri connu de cet animal est souvent mis en parallèle à l'appel à l'amour dans la nature. Cet animal est souvent représenté auprès de la déesse Vénus, et, dans la tradition chrétienne est symbole de tentation, de l'incarnation du démon.
En même temps, la jeune femme vêtue d'une robe rouge taille une morceau de bois avec un couteau.Le rouge est une incitation au sentiment que le peintre chercher à susciter et fait allusion au stade de la Rubedo. Le bois fait référence, comme tout ce qui est ligneux à la mère. Le geste de tailler fait allusion la purification de la Materia Prima. Remarquez au sol qu'il y a douze copeaux de bois, ce qui n'est certainement pas un hasard.

Les enfants jouent à la balançoire et décrivent donc une alternance de mouvements ascendants et descendants. Remarquez que nous ne voyons ni le point d'attache de la balançoire, ni dans quel espace celle-ci recule. Les mouvements de la balançoire sont une allégorie du processus de liquéfaction du Mercure alchimique et de sa fixation par le Soufre.

La sphère est bien sûr une représentation de la totalité, de la perfection; mais et ou aussi de la Terre ou de la matière. 

   Jeu d'enfant - "La Crosse"


"Les jeux d'enfants" - 1560 - Pieter Brueghel l'ancien

Nous poursuivons avec la sixième enluminure : "La Sublimation qui est un travail de femmes."

"La Sublimation qui est un travail de femmes"

extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous pouvons voir des lavandières laver du linge sale avec de l'eau chaude. La bassine d'eau chauffe au premier plan sur ma gauche. Puis, elles rincent ce linge et le frappe tel que les femmes le pratiquaient autrefois au lavoir. Ensuite elles étendent le linge sur des fils afin qu'il sèche. Enfin, elle déposent le linge au sol pour l’imprégner d'une bonne odeur de l'herbe avant de le plier.
Il s'agit donc d'une étape de nettoyage, de purification, "d'Albification". Comme nous disons en française selon l'expression consacrée : "Le linge sale se lave en famille".


Voici maintenant deux illustrations extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618).  
La première est l'Emblème III : "Va trouver la femme qui lave le linge; Toi, fais comme elle."
Michael Maïer écrit :
"Toi qui aimes scruter les vérités cachées
Sache de cet exemple extraire tout l'utile:
Vois cette femme, comme elle purge son linge
Des taches, en jetant dessus de chaudes eaux.
Imite-la : ton art ne trahira point.
L'onde lave en effet l'ordure du corps noir."  

 "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème III 

 "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème III 
 "Va trouver la femme qui lave le linge; et fais comme elle." 

Observons l'image ci-dessus:
L'injonction qui accompagne l'Emblème invite le philosophe à faire la lessive comme la femme représentée. Le Grand œuvre est comparé aux travaux ménagers des femmes tels la lessive. Cela signifie que le Sujet du Sage doit être lavé, purifier. Cette purification se fait par une lessive de Feu. Il ne s'agit pas du Feu commun ou vulgaire. Le Feu des philosophes estune eau, une eau qui ne mouille pas les mains. Les deux éléments Eau et Feu se sont communiqué leur qualités. le Feu philosophique pénètre la matière jusqu'en son cœur, nettoie et détruit toutes les impuretés.
Michael Maïer indique que cette opération doit être répéter plusieurs fois. Il ajoiute que toutes les opérations telles la calcination, la sublimation, la solution, la distillation, la descension, la coagulation, la fixation se réduisent à une ablution.

Le jeu des enfants et le travail de femmes s'accomplissent à la fin de la préparation de la Pierre des Sages, période durant laquelle telle que l'écrit Dom Pernety : "La nature fait presque tout et qu'il ne faut avoir soin que d'entretenir le feu, néanmoins selon certaines règles."
 
"Des femmes blanchissent le linge" - La Toison d'Or - Salomon Trismonim


Cette opération de nettoyage est parfois comparé à l'un des douze travaux d'Héraclès, les écuries d'Augias. 

 Héraclès détourne les fleuves Alphée et Pénée 
"Les écuries d'Augias" - Mosaïque romaine III siècle

 Jean-Baptiste Siméon Chardin - 1735 

La seconde illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618)est l'Emblème XXII : "Après t'être procuré du plomb blanc, opère l’œuvre des femmes, c'est à dire cuis."



Michael Maïer écrit :
"Tu aimes retirer grand fruit d'un peu de peine ?
De neige enduis le visage de Saturne.
La matière d'un plomb très blanc t'apparaîtra.
Tu n'auras plus alors que le travail des femmes.
Elles placent au feu leur charbon. Cuis de même,
Mais il faut que la truite en ses eaux se dissolve." 


"Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XXII

 Michael Maïer - Atalanta Fugiens - 1618 - Emblème XXII 

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons une femme qui devant l’âtre travaille et surveille le feu. Trois marmites fermées cuisent et un bac rempli de liquide est au-dessus des flammes.
C'est, nous dit Michael Maïer, en lavant avec Mercure que l'on passe de Saturneà Jupiter, c'est à dire que s'opère la transmutation du plomb en l'étain.
Maïer exprime clairement que Mercure guérit Saturne de ses taches.
Le Mercure est encore une fois l'inconscient "qui sait".(Lire article Le Mercure (1)Le Mercure (2)Le Mercure (3) )
Le feu fait bien évidement référence au Dieu Vulcain qui permet la dispersion des parties crues, c'est à dire la maturation de l’œuvre. Il faut en effet du temps, de la sagacité et de la patience pour réaliser la Pierre Philosophale.
Nous pouvons voir un chat sur l'illustration qui représente le feu secret, c'est à dire plus moderne "la saine sphère affective personnelle".

Nous pouvons enfin voir en bas à droite de l'illustration un bac avec deux poissons à l'intérieur. "La Truite doit être liquéfiée dans ses propres eaux" nous indique Michael Maïer, c'est à dire qu'elle doit arriver à une certaine maturation. 
En langage alchimique nous disons que le poisson est coagulé puis fixé par la même "eau".Dans des termes psychologiques nous disons qu'il advient à la conscience puis intégré. 
Remarquez enfin sur l'image que la fenêtre ouverte donne sur une rivière.
 
 Paul Gauguin - Lavandières à la roubine du roi à Arles - 1886

Voici maintenant la septième enluminure du Splendor Solis :  
"Le soleil ou la pierre parfaite"
 
"Le soleil ou la pierre parfaite"
extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin

Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un soleil rouge. Est-ce un levé ou un couché de soleil ? Qu'importe, c'est le Splendor Solis! (La splendeur du Soleil) 
Il s'agit en effet manifestement d'une représentation allégorique de la réalisation de la Pierre des Philosophes, de l'aboutissement de l'Opus Magnum (le Grand Œuvre) du lien établit avec l'Esprit Universel, L'Atman Purusha.
La conjonction finale des contraires à aboutie. Les substances sont purifiées. La conscience élargie. Matière et Esprit sont parfaitement reliées et unies dans la psyché. 



 "Le Soleil" - Chymica vannus - Joannes de Monte-Snyders - 1666

 Apollon - Statue de bronze - 1684 1685 - Balthazar Keller
Château de Versailles

Le Soleil - Robert Fludd - Utriusque Cosmi - 1617

Tarot de Marseille - XIX - Le Soleil

La carte du Soleil dans le Tarot de Marseille d'une point de vue psychologique est une représentation de l’épanouissement de la fonction sentiment. 

 La Sagesse des Anciens - XVIII° siècle
 

Heinrich Khunrath - Amphitheatrum Sapientia Aeternae - 1602
Neuvième illustration

 Le Donum Dei - Rosa rubea - 1473

Observons l'image ci-dessus :
Un Roi habillé avec des vêtements de couleur rouge est représenté dans le Vas Hermeticum. Il est aussi"Rose Rubea "ou "Rose Rouge"et brille comme le Soleil. Ce Roi rouge représente la dernière et plus haute étape de l'Opus alchimique. La couleur rouge fait référence au Rubedo, étape spirituelle et aboutissement de l’œuvre. Le rouge fait aussi référence au sang du Christ et à la transsubstantiation du dogme chrétien.
Le mariage des contraire à donne naissance au FiliumMercuriiqui après plusieurs étapes (sur lesquelles je reviendrais à donné naissance à l'Albedo ou Pierre blanche).Puis, et grâce à l'emploi et à la maîtrise des différents Feux Alchimiques (sur lesquels je reviendrais également) la pierre a changé de couleur et est devenue rouge. 
Cette illustration est une des dernières du "Donum Dei" traité édité en 1473 et dans lequel nous pouvons lire "Je suis l'élixir du rouge, je transmute tous les corps vils dans l'or le plus pur et le plus véritable."
La pierre réunit maintenant l'absolue fixité sulfurique et l’extrême flexibilité mercurielle.Une ère d'harmonie s'annonce. 




 André Cellarius - Harmonia Macrocosmica - Amsterdam - 1660

 
 Claude Monet - Impression, soleil levant - 1872




Merci de votre lecture
Bon magistère !

Splendor Solis (3)

$
0
0
Bonjour,

Je poursuis dans le présent article l'étude des enluminures du Splendor Solis de Salomon Trismosin.

Lire pour l'étude des premières enluminures les articles : Splendor Solis (1) et Splendor Solis (2)

Voici le début de la seconde partie du traité : « Matière et Nature de la Pierre de Philosophes »
 
Ci-dessous la huitième enluminure du traité :  
"Le couple philosophale : Le Salamandre et la Vierge" 

 "Le couple philosophal : Le Salamandre et la Vierge" 
 Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle


Observons l'image ci-dessus :
Nous voyons un couple constitué d’une femme et d’un homme qui porte chacun une couronne: la Reine porte une couronne argentée alors que celle du Roi est dorée. Il s’agit donc d’un couple de souverains qui se tient respectivement : elle sur une Lune terne sans éclat, et lui sur un Feu ardent. Ce feu qui n’est pas sans évoquer la passion amoureuse semble embrasser les pieds du Roi. Salomon Trismosinévoque explicitement à propos de ce feu la Salamandre
La Reine est habillée d’une toge blanche aux reflets bleutés et aux bordures argentées sous laquelle se dissimule une robe rouge. Le Roi porte un habit rouge bordé de fils d’or dont la doublure est de couleur blanche.


Au-dessus de la Reine est représentée un Soleil argenté, et au-dessus du Roi un Soleil rouge. Remarquez que ces deux astres regardent chacun le personnage opposé ; c'est-à-dire que le soleil argenté observe le Roi tandis que le Soleil rouge porte le regard en direction de la Reine.

La Reine porte un phylactère sur lequel est inscrit : « Lac viramium » ce qui signifie « Lait de vierge ». De son côté le Roi porte un spectre qui est entouré d’un phylactère sur lequel est écrit « Coagula maaschculium » c'est-à-dire « Coagulation masculine ».

La Reine lève la main gauche et son index, alors que le Roi dont on peut remarquer le regarde étonné lève sa main droite. En effet, s’ils sont Roi et Reine, ils sont aussi Frère et Sœur et le Roi semble éprouver une certaine stupéfaction.


Remarquez les deux personnages se tiennent tous deux sur un chemin transversal qui va vers un château que l’on aperçoit dans le fond de l’enluminure et passe par un village dont on peut apercevoir le cloché de l’église sur la gauche derrière la Reine.

Dans la bordure du bas de l’enluminure nous pouvons lire : « Via Universalis particularia inclusis » ce qui signifie « La Voie Universelle inclut les particuliers. »



Dans la partie basse sur la plainte en marbre sont représentées trois scènes mythologiques. A gauche il s’agit du combat d’Achille et d’Hector. Au centre est représenté Alexandre le Grand. A droite, Diogène sort du tonneau et se trouve face à Alexandre qui est venu lui demandé s’il avait besoin de quoi que ce soit et à qui Diogène répond : « Hôte-toi de mon soleil ! »
 

Les deux personnages constituent un couple qui est à la fois Homme / Femme, Roi / Reine, Frère / Sœur, Apollon / Diane.

Conformément à l'importance relative de ces astres, le Soleil est associé à l'homme et la Lune à la femme.
Ils représentent les deux polarités illustrées que sont :

Principe masculin / Principe féminin, Soleil / Lune, Esprit/ Âme, Corps / Souffle, Mercure / Soufre.

Maintenant observons les trois niveaux de lecture de ces représentations :
  •  Les figures humaines avec tous les détails mentionnés ci-dessus
  •  La Lune argenté sans éclat sous les pieds de la Reine, et le Feu ardent qui consume le Roi 
  • Les deux astres solaires : au-dessus de la femme aux rayons argentés et au-dessus du Roi le Soleil rouge dont les regards se croisent.
C'est dans la dynamique de ces trois niveaux que tout se joue. Pour comprendre cela examinons une illustration du "Rosarum philosophorum" ("Rosaire des Philosophes") manuscrit édité en 1527 et attribué à Arnaud de Villeneuve

    Illustration extraite du "Rosarum philosophorum" - Arnaud de Villeneuve - 1527

    Observons l'image ci-dessus :
    Cette illustration illustre et récapitule le début des noces alchimiques entre le Roi et la Reine. Ces deux personnages tout comme le couple philosophalede l'illustration précédente du Splendor Solis se tient respectivement debout sur un Soleil et une Lune ce qui illustre l'union des contraires :
    Homme / Femme, Roi / Reine, Frère / Sœur, Apollon / Diane.

    Ils se tendent chacun la main gauche, ce qui n'est pas usuel et cherche à traduire une intention. Le gauche, nous l'avons vu est le côté de l'inconscient mais aussi du cœur. Ils cherchent à partager un secret. Cette action de la main illustre aussi la transgression, les amours illégitimes de nature incestueuse (frère/sœur).
    Les mains droites tendent chacune une tige avec deux roses aux extrémités. Les quatre fleurs symbolisent les quatre éléments : Feu et Air qui sont actifs et attributs au côté masculin et Eau et Terre qui sont passifs et attribués au côté féminin. Ce croisement de roses illustre l'amour mutuel que partagent le Roi et la Reine. Au croisement des deux tiges des fleurs s'ajoute une troisième tige tenue par une colombe. Cette cinquième fleur représente la quintessence. La colombe est l'agent qui rapproche, réconcilie ou concilie les éléments masculin et féminin. Elle vient de l'étoile qui est au-dessus représente le Saint-Esprit et  unit l'ensemble des fleurs et des personnages.
    Les trois tiges de fleurs sont à mettre en parallèle avec les trois Mercure c'est à dire Le mercure minéral, le mercure végétal (vivant) et le mercure animal (ayant une âme). 
    (Pour des détails sur l'origine de l'étoile et sur les trois Mercure lire le commentaire de la première illustration de l'article La Fontaine)

    A un autre niveau de lecture le Roi représente l'Esprit et la reine l'anima (la part féminine et inconsciente de l'homme)

    "Nota bene : In arte magisterii nostri nihil est celatum a Philosophis excepto secreto artis, quod non licet cuiquam revelare : quod si fieret, ille malediceretur et indignationem Dei incurreret et apoplexia moreretur. Quare omnis error in arte existit ex eo quod debitam materiam non accipiunt. Igitur venerabili ultimini natura, quia ex ea et per eam et in ea generatur ars nostra et nostra et non in alio : et ideo magisterium nostrum est opus naturae et non opificis."
    Ce qui signifie: "Note bien : dans cet art de notre magistère rien n'a été caché par les philosophes, excepté le secret de l'art qu'il n'est permis à personne de révéler. Si quelqu'un le faisait, il serait maudit, encourrait l'indignation du Seigneur et mourrait d'apoplexie. C'est pourquoi toute erreur dans l'art provient de ce que l'on ne prend pas la matière requise. Servez-vous donc de la vénérable nature, car c'est d'elle, par elle et en elle que notre art est engendré, et non de quelque autre chose. Et en conséquence notre magistère est l’œuvre de la nature et non celle de l'artiste."

    A propos de la place de la nature dans l'alchimie lire l'article : Lumen Naturae



       Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622 - illustration  31

    Observons l'image ci-dessus :
    Voici une autre représentation des noces alchimiques. Ici, le Roi et la Reine se tiennent respectivement chacun debout en équilibre sur le dos d'un lion.  Les têtes des deux lions se rejoignent et forment une bouche unique d'où jaillit une eau mercurielle. 
    Nous avons ici une parfaite suite à la troisième enluminure du Splendor Solis : "Le guerrier au casque" dans laquelle il est question de " Faire une seule eau à partir de deux, vous qui cherchez à travailler avec le soleil et avec la lune ..."  (voir article Splendor Solis (1))

    L'union du Roi et de la Reine s'obtient grâce à une parfaite dissolution.
     


    Il a beaucoup de chose à dire sur le Mercure et je vous recommande de lire les articles : Le Mercure (1)  Le Mercure (2)  Le Mercure (3)

    Le Mercure ou Mercurius est le principe passif, le froid, l'éros, le pôle féminin, le blanc, la lune, etc.
    Le Soufre ou Sulphur est le principe actif, le chaud, le logos, le pôle masculin, le noir, le soleil, etc.
    Il s'agit donc de deux principes opposés de l'union desquels nait le Sel. Mais les termes comme bien souvent en alchimie peuvent varier, comme nous allons le voir avec la prochaine illustration.
    Dans tous les cas, l'ensemble Mercure, Soufre et Sel constitue la trinité alchimique telle que par exemples la mesure, la taille et le poids constitue une trinité, ou encore le masculin, le féminin et le divin constitue également une trinité.

     "Le Mercurius Phorum"- Extrait du "Rosarium philosophorum"
    Manuscrit édité en 1527 et attribué à Arnaud de Villeneuve.

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons une jeune femme qui se tient debout sur le Soleil et la Luneréunis. Cette belle personne tient dans sa main droite un calice rempli de serpents, et dans sa main gauche un croissant de Lune. Sur sa tête couronnée trône un oiseau qui est sur le point de prendre son envol. 
    Il s'agit dela résultante de l'union du Soleil et la Lune; le fruit de l'alliance du Mercure et du Soufre; l'enfantde l'amourdu Roi et de la Reine : "Le Mercurius Phorum". 

    Ci-dessous un schéma pour représenter les différentes étapes du "mariage alchimique" ou seule véritable union mystique.

     
     "Le mariage alchimique"

    Attardons-nous maintenant un instant sur la partie basse de l'enluminure et les scènes mythologiques qui y sont représentées.

    A propos du combat d’Achille et d’Hector.

    Voici l'histoire :
    Achille est un héros vénéré de la Grèce antique. Fils de Tétis et de Pélée, roi de Phthie en Thessalie, chanté par Homère dans l’Iliade, Achille est renommé pour sa bravoure et sa fermeté d’âme. Avec son ami très cherPatrocle avide de victoire il part pour la guerre de Troie. Ils sont rejoints par Nestor et Ulysse avec lesquels ils participent au siège de la ville. Mais Hector, fils de Priam roi de Troie, tue Patrocle. Achille veut venger son ami et revêt une armure magique que son père a commandée au maitre des forges Héphaïstos. A l’issue du combat Achille tue Hector puis traine son corps autour de la ville de Troie afin d’épouvanter ses ennemis. Un peu plus tard il meurt tué par Paris, frère d’Hector et autre fils de Priam devant les murailles de Troie et ne verra pas la victoire finale des grecques.



     Le combat entre Achille et Hector




     Alexandre le grand


    "La rencontre d'Alexandre le Grand et de Diogene de Sinope"
    Pierre Pujet - Bas relief en marbre - Vers 1680 - Musée du Louvre - Paris

    Voici la version complète de l'échange entre Alexandre le Grand et Diogène de Sinope :
    « — Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai.
    — Ôte-toi de mon Soleil. 
     — N'as-tu pas peur de moi ?
    — Qu'es-tu donc ? Un bien ou un mal ?
    — Un bien.
    — Qui donc pourrait craindre le bien ? »
     
    Ci-dessous la neuvième enluminure du traité : 
    "La Mine philosophale: le Vitriol" 

    "La Mine philosophale: le Vitriol" 
     Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons deux hommes en train de creuser une mine dans une montagne.  Ils cherchent la prima materia ou matière première et s'enfoncent dans les profondeurs terrestres.
    Remarquez que le Soleil et la Lune sont très nettement séparés. D'une part le Soleil qui est radieux écarte les nuages, et, d'autre part au premier plan un croissant de Lune flotte sur la rivière.


    Sur la frise du bas de l'enluminure, est représentée une scène biblique de l'ancien testament. C'est comme si cette scène se déroule sous terre. Il s'agit de la demande de la reine Esther à son mari le Roi perse Assuérus afin d'obtenir la grâce des juifs que le grand Vizir Haman veut exterminer.  
    Sur l’extrême gauche, est représenté l'oncle d'EstherMardochée qui est aussi le garde du Roi et se tient debout derrière lui.
    Sur la droite, sont représentés Bigtan et Teresh, deux autres gardes eunuques du Roi que Mardochée entendit dans la cour fomenter une conspiration contre le Roi.
     
    Voici l'histoire : 
    Assuérus le roi de la puissante Perse (de 486 à 465 av J-C) cherche à se marier. Il fait venir à son palais les belles jeunes filles de son royaume afin de choisir une épouse.
    Mardochée s'arrange pour qu'Esther, sa cousine orpheline qu'il a élevée soit anonymement intégrée parmi les servantes du palais. Il attend le moment opportun pour présenter Esther à son Roi. 
    Quelques temps après, Mardochée surprend aux portes des appartements royaux deux gardes eunuques du Roi qui fomentent une conspiration contre le souverain.
    Mardochée profite de l'occasion et envoie Esther dénoncer cette conspiration au Roi tout en dissimulant ses origines juives. Assuérus remarque la beauté d'Esther et la choisi comme reine tout répond favorablement à la demande de libération du peuple juif.
    Mardochée sera récompensé par le Roi Assuérus. 

    "Esther se parant pour être présentée au roi Assuérus" 
    dit "La toilette d'Esther" - Théodore Chassériau - 1841 -
    Musée du Louvre - Paris

     Esther choisie par Assuerus - Filippino Lippi - 1459 1504 - Florence

    Observons le tableau ci-dessus :
    Voici une œuvre destinée à un coffret de mariage qui représente des scènes de la vie d'Esther : 
    A gauche au fond du tableau, lors d'un festin Assuérus demande à recevoir la reine Vasthi. A droite la représentation le banquet de Vasthi. Au premier plan les jeunes filles défilent devant Assuérus qui choisit Esther. 
    Le roi Assuérus symbolise le Christ qui épousel’Église ici représentée par Esther.

    Mardochée se lamentant -  L'évanouissement d'Esther en présence d'Assuérus - Aman implore en vain sa grâce - Filippino Lippi - 1459 1504
     
     "Esther et Assuérus se rendant au festin" - 1245
    Vitrail de la Sainte Chapelle - Paris

    Esther est une femme courageuse, une héroïne de l'ancien testament qui sauve le peuple hébreu. Son intercession auprès du Roi Assuérus est diffusée dans l'iconographie chrétienne comme une préfiguration de la Vierge Marie pour le jugement dernier.
    Alors qu'est-ce que la légende d'Esther cherche à illustrer sur cette enluminure alchimique"La Mine philosophale"du Splendor Solis ?
    Esther incarne le pole féminin introverti (au fond de la mine) qui peut potentiellement libérer les forces vives (le peuple hébreu) de leur servitude et ainsi renouveler l'énergie vitale nécessaire à la réalisation de l'opus.

      "Le banquet d'Esther et d’Assuérus" - Bible d’Utrecht - 1430

    "Travail à la mine avec monstres, or et illuminations hermétiques"
    Le maitre de Pétrarque - 1520 

    Selon les croyances de la tradition alchimique, les minéraux sont fécondés par la Terre mère, puis la Nature les transmute très lentement. Cette transmutation est une purification qui se déroule petit à petit sur plusieurs siècles. Pendant très longtemps de nombreuses traditions ont cru en ce processus de transformation. 
    Toujours selon la tradition alchimique chaque métal est associé à une planète (voir tableau ci-dessous) 
    Or, nous savons aujourd'hui que derrière les dieux de la mythologie se jouent d'importants archétypes de la psyché humaine, c'est à dire des fonctionnements millénaire déposés dans l'inconscient.
    Le travail de l'alchimiste est d'accompagner la Nature en accélérant ce processus de transmutation. Il s'agit de faire en quelque sorte murir les métaux et ce qu'ils représentent symboliquement vers une plus grande perfection, c'est qu'au travers de ces symboles peut se réaliser le processus d'individuation.
    Voilà pourquoi et comment le plomb (matière vile et grossière) peut se transformer en or (matière noble et précieuse).
      
    Plomb
    Étain
    Fer
    Mercure
    Cuivre
    Argent
    Or
    Saturne
    Jupiter
    Mars
    Mercure
    Vénus
    Lune
    Soleil

     "Une caverne jurassique" - Caspar Wolf - - 1778 - Solothurn - Kunstmuseum


      "Les mineurs" - Aurora consurgens - Fin XIV° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons deux mineurs qui travaillent à l'extraction du minerai.
    Derrière eux, un pélican dans un nid se perce du bec la poitrine d'où s'échappent quelques gouttes de sang avec lequel il nourrit ses trois petits. Cette représentation vient du fait que le pélican nourrit ses oisillons en régurgitant de sa poche la nourriture ce qui laisse à penser qu'il donne sa propre substance.
    Remarquez la couleur des habits des mineurs : l'un est vêtu de rouge et l'autre gris bleu. Le rouge symbolise le souffre, c'est à dire le principe actif de la matière. Le gris bleu lui symbolise l'argent, c'est à dire le principe passif de la matière.
    Le pélican est une allégorie de la quête de nos deux mineurs, c'est à dire un symbole de la Pierre Philosophale. Les trois oisillons de l'illustration représentent le Mercure, le Soufre et le Sel. En effet, la Pierre d'une part est capable de se nourrir elle-même, et d'autre part, tel le Phénix, meurt et renait afin de régénérer les métaux, c'est à dire restaurer les archétypes malades.

     "Corpus, Anima et Spiritus" - "Sel, soufre et Mercure"
    Enluminure d'un traité alchimique - Fin XVII° siècle
    Repris dans l'ouvrage "Azoth" de Basile Valentin

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous pouvons voir un cercle autour duquel est inscrit l'axiome du Vitriol : "Visita Intériora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem " ("Visite l'intérieur de la terre et par la rectification tu trouveras la Pierre Philosophale cachée.")
    Aux quatre coins de l'illustration sont représentés les quatre éléments : Feu, air, Eau et Terre.
    Les sept rayons de l'étoile portent les symboles des sept métaux et des sept planètes associées à la réalisation de l’œuvre. (Saturne, Plomb / Jupiter, étain / Vénus, Cuivre / Mars, Fer / Mercure, Mercure / Lune, Argent / Soleil, Or) Les sept ronds intercalés illustrent les sept différentes phases de l'Opus. 
    Du cercle ou de la roue dépasse un triangle à chaque angle duquel est associé : "Le sel, le soufre et le mercure".
    Le visage au centre de l'image fait référence à l'Anthropos de la Grèce antique, ou à l'Adam Kadmon de la Kabbale c'est à dire à représentation l'homme dans le mythe de la création.
     
    Cet emblème représente l'âme du monde qui vivifie la matière inerte par la conjonction des opposés (Lune, Soleil / Passif, Actif / Féminin, Masculin) et l'harmonisation des différents composants : Sel, soufre et Mercure, c'est à dire Corps, Âme et Esprit.

    Notez que les alchimistes était grands amateurs de jeux avec les mots tel celui de V-I-T-R-I-O-L. Roger Bacon commença par exemple son Traité « Miroir des sept chapitres » par le nom de Jupiter. En fait chaque chapitre de cet ouvrage commencement une des lettres de ce nom comme celui de Vitriolum. Les voici : In Verbis Prœsentibus Inverties Terminum Exquisitum Rei (C'est-à-dire : « Dans les paroles présentes tu trouveras la fin recherchée de la chose. ») Mais le lecteur aurait trop vite fait de considérer ce logogriphe comme la fin de l’œuvre … Les dernières lettres de chaque mot qui finit chaque chapitre de ce même traité de Roger Bacon, composent le mot Stannum (Mot qui veut dire Etain) et sont « favor projectromS, deleT, totA, tameN, bitumeN, nutU, œtrnuM. (Ce qui signifie : « Enfin, le bithume éternel doit tout à la puissance de la projection)

     "Extraction des rubis de la montagne de Sighinan sur ordre du roi de Badockhchan" -Maître de Boucicaut - 1414
     "Livre des merveilles" - Bibliothèque nationale de France

    Observons l'image ci-dessus :
    Voici une représentation de l'extraction des rubis d'une montagne. Cette pierre en raison de sa couleur rouge est associée à la planète Mars. Dans l'antiquité c'est l'emblème du bonheur et dans la tradition chrétienne il représente le sang du Christ. 
    Les légendes prêtent de nombreuses qualités à cette pierre précieuse, notamment d'éloigner la mélancolie et les mauvais rêves et, de renforcer la vitalité ainsi que d'affermir le cœur. 
    Sainte Hildegarde de Bingen écrit au XII° siècle que "les démons aériens ne peuvent résider au même endroit qu'un rubis pour y mener leur œuvre diabolique ... Ainsi cette pierre possède la faculté de chasser toute les maladies du corps de l'homme.". Albert le Grand, alchimiste du XIII° siècle, attribue également au rubis la propriété de chasser la poison de l'air que l'on respire.

     "Ali Baba et les quarante voleurs" - Edmund Dulac - 1907 - Berlin

    Les trésors sont souvent cachés dans des grottes, sous terre ou sous la mer. Les diamants du roi Salomon proviennent d’immenses mines. Ali Baba découvre le butin des quarante voleurs dans une spacieuse grotte. Le capitaine Flint de Robert Louis Stevenson enterre son or dans les profondeurs de l'ile au trésor. L'or du Rhin est caché dans les tréfonds du fleuve selon la légende de l'anneau du Nibelung. Edmond Dantès retrouve le trésor de l'abbé dans une grotte de la petite île de Monte-Cristo. Arsène, le héros de Maurice Leblanc, cache son butin dans une caverne sous l'aiguille d'Etretat, etc.

     "La Falaise d’Étretat après l’orage"
    Gustave Courbet - 1870 - Musée d'Orsay - Paris

     Gravure du XV° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    En haut et au centre sur un fond d'étoiles un adepte alchimiste travaille à la table à l'aide d'un sac de la materia prima et un vas hermeticum à la réalisation de l'opus.
    A gauche, un mineur qui a déjà rempli deux sacs de minerai, poursuit son extraction à l'aide d'une pioche.
    Au centre et à droite, trois hommes cherchent à extraire l'or de la rivière à l'aide d'une pelle à trous, d'un tamis et d'une planche. 
    En haut à droite un homme alimente le feu de l'athanor avec du bois.

    Pour plus de détail sur l'athanor lire l'article : L'Athanor
      
     Ci-dessous la dixième enluminure du traité :
    "L'arbre philosophal" 

     "L'arbre philosophal" 
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    "En son milieu a crû un grand arbre au tronc d'argent s'étendant sur tous les lieux du monde. Sur ses branches percent maints oiseaux qui se sont tous envolés à l'aurore et la tête du corbeau est devenue blanche. Cet arbre produit de nombreux fruits ..."

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons un adepte qui grimpe à une échelle sur un arbre et qui au lieu de cueillir des fruits, récupère une branche d'or qu'il tend à l'un des deux personnages en dessous.
    Ces trois personnages sont en fait parents. L'adepte en haut de l'échelle est Ascagne. Les deux hommes au pied de l'arbre sont Énée et son père Anchile. Enée est le fils d'Anchile et d'Aphrodite. Son nom signifie "cuivre" en latin (Aeneas) C'est un chef troyen. Il eut un fils Ascagne. 
    Remarquez que Ascagne sur l'échelle donne une branche d'or à Anchile (donc son grand-père) qui lui-même à fait parvenir à Enée une autre branche dorée.
    Cette transition de branche n'est autre que l'assurance d'une protection divine lors de l'étape de la putréfaction qui passe par le Feu purificateurs des Enfers.  
    Dans la mythologie grecque par exemple le chef troyen Enée, après son épisode en Afrique du nord et la mort de Didon, est conduit par sibylle dans le royaume ombres où se se voit confirmer son destin de fonder une nouvelle patrie sur l'emplacement duquel se dressera plus tard la ville de Rome.
    Le Gui, ou "rameau d'or" assure selon la tradition de pouvoir d'aller et surtout de remonter des enfers. C'est pourquoi c'est la plante associée à Proserpine (Perséphone en grec) fille de Cérès(Déméter en grec) 
     
    Remarquez les couleurs des vêtements des différents personnages : la couleur noire du vêtement de l’adepte sur l'échelle fait allusion à la phase alchimique de la Nigredo (L’œuvre au noir); La couleur blanche du manteau d'Anchile renvoie à la phase alchimique de l'Albedo (L’œuvre au blanc) la couleur rouge du manteau d'Enée qui est richement vêtu renvoie à la phase alchimique de la Rubedo (L’œuvre au rouge).  
    L'échelle comporte sept barreaux qui correspondent aux sept étapes nécessaires pour la réalisation de l'Opus. Observez la couronne en or au pied de l'arbre, symbole de la puissance divine, qui indique sa souveraineté. Il y a une référence ici à l'un des dix Sephirot de l'arbre de Vie de la Kabbale.
    Dans les branches du végétal un oiseau noir à tête blanche picore les fruits de l'arbre. Ce sont des fruits en or et c'est le corbeau dont la tête a été blanchie par le grand Art d'Hermès. Remarquez que treize oiseaux viennent de s'envoler de l'arbre. Ils représentent la libération des esprits de la matière. 
    Salomon Trismosin nous indique et nous réconforte ainsi dans notre magistère.

    Parallèlement sur le devant de l'illustration quatre femmes se baignent dans un bassin alimenté depuis une fontaine d'or. Elles portent chacune des colliers de perles d'or. Ces quatre femmes représentent parfaitement, ne serait-ce que par leur nombre, le féminin (4 est symboliquement toujours féminin !) Deux autres femmes sur la droite apportent aux baigneuses des offrandes sur des coussins. 
    De part et d'autre de l'illustration tout en bas et derrière les colonnes deux hommes de chaque côté observent et sont témoins de la scène. A l'étage un homme seul vêtu de bleu à gauche (probablement l'adepte lui-même)et trois hommes dont un roi sont sur la droite.
    Il y a donc trois fois quatre personnages autour du tableau de l'arbre de Vie : Quatre baigneuses, deux fois deux hommes derrière les colonnes, et au première étage un homme et trois personnes dont un Roi. 
    Dans une certaine mesure ces quatre personnages peuvent représenter les quatre fonctions psychologiques.
    Pour une étude plus approfondie sur ces fonctions lire l'article : Quatre Fonctions
    Pour plus de détails sur le corbeau lire l'article : Le Corbeau 
    "L'arbre de la philosophie" - Philosophia reformata - 1622
    Johann Daniel Mylius 

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons une représentation de l'arbre de la philosophie où sont représentées les différents degrés ou phase de  l'évolution intérieure de l’œuvre.
    De chaque côtés de l'arbre sont représentés le Roi et la Reine qui illustrent le principe des opposés, c'est à dire respectivement le Soufre (principe actif) et le Mercure (principe passif). Remarquez le Soleil autour de la tête du Roi, et la Lune au-dessus de celle de la Reine. Ces symboles qui font référence à Apollon et sa sœur Diane sont aussi présents dans l'arbre au-dessus de la tête des deux personnages.
    Sur les côtés quatre animaux symbolisent les quatre éléments : à gauche le dragon le Feu, le lion la Terre (sur lequel est assis le roi); à droite l'oiseau l'Air et le cachalot l'Eau (sur lequel est assis la Reine).
    Au premier plan deux personnages discutent au pied de l'arbre. Ce sont les alchimistes Senior et Adolphus. C'est à dire un vieil homme qui fait référence à Saturneéchange avec un jeune qui symbolise l'Or philosophique ou la Pierre régénérée. Ces deux personnages renvoient explicitement au traité de Frère Basile Valentin qui propose un dialogue initiatique.
    Dans les sept médaillons sont illustrées les sept opérations essentielles de l'opus alchimique qui correspondent aux sept phases du perfectionnement intérieur. Il est a noté que les oiseaux dans le bestiaire alchimique tiennent une place privilégiée et représente les parties volatiles de la matière. 
    1. Le Corbeau et la tête de mort illustrent la putréfaction.
    2. Le médaillon des deux oiseaux qui luttent illustre le combat des deux natures.
    3. Les deux oiseaux qui neutralisent un troisième oiseau au sol illustrent la séparation ou dissolution(solve)
    4. Le médaillon dans lequel deux oiseaux hissent une couronne illustre la digestion et l'élévation(fin de l'Albedo)
    5. Les deux oiseaux sur la branche illustrent la multiplication ou augmentation (coagula).
    6. La Licorne illustre la projection du Mercure qui est l'avant dernière phase.
    7. La femme dans le dernier médaillon illustre la résurrection.
    A propos des fruits de l'arbre des Sages, Basile Valentin écrit : 
    "(...) Ce trésor est une essence spirituel et d'une vertu non seulement abondante en richesses, mais aussi en science de médecine et que, par son breuvage, les hommes, par la permission de Dieu, sont délivrés des maladies les plus enracinées, même de celles auxquelles les médecins ne peuvent apporter de soulagement. C'est une œuvre qui surpasse l'excellence de l'or et de l'argent, qui étonne la raison humaine ou, si vous voulez, c'est un mystère presque incompréhensible."
    (""L'Azoth ou le moyen de faire l'or caché des philosophes" de Frère Basile Valentin - Bibliothèque des Philosophes Chimiques - Tome II -page 73) 

     "Azoth" - Figure 1 - Basile Valentin

    Ci-dessous un schéma de l'arbre de séphiroths de la Kabbale alchimique avec la correspondance des métaux.

     

    Ci-dessous la onzième enluminure du traité :
    "Le Roi rétabli dans sa splendeur première" 

     "Le Roi rétabli dans sa splendeur première" 
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Au premier plan un prince qui porte trois couronnes : Un première en Fer, une seconde en Argent et la troisième en Or. Ce prince tient un spectre dans la main droite autour duquel gravitent sept étoiles, et, dans sa main gauche une Pomme d'Or sur laquelle est posée une colombe blanche. Remarquez que la colombe, qui est ici l'oiseau d'Hermès, possède des ailes en partie argentées et en parties dorées. 
    Les sept étoiles font bien sûr référence aux sept métaux du processus de la transmutation alchimique mais aussi aux sept étoiles citées dans l'évangile selon Saint Jean.

    A l'arrière-plan un Roi en train de se noyer dans la mer. Le texte indique : "Ils virent aussi se noyer le Roi de la terre et l'entendirent appeler d'une voix implorante : Celui qui me sauvera vivra et régnera à mes côtés pour toujours dans la lumière sur mon royal trône."
    Remarquez d'une part le Soleil et la Lune qui sont conjoints dans le ciel et d'autre part le contraste de la luminosité entre le prince qui est baigné dans la lumière et le vieux roi qui sous de sombres nuages se noie.

    En bas, de part et d'autre des côtés de la frise sont représentées deux épisodes de la vie d'Héraclès. Ce célèbre personnage de la mythologie renvoie d'un point de vue psychologique à la fonction de sentiment extravertie.

     "Héraclès" - Statue de marbre - Château de Versailles

    Il est à noter que de nombreux traités alchimiques évoquent la mort et la résurrection. Par exemple "Le Roi est mort, vive le Roi !" de Pietro Bonus qui parut à Venise en 1546.

    Voici maintenant deux illustrations extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618).  
    La première est l'Emblème XXXI : "Le Roi nageant dans la mer crie d'une voie forte : Qui me sauvera obtiendra une récompense merveilleuse."
    Michael Maïer écrit :
    "Accablé par le lourd diadème, le Roi
    Nage en la vaste mer, criant d'une voie forte :
    Pourquoi ne m'aidez-vous ? Pourquoi n'accourez-vous,
    Quand, délivré des eaux, je puis vous rendre heureux ?
    Rendez-moi, par votre sagesse, à mon royaume,
    Et vous ne craindrez plus souffrance ou pauvreté." 
     "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XXXI
    "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXX
    "Le Roi nageant dans la mer crie d'une voie forte : 
    Qui me sauvera obtiendra une récompense merveilleuse."

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un Roi qui en train de se noyer. Ce Roi représente d'une part le sujet des sages qui est dans une situation misérable. Il représente également la part de Soufre obtenu après l'opération de dissolution. Ce Soufre flotte sur les eaux mercurielles, c'est à dire est remonté à la surface de l'inconscient.
    Sauver le Roi signifie pour une bonne part, vous l'avez compris, intégrer le Soufre. Et, pour la personne qui le sauve, le Roi devient la Pierre des philosophes et apporte la seule richesse désirable.
    Michel Maïer précise que lors du sauvetage du Roi il faut attention à ce que celui-ci ne perde pas sa précieuse couronne, c'est à dire sa souveraineté.
      


    La seconde illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618)est l'Emblème XXIV : "Le loup a dévoré le roi, et, consumé, il l'a rendu à la vie."

    Michael Maïer écrit :
    "Efforce-toi de capturer le loup vorace.
    Pour l'apaiser, à ce glouton jette le corps
    Du Roi ; puis place-le sur un bûcher ; le feu
    Excité par Vulcain le réduira en cendres.
    Opère ainsi souvent et tu verras le roi,
    Doté d'un cœur de lion, fier, de la mort." 
    "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XXIV

    "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXX
    "Le loup a dévoré le roi, et, consumé, il l'a rendu à la vie."

    Observons l'image ci-dessus :
    Le loup est le dissolvant mercuriel, c'est à dire une part archétypique inconsciente qui dévore le Roi. C'est une "constellation" de la substance qui permet le processus de purification de la matière de la Pierre Philosophale. Le phénomène de constellation est le "travail" que fait l'inconscient pour communiquer au travers de symbole avec le pôle conscient de l'individu.  
    Le Roi symbolise l'Or des philosophes.
    Le loup est jeté dans les flammes et cède sa vie, c'est à dire que sa valeur symbolique est intégré par l'adepte. Ainsi le potentiel énergétique du loup permet au vieux roi, une fois assimiler, de sortir du feu en ayant retrouvé sa vitalité.
     "Tuer le vif pour ressusciter le mort."

     Hermann Hugo - "Pia Desideria" - Anvers - 1659


    Voici ci-dessous la dernière illustration du célèbre "Rosarum Philosophrum" :

     "La résurrection du Christ" - Extrait du "Rosarium Philosophorum"
    Figure 22 - Manuscrit attribué à Arnaud de Villeneuve - 1527 

      
    Merci de votre lecture.
    Bon Magistère !

    Splendor Solis (5) Albedo

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je poursuis l'étude du "Splendor Solis" de Salomon Trismosinédité en 1530 et aborde dans le présent article la série des sept dernières enluminuresde ce traité alchimique.
     
    (Pour le début de cette étude lire les articles :Splendor Solis (1), Splendor Solis (2) , Splendor Solis (3)& Splendor Solis (4))
    Ces sept dernières enluminures constituent un ensemble cohérent qui illustre la fin de l’œuvre en blanc des alchimistes. Il s’agit donc la seconde étape de la réalisation de la Pierre Philosophale que les philosophes nomment Albedo.

    L'Albedo ou œuvre en blanc est essentiellement une étape de purification. L'adepte ou le sujet sort de l'agitation, prends du recul et entre dans une certaine immobilité. Un lien durable peut alors s'établir avec l'Anima ou Animus c'est à dire avec son "âme sœur" intérieure. Ce lien avec l'âme permet à la lumière (l'esprit) d'entrer dans la matière (le corps) et constituer une unité. Tel est le processus alchimique d'individuation.

    Remarquons tout de suite deux choses :

    Cette phase de transformation ou « œuvre en blanc » est représentée dans le traité de Salomon Trismosin à l’aide d’une succession de sept matras ou vases hermétiques. La raison en est que l’Albedo se réalise dans le for intérieur de l’être, dans ce que les philosophes nomment l'Athanor.
    (Pour plus de détail sur l’Athanor, lire l’article L'Athanor)

    Il est donc essentiel que l’espace intérieur existe mais aussi qu’il soit aménagé d’une isolation de qualité à toute infiltration extérieure (thermique et acoustique).
    (Pour plus de détail sur l’intérieur, lire l’article Intérieur / Extérieur). 

    D’autre part, comme nous allons le voir, chaque étape du processus d’Albedo décrite par Salomon Trismosin est associée à une planète ou mise sous la protection d’un Dieu. (Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure et la Lune). La sensibilisation et la distinction de la relation du microcosme au macrocosme est donc clairement établie.
     
     Ci-dessous la seizième enluminure du traité :  
    "Le Régime de Saturne"
    Splendor Solis
    "Le Régime de Saturne"
     Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons tout en haut de l'illustration Saturne sur un charqui est tiré par deux dragons ailés. Saturne tient dans sa main droite une faux à manche courte qui représente l'aspect restrictif de son règne. Dans sa main gauche un spectre à deux serpents. Il s'agit du caducée de Mercure que tient momentanément Saturne et qui symbolise le principe volatil de son œuvre. Sur les deux roues du char nous pouvons voir les deux symboles du Capricorne et de Verseau. Ces deux signes indiquent la période à laquelle est associé l’œuvre de Saturne. Rappelons que le métal associé par les alchimistes à Saturne est le plomb et que si il est considéré comme le plus vil des métaux il n'est pas moins que le début de l’œuvre.

    Au milieu de l'illustration un matras dans lequel est représenté un enfant ou nourrisson joufflu et un dragon. Le matras porte une couronne qui indique la période du règne de Saturne. L'enfant ou putto est une représentation du Mercure, c'est à dire une personnification de l'inconscient. Le dragon symbolise la prima materia. L'enfant Mercure verse de la main droite un liquide dans la gueule du dragon; et, de la main gauche attise avec un soufflet le feu. Jacques Van Lennep précise que sur l'exemplaire de Nuremberg de cette illustration est écrit : "Draconem nostrum mortuum sanguine construite ut vivat"; c'est à dire "Élevez dans le sang notre dragon pour qu'il vive." Le liquide dont l'enfant nourrit le dragon est donc le sang de l'esprit universel, c'est à dire l'âme de toute chose. 
    Ces actions de l'enfant Mercure donnent des ailes au dragon, c'est à dire rende la matière première "volatile", permet à la prima materia d'accéder à une vaporisation. Il faudra nourrir la "matière dragon" et maintenir cette substance devenue volatile sur un feu jusqu'à ce qu'elle se fixe.
    La couronne de laurier sous la cornue illustre un feu doux qui cuit durant cette longue période l'ensemble de ce processus.
     
    Les personnages en bas et en arrière-plan sur les côtés du matras illustrent la période de l'influence deSaturne de l'opus. Remarquez sur la gauche un cercueil qui est sur le point de passer la prote de la ville; Il s'agit de la porte de la mort. Un homme qui donne l'aumône à deux estropiés qui mendient; une vieille femme seule; en bas à gauche un vieillard qui discute avec un autre homme; un autre vieil homme remonte des sceaux d'eau du puits pour les reverser dans un tonneau; en bas à droite un homme qui se lave dans un tonneau, à côté duquel un tanneur travaille sur sa planche; un couple d'éleveurs un peu plus haut, et sur la droite des cultivateurs qui travaillent dans un champ. Ils "travaillent" la terre régénérée après la mort de la matière symbolisée l'autre côté du matras. Rappelons que Saturne fut à l'origine un dieu essentiellement agraire. Enfin, en haut sur la droite une pendaison ou mise à mort sur un mont qui fait songer à la crucifixion sur le mont Golgotha (crâne). Il est bien question de mort et de résurrection durant le règne de ce vieux Saturne.

    Il est impossible lorsqu'on observe la force que doit déployer l'enfant dans ce mantras de ne pas songer à Héraclès. En effet, celui-ci tue dès son berceau les redoutables serpents que lui envoie Héra (Junon romaine) ce qui laisse présager une force considérable et un avenir prometteur à ses parents.
    Alchimie
     "Héraclès enfant tue un serpent" - II siècle après J-C
    Musée du capitole de Rome

    (Pour plus de détail sur Saturne, lire les articles Saturne, le mythe& Saturne, le plomb)
     "L'alchimiste verse le liquide de l'esprit universel dans la gueule du dragon"
    Extrait du "Clavis Artis"

    Saturne
    "Salle de Saturne" - Palais de Pitti - XVII° siècle - Florence

    Alchimie
    "Saturne sur son char"

    Astrologie
    "Saturne" - De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle



    Ci-dessous la dix-septième enluminure du traité :  
    "Le Régime de Jupiter"
    Splendor Solis
    "Le Régime de Jupiter" 
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Remarquez en haut deux paons qui tirent le chariot où Jupiter est assis. Sur les roues du chariot sont représentés les signes astrologiques du Sagittaire et des Poissons auxquels est associée la planète du même nom. Le Paon est un animal que la tradition alchimique, tout comme la Grèce antique, associe à la déesse Junon (Héra grec) et à son sanctuaire sacré. Jupiter sur le char de l'illustration tient dans ses mains deux flèches, et, face à lui un personnage lui présente une offrande. Rappelons que le métal associé par les alchimistes à Jupiter est l'étain.

    Au centre un vase ou matras qui cuit et dans lequel se battent trois oiseaux. Une telle représentation de la matière alchimique indique que cette période est caractérisée par un état volatil du magistère.  La materia prima du régime de Saturne s'est lors de son échauffement séparée, morcelée en trois parties.
    Il y a un oiseau noir, un oiseau blanc et un oiseau rouge et ils se dévorent les uns les autres. Les trois couleurs symbolisent les trois étapes de l'Opus qui apparaissent alors et qui sont bien distinctes (Nigredo, albedo, et rubedo) L'oiseau rouge est au milieu des deux autres comme pour indiquer que cette couleur peut apparaitre et disparaitre de nombreuses fois avant de laisser place à la pleine lumière (Splendor Solis). Le texte original indique :"La chaleur transforme toutes les choses noires en choses blanches, et celle-ci en rouge."
    Remarquez sous le mantras une couronne de laurier verte qui symbolise le feu alchimique. La couleur verte indique une chaleur douce qui cuit "la matière" lentement afin de laisser "une lumière particulière surgir des ténèbres".

    En bas et autour sont représentés de gauche à droite les grands de ce monde qui sont tous gouvernés par Jupiter : des ecclésiastes,  les princes de ce monde, les trésoriers et banquiers, des marchands ainsi que ... les alchimistes !

    Cette enluminure illustre donc la suite du régime de Saturne mais une étape transitoire de croissance de la matière alchimique ou "masse en ébullition" qui va mettre en place sa transmutation à venir. Le dragon du régime s'est transformé en trois oiseaux querelleurs. Ceux-ci à l'étape suivante vont être à nouveau réunis avec la phase de "sublimation"en un seul oiseau mais avec trois têtes. 

    (Pour plus de détail sur Jupiter, lire les articles : Jupiter, le mythe& Jupiter, l'aigle. Pour plus de détail sur le paon lire les articles : Le Paon& Iris et l'arc-en-ciel)
    Alchimie
    "Les trois couleurs de l'opus alchimique" - Cathédrale Notre-Dame de Chartres


    Jupiter
    "Salle de Jupiter" - Palais de Pitti - XVII° siècle - Florence

    Alchimie
    "Jupiter sur son char"

    Astrologie
    "Jupiter" - De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle

    Ci-dessous la dix-huitième enluminure du traité :  
    "Le Régime de Mars"
    "Le Régime de Mars" 
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus : 
    Tout en haut de l’enluminure le char du dieu Mars est tiré par deux loups. Remarquez sur les roues du char les emblèmes de signes du zodiaque du Bélier et du Scorpion, tous deux régis par la planète Mars. Rappelons que le métal associé par les alchimistes à Mars est le fer, et c'est en effet avec ce métal que sont forger les armes.

    Dans le mantra nous voyons un oiseau dont le corps possède trois têtes. Il s’agit de l'aigle blanc tricéphalerésultant de la phase de sublimation. C'est à dire que la matière illustrée par les trois oiseaux de l’enluminure précédente est séparée de ses scories impures. Cette purification permet l'union des trois oiseaux du régime de Jupiter en un oiseau a un seul corps mais trois têtes. Remarquez que les trois têtes de l'animal sont coiffées d'une couronne dorée. Le texte dit : « Le chaleur purifie le foyer du moindre objet de quelque impureté (…) Elle rejette les impuretés minérales et les mauvaises odeurs et renouvelle l’élixir. » L’union des trois corps d’oiseaux en un est donc le gage d’une renaissance à venir.
    Contrairement au deux enluminures précédentes, il s’agit d’un feu chaud et vif qui exerce une véritable mutation. L’efficacité de ce feu ne peut être obtenu qu’une fois la putréfaction achevée (régime de Saturne) une fois la nécessaire étape de séparer le "gros" du "subtile" est accomplie (régime de Jupiter).
    Le texte précise : « La Terre peut être fondue, pour devenir feu. »« Spiritualise les corps et rends volatile ce qui est fixe. » « Un corps pesant ne peut être transformé en corps léger sans l’aide d’un corps léger, pas plus qu’un corps léger ne peut être ramené au sol sans l’aide d’un corps pesant. » « Les corps dissous auront été réduits en esprits véritable. » (« Copora soluta ad verum spiritum fuerunt reducta. »)

    Remarquer au pied et autour du mantra les différentes scènes de violence et de bataille. Cette étape ne se fait en effet pas sans heurt.
    A gauche dans le fond, des scènes d’incendie et de massacre. Devant, une scène de bataille. Et, sur la droite, des scènes d’occupations et de soumission des autochtones.
     Alchimie
     "Mars sur son char tiré par des loups" - Claude II Audran - 1673

    J'aimerais maintenant revenir sur une des aspect essentiel du régime de Mars : le symbole de Loup.

    Le Loup dans l'antiquité est un animal associé au dieu de la guerre. Pour les grecques, voir un Loup avant une bataille est un excellent présage. Plus tard, lors de l’avènement de la chrétienté c'est aussi un symbole de férocité et d'avidité qui représente une réelle menace.
    Mais que représente le loup en alchimie ? 
     
    Ci-dessous un extrait du traité alchimique "Les douze clefs de la Philosophie"de Basile Valentin : La première clef ou "Les deux agents du premier œuvre et leur préparation."
    Basile Valentin
     "Les deux agents du premier œuvre et leur préparation." 
    Extrait du traité : "Les douze clefs de la Philosophie" de Basile Valentin

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons le couple royal : la Reine et le Roi qui sont extraits par dissolution (solve) de deux creusets que nous voyons au premier rang. Cette extraction se fait grâce au travail sur les minerais respectivement de l'Argent et de l'Or.

    Au premier rang à gauche un Loup belliqueux et agressif qui saute par-dessus le creuset. L'extraction de l'or est en effet plus délicate et nécessite plusieurs étapes. A droite un personnage quidu creuset extrait plus tranquillement le Soufre alchimique (ou principe actif). Ce personnage est peut être Saturne (ou Chronos) car nous reconnaissons sa faux, ou bien Vulcain car il possède une jambe de bois. Je dirais qu'il est un "Saturne Vulcanisé".
    Pour l'extraction de l'Or, ou du "Roi souverain" Basile Valentin indique de jeter le corps du Roi en guise de nourriture au Loup. Puis, une fois dévoré de jeter le Loup dans un Feu afin qu'une fois la matière consumée "le Roi" soit délivré. Cette opération doit être exécutée trois fois. C'est pourquoi La Reine tient dans sa main une tige avec trois fleurs qui symbolisent les trois répétitions nécessaires de cette étape de purification.
    Le Roi & le Loup (dévoré puis consumé) représentent donc la matière première, la Materia Prima de l’œuvre au noir ou Nigredo des alchimistes qui après les trois étapes se transmutent en Or ou en Roi apollinien, c'est à dire une étape de la Pierre ou du Soi intérieur.

    Il s'agit donc d'une étape de purification, nettoyer ce qui est impur ou souillé (Les agitations, les impulsions agressives, la part d'ombre). Cette étape est nécessaire pour l'union du Roi et de la Reine, c'est à dire le mariage mystique qui lui débouchera à la réalisation de la Pierre Philosophale.
    Le loup avec son caractère belliqueux et agressif est explicitement associé par Basile Valentin au dieu Mars. Le loup symbolise cette matière impure qui une fois dissolue (solve)devient le produit purificateur que Basile Valentin nomme l'Antimoine.  Cette substance dissoute ou transmutée est alors en capacité d'être intégrée (coagula).

    (Pour plus de détail sur Saturne, lire les articles Saturne, le mythe& Saturne, le plomb )
    Alchimie
     "Le loup" - Bestiaire d'Aberdeen

    Voici maintenant un extrait du traité "Philosophia reformata"édité en 1622 de Johann Daniel Mylius : "La sublimation est purification de la matière".
    Le texte dit : 
    "Pour que le poids de notre corps
    Soit changé en souffles légers,
    Tu le prendras dans les bas-fonds
    Pour le mener vers les hauteurs.
    Le roi te montre le phénix,
    La reine t'apporte le cygne,
    Tu vois même le loup vorace
    Sortir de sa retraite obscure.
    L'arbre bien-aimé d'apollon
    Porte en ses branches des fruits d'or,
    Et le temps armé de sa faux
    Moissonne quand vient la saison." 
    Johann Daniel Mylius
    "La sublimation est purification de la matière"
    Gravure de Baltzer Schwan, citoyen de Francfort qui mourut en 1624.
    Extrait du traité de Johann Daniel Mylius : "Philosophia reformata" de 1622

    Observons l'image ci-dessus :
    Au moyen de la dissolution la matière peut être purifiée. Cette opération se nomme la Sublimation
    Au centre et au premier plan : l'Athanor (ou for intérieur de l'adepte) Sur la gauche de l'Athanor, la Prima Materia numineuse (C'est à dire chargée en énergie sacrée)
    L'opération de la Sublimation doit être répété plusieurs fois, c'est pourquoi Saturne qui est sur la droite, est sur le point de couper l'unique tige portant l’Étoile, la Lune et le Soleil (qui représente la première, la seconde et la troisième étape de l’œuvre)
    Derrière saturne, l'arbre au tournesol qui indique que l'adepte peut être confiant : l'Opus est bonne voie.
    Au second plan, le Roi et La Reine qui tiennent respectivement dans leurs mains : Le Phénix et le Cygne, c'est à dire respectivement la renaissance et la grâce. Le Phénix représente les distillations successives qui tendent vers la Fixation, et, le Cygne représente la blancheur, la pureté (L'Albedo)

     Alchimie
      
    Voici maintenant deux illustrations extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618). 
    La première est l'Emblème XLVII : "Le loup d'Orient et le chien d'occident se sont mutuellement mordus."

    Michael Maïer écrit :
    "Du lieu où le soleil se lève un loup survient.
    Un chien surgit du point où dans la mer il plonge.
    Tous deux gonflés de bile et furieux, ils se mordent.
    La rage et son rictus se peignent sur leur face.
    Ce sont données à tous partout, toujours, pour rien,
    Les deux pierres jumelles que tu dois posséder." 

    Alchimie
    "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XLVII
    Alchimie
     "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XLVII :
    "Le loup d'Orient et le chien d'occident se sont mutuellement mordus."

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un loup et un chien qui se battent comme des enragés. Il est explicitement dit par Michaël Maïer que ces deux bêtes féroces proviennent de régions différentes et opposées de la terre. 
    Le loup symbolise le Soufre et le chien le Mercure c'est à dire respectivement le principe actif et le principe passif de l'opus. Ils se battent jusqu'à la mort c'est à dire jusqu'à la fin du processus de corruption et de putréfaction. Puis, la mort les unit et transmute Soufre et Mercure pour produire l'Eau permanente ("aqua permanens") c'est à dire de nouvelles Forces Vives !
    Johannes Fabricius indique que le Loup symbolise la figure du père et le Chien celle de la mère poursuivie par le père. ("L'alchimie" de Johannes Fabricius - page 41) Il n'est pas à exclure en effet qu'il s'agisse de forces conflictuelles non résolues dont nous héritons et que l'on se doit d'harmoniser.

    La seconde illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618)est l'Emblème XXIV : "Le loup a dévoré le roi, et, consumé, il l'a rendu à la vie."

    Michael Maïer écrit :
    "Efforce-toi de capturer le loup vorace.
    Pour l'apaiser, à ce glouton jette le corps
    Du Roi ; puis place-le sur un bûcher ; le feu
    Excité par Vulcain le réduira en cendres.
    Opère ainsi souvent et tu verras le roi,
    Doté d'un cœur de lion, fier, de la mort."
    Alchimie
     "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XXIV

    Alchimie
    "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXX
    "Le loup a dévoré le roi, et, consumé, il l'a rendu à la vie."

    Observons l'image ci-dessus :
    Le loup est le dissolvant mercuriel, c'est à dire une part archétypique inconsciente qui dévore le Roi. C'est une "constellation" de la substance qui permet le processus de purification de la materia prima. Le phénomène de constellation est le "travail" que fait l'inconscient pour communiquer au travers de symbole avec le pôle conscient de l'individu.  
    Le Roi symbolise l'Or des philosophes.
    Au second plan, le loup est jeté dans les flammes et cède sa vie C'est la seconde étape du processus décrit un peu plus haut par Basile valentin, c'est à dire que sa valeur symbolique est intégré par l'adepte. Ainsi le potentiel énergétique du loup permet au vieux roi, une fois assimiler, de sortir du feu en ayant retrouvé sa vitalité. "Tuer le vif pour ressusciter le mort."

    Joannes de Monte-Snyders
    "Mars" - Joannes de Monte-Snyders - Chymica vannus - 1666

    Alchimie
    "Salle de Mars" - Palais de Pitti - XVII° siècle - Florence

    Astrologie
      "Mars"- De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle


    Merci de votre lecture
    Bon Magistère !

    Splendor Solis (6) Albedo

    $
    0
    0
    Bonjour,

    J'achève dans le présent article l'étude du "Splendor Solis" de Salomon Trismosinédité en 1530. 
    Je vous propose ci-dessous un commentaire de la seconde partie des sept dernières enluminures du traité. Pour le début de l'étude de cette dernière partie lire l'article : Splendor Solis (5) Albedo
    Ces sept dernières enluminures constituent un ensemble cohérent qui illustre la fin de l’œuvre en blanc des alchimistes c'est à dire la seconde étape de la réalisation de la Pierre Philosophale que les philosophes nomment Albedo.

    (Pour le début de cette étude lire les articles :Splendor Solis (1), Splendor Solis (2) , Splendor Solis (3)& Splendor Solis (4))

    Ci-dessous la dix-neuvième enluminure du traité :  
    "Le Régime du Soleil" 
    "Le Régime du Soleil"
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Tout en haut de l’enluminure le char du Soleil est tiré par deux chevaux.
    Sur l’unique roue du char le signes zodiacal du Lion qui est traditionnellement régi par le Soleil.


    Au centre, un mantra ou vase hermétique qui contient un dragon à trois têtes. Tout comme l’enluminure précédente il s’agit d’un monstre tricéphale qui s'apparente à Cerbère (Voir illustration ci-dessous) D'autre part, cette fois-ci il possède les trois couleurs de l’œuvre (le blanc, le rouge et le noir). Remarquez que si les trois couleurs associées aux étapes de la réalisation de la Pierre  Philosophale sont dans l’ordre le noir, le blanc et le rouge; elles apparaissent ici de gauche à droite dans l’ordre suivant : blanc, rouge et noir. Tout comme nous l'avons vu pour le régime de Jupiter la couleur rouge est au milieu.
    Ce monstre tricéphale est la matière qui doit être donné en pâture au Lion. Il s'agit du Lion Vert qui est parfois nommé "vitriol vert" ou "acide sulfurique" ou encore "acide vitriolique" (Voir illustrations ci-dessous). Salomon Trismosin écrit : « Draconem nostrum vivum date devorandum leoni ferrocissimo. » c'est-à-dire « Immolez notre dragon vif qui doit être dévoré par un lion des plus féroces. »
     

    Tout autour et en bas du vase hermétique nous pouvons voir des illustrations de l’influence de l’astre solaire dans le monde. A gauche des hommes pratiquent l’escrime. En bas, à gauche un roi et sa cour. En bas au centre, trois hommes commercent. En bas à droite, un chevalier. A droite de l’enluminure des hommes pratiquent des activités sportives.

    Le texte de « La Toyson d’Or » indique : « Fais le gros subtil et le subtil épais et tu auras la gloire. » « Celui qui peut donner soulagement à l’âme, la tirant hors de la putréfaction, effectue un des plus grands secrets de l’œuvre. »précise « La Toyson d’Or »

    Il est donc explicitement question d’un soulagement de l’âme, d’un "retour de l’âme". Pour des raisons de carence, de blessures, l’âme a été en partie ou entièrement refoulée dans l’inconscient. Par un processus purificateur et avec l’aide du divin, l’œuvre en blanc est donc la promesse de régénérescence de l’âme.

    Salomon Trismosin précise : « Donc, si la vapeur ne s’élève pas, vous n’obtiendrez rien. »
     "Héraclès, Cerbère et Eurysthée" - vers 525 avant Jésus Christ
    Musée du Louvre de Paris

    J'aimerais maintenant revenir sur un aspect essentiel du régime du Soleil : le symbole du Lion.

    Ci-dessous une illustration extraite de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618), l'Emblème XLVII : "Trois choses suffisent pour le magistère : la fumée blanche qui est l'eau, le lion vert ou airain d'Hermès, et l'eau fétide."
    Michael Maïer écrit :
    "Pour notre magistère il nous faut trois semences :
    Onde infecte, vapeur neigeuse et Lion vert.
    Les autres éléments sortent de l'eau : les Sages
    En retirent leur Pierre; elle est principe et terme.
    L'airain d'Hermès est le Lion vert, la Pierre connue
    Des chapitres des Livres, l'eau et la fumée blanche."

    "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXXVII - Petite fugue
     "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXXVII :
    "Trois choses suffisent pour le magistère : la fumée blanche qui est l'eau, 
    Le lion vert ou airain d'Hermès, et l'eau fétide."

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un lion couronné de laurier. Cet animal symbolise le courage et la force mais ici il s'agit du Lion vert des philosophes, le minerai ou airain d'Hermès. Il peut porter de multiples noms et est parfois nommé "l'esprit vivant", "l’émeraude des sages", "la matière crue", "le feu secret", "le cristal vert", mais aussi"le Vitriol" des alchimistes. En fait c'est un dissolvant universel c'est à dire qu'il permet de séparer les substances épaisses des substances subtiles.
    D'un point de vue psychologique, le Lion vert symbolise une compensation que l'inconscient renvoie au conscient afin que ce dernier se réajuste je dirais dans un "juste milieu".
    Remarquez dans le fond de l'image le volcan en éruption. 

    Pour plus de détails sur le Vitriol, lire l'article : Vitriol 

    Voici maintenant un extrait du traité "Philosophia reformata"édité en 1622 de Johann Daniel Mylius(1585/1628) :

     "Ici le lion ardent dévore
    Le Soleil qui brillait au ciel,
    Tandis qu'une charmante nymphe
    Tient à la main ses belles fleurs.
    Puis l'homme igné transpirera
    Et tu verras son corps ardent
    Se transformer et se répandre
    En un liquide généreux.
    Dissous ainsi le magistère
    Fait de la poudre préparée.
    Mercure alors s'élèvera
    Sous de favorables auspices." 
    "Le Lion vert" - Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un vase hermétique dont l'extrémité traverse un athanor duquel sort de la vapeur qui est projetée un homme à droite. C'est une opération de purification dont le but est l'obtention de l'homme igné c'est à dire purifié. Il s'agit d'obtenir le principe actif que les alchimistes nomment le Soufre. En parallèle et sur la gauche (inconscient) un Lion dévore un Soleil. Il s'agit donc de deux actions combinées : d'une part du Lion Vert qui dévore le Soleil, et en parallèle l'action d'un "Feu secret" et purificateur. 
    C'est pourquoi Pernety écrit : "Lorsqu'ils se servent du terme de Lion pour signifier leur mercure, les alchimistes y ajoutent l'épithète qualificative de vert, pour le distinguer du mercure digéré et fait soufre."("Dictionnaire Mytho-Hermétique" de JosephPernety)
    Remarquez que l'homme désigne du doigt le processus, à savoir les vapeurs qui sortent du vase hermétique qui résultent de la combustion de l'androgyne des sages.
    Au centre, une femme qui peut symboliser "l'alchimie" ou une médiatrice. Elle montre du doigt de sa main droite le Lion et le Soleil et tient dans sa main gauche une tige à sept fleurs. Ces sept fleurs symbolisent la répétition nécessaire par sept fois de ces opérations, c'est à dire les sept étapes de la transmutation des métaux. La sève de la tige, ou "pulsion de vie" doit en effet monter, atteindre et nourrir les différentes fleurs de l'arbre symbolique.    
     "Le Lion Vert" - Extrait du traité alchimique "Clavis Artis" 
    de Zarathoustra - XVII° siècle
    "Das dritte buch" c'est à dire "Le troisième livre"

    Voici maintenant un second extrait du traité "Philosophia reformata"édité en 1622 de Johann Daniel Mylius :"Le Lion vert".

    Le texte dit :
    "Qu'est-ce que ce lion constellé ?
    Et que veut dire cette image
    Du soleil qu'il tient ses griffes ?
    Dis-le nous, Muse bienveillante !
    C'est notre héros plein d'audace,
    Le lion vert. Au fond de son ventre
    Il cache, trésor sans égal,
    Les rubis de ces astres rouges.
    Et grâce à eux, sans se lasser,
    Il fait rayonner le soleil.
    Le reflet de cette splendeur
    Brille à la surface des eaux."
     "Le Lion vert" - Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons ici une représentation du Lion vert, c'est  à dire d'un dissolvant universel. Le Lion dévore le Soleil (le pôle conscient) et remarquez qu'unautre et nouvel astre solaire se reflète dans l'eau (pôle inconscient).
    C'est pourquoi Gerber écrit : "Nullum corpus immoundum (exepto uno) quod vulgariter a Philosophis vocatur Leo viridis, quod est medium conjungendi tincturas, inter Solem et Lunam cum perfectione, intrat magisterium nostrum."C'est à dire :"Il n'entre dans notre magistère, nul corps immonde, excepté un, que les Philosophes appellent en langage vulgaire leur Lion vert, lequel est le moyen de conjoindre les teintures avec perfection entre le Soleil et le Lune." (Le Theatrum Chimicum)
    Une dissolution alchimique est une opération qui consiste à séparer les substances épaisses des substances subtiles. Cette opération à une finalité spirituelle car elle doit permettre à la lumière divine de pénétrer la matière. Ainsi George Ripleyécrit : La dissolution d'une partie corporelle est cause de la congélation de l'autre partie, qui est spirituelle."("Les douze portes de l'alchimie" de George Ripley -page 55)
    Remarquez les sept étoiles le long du corps de l'animal qui représentent les sept opérations de dissolution ou temps de gestation nécessaires pour la réalisation de l’œuvre.

    Le Lion vert apparait de l'inconscient comme une compensation du conscient. Face à une attitude trop unilatérale, à des désirs frustrés qui peuvent être parfois masqués par de la dépression, la conscience est envahie par le "Lion vert". C'est pourquoi ce lion (force inconscience) dévore le soleil (conscient). 


     Le char du soleil - Fernando Gallego - Début XVI° siècle
    Bibliothèque de l'université de Salamanque - Espagne

    Observons l'image ci-dessus :
    Dans cette illustration les trois grâces peuvent très bien illustrer le pôle conscient que nous avons vu représenté par un Soleil dans les images précédentes.
    "Notre mercure est le Lion vert qui dévore le Soleil"écrit Arnaud de Villeneuve dans le Rosarium Philosophorum   
    "Le Lion Vert" - Rosarium philosophorum - XVI° siècle

    "Salle d'Apollon" - Palais de Pitti - XVII° siècle - Florence


    "Hélios sur son char" - Vers 430 avant J.-C - Britich Museum - Londres

    Observons l'image ci-dessus :
    Hélios, le dieu du Soleilconduit son char tiré par quatre chevaux ailés. Les garçons représentent les étoiles qui disparaissent dans l'eau. La scène donc se déroule à l'aube. Il s'agit du lever du Soleil sur la mer.

    "Soleil"- De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle


    Ci-dessous la seizième enluminure du traité :  
    "Le Régime de Vénus"   
     "Le Régime de Vénus" 
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle 

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons ici un Paon dans un matras autour duquel se forment des couples. Le matras ou vase alchimique symbolise une étape de purification par le Feu.
    A ce stade le Paon, selon Salomon Trismosin dévore le serpent, et, il acquière du venin une force nouvelle.
    Vénus trône au firmament sur son char tiré par Cupidon (Éros grecque) ce qui annonce les plaisirs des sens. Les signes du zodiaque du Taureau et de la Balance sont reconnaissables sur les roues du char.
    Certains couples sur l'illustration se livrent au plaisir de la musique, d'autres à la danse ou simplement au badinage.
    La queue du Paon illustre l'ensemble des couleurs de l'arc-en ciel présente dans la Materia Prima(Voir remarque ci-dessous à propos de la gamme chromatique d'Isaac Newton) Cette matière originaire doit être purifiée, blanchie et connaitre une transmutation au terme d'un long processus de distillation.
    La couleur blanche, qui nous l'avons vu contient toutes les couleurs, fait une fois de plus référence à la spiritualisation du corps.
    Le couleur pourpre sous le matra symbolise l'incorporation de l'Esprit (Transmutation de la materia prima et fixation du volatil par la distillation) 
    Remarquez que le Paon regarde le couple de musicien dont l'un joue de la guitare et l'autre de la viole.

    (Pour plus de détail sur le paon lire les articles : Le Paon& Iris et l'arc-en-ciel)
     "Vénus" - I ou II siècle après Jésus Christ - British Museum de Londres

    "Salle de Vénus" - Palais de Pitti - XVII° siècle - Florence

     Le char de Vénus - Virgil Solis - 1514 1562
    Musée de Louvre de Paris

     "Vénus"- De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle


    Ci-dessous la seizième enluminure du traité :  
    "Le Régime de Mercure"
    "Le Régime de Mercure"
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Tout en haut de l’enluminure le char de Mercure est tiré par deux coqs. Le coq est un des symboles du dieu Mercure (voir image ci-dessous) Mercure tint dans sa main son célèbre caducée aux doubles serpents.
    Remarquez sur les roues du char de Mercure les emblèmes zodiacaux de la Vierge et des Gémeaux. Les deux signes régis par la planète Mercure.
    Au centre, un mantra ou vase hermétique qui contient la Vierge Mercurielle enveloppée dans un arc–en-ciel à deux couleurs (jaune et bleu) Elle se tient debout sur un soleil pâle. Elle tient dans sa main gauche un spectre et dans sa main droite une sphère d’or.
    L’apparition de cette Vierge Mercurielle est le résultat de la transmutation de l’enluminure précédente. Le doux feu vénusien a obtenu sa distillation. C’est pourquoi Salomon Trismosin écrit : « Après avoir distillé sept fois, vous avez séparé l’humidité destructrice, mais tout s’accomplit dans la dernière distillation. »
    Remarquez que la Vierge mercurielle tient son ventre de la main droite. Le manuscrit de Nuremberg indique :"Filus natus ex me, major est me" c'est à dire "Le fils né de moi, est plus grand que moi."Nous pouvons supposer qu'elle va donner naissance à un enfant que nous allons retrouver dans l'enluminure suivante. 
    Tout autour et en bas du vase hermétique nous pouvons voir les l’influences de Mercure dans le monde. A gauche dans le fond une rue commerçante, puis, des tailleurs de pierre. En bas à gauche, un scribe, un astrologue, un géomètre. En bas à droite, un musicien organiste, deux chanteurs et un trompettiste. A droite dans le fond, des commerçants qui vendent leur produits aux passants.

    J'aimerais maintenant revenir sur un aspect du régime du Mercure : le symbole du Coq.
    En alchimie le coq avec son cri qui annonce le jour symbolise l'avênement du soleil et représente donc le "feu des Sages" et l'Or philosophique. Ce feu est aussi illustré par la crête rouge, le reflet des plumes et le courage de l'animal.   
     "Mercure et son coq avec Argus au sol couvert d'yeux"
    Enluminure de Robinet Testard - XV ° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons le dieu Mercure habillé, ce qui est amusant, à la mode de la fin de moyen-âge. Il tient dans sa main gauche son célèbre caducée et dans la main droiteune flûte de roseau.Aux pieds de Mercure nous voyons d'une part un homme recouvert d'yeux et d'autre part un coq qui chante victoire. L'homme n'est autre qu'Argus tué par Mercure à la demande de Zeus car il espionnait ce dernier pour le compte de la déesse Héra. Ce sont ces cents yeux dont Héra pour lui rendre hommage ornera la queue du paon.
    Pour plus de détail sur Héra et ce mythe lire l'article : Le Paon 

    "Conjonction" - Rosarium Philosophorum 

    Le texte dit: "O Lune, par mon étreinte et mon doux amour, tu deviendras forte et puissante comme moi. O soleil, tu es plus brillant que la plus brillante des lumières, et cependant tu as besoin de moi, comme le coq a besoin de la poule."

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons le couple royal en train de s'unir. Cette étape d'union mystique (unio mystica) est nommée "conjonction" par les alchimistes. Le Roi (soleil) et la Reine (lune) symbolisent en effet le soufre et le mercure, c'est à dire le principe actif et le principe passif. Remarquez que le couple est recouvert par la mer (l'état chaotique primordial ou Massa confusa) c'est à dire que cette union se déroule dans l'inconscient. De cette copulation est engendré le "fils des philosophe"c'est à dire la Pierre Philosophale qui sera représentée par le Rebis. Dans une étape suivante ce dernier devra pétrifier et mourir afin de libérer une part l'âme qui devra être réintégrée. 

    Nous avons donc ici une représentation de l'union symbolique des contraires (unio oppositorum) union au terme duquel un nouveau centre est redéfinit "le Soi".

    Voici maintenant une illustration extraites de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618). 
    La première est l'Emblème XXX : "Le soleil a besoin de la lune comme le coq de la poule."

    Michael Maïer écrit :
    "Soleil, tu ne fais rien si ma force ne t'aide,
    Comme le coq est impuissant loin de la poule.
    Et moi, lune, à grand cris j'invoque ton secours
    Comme on entend la poule réclamer le coq.
    Bien fou qui prétendrait affranchir de leurs liens
    Des êtres que Nature a commandé d'unir."


    "Atalante Fugitive" -La petite fugue qui accompagne l'Emblème XXX
    "Atalante Fugitive" de Michael Maïer (1618) - Emblème XXX :"Le soleil a besoin de la lune comme le coq de la poule."

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons le couplepersonnifié du Soleil et de la Lune.Ce n'est pas Apollon et Diane mais bel et bien un homme et une femme qui symbolise à la fois les pôles complémentaires que sont le masculin et le féminin mais aussi et surtout d'un point de vue alchimique le Soufre et le Mercure. Aux pieds de ce couple un coq et une poule qui doivent s'unir.
    Le Lune mercurielle est le "volatil" qui doit être exalté, c'est à dire devenir gazeux, jusqu'à pouvoir s'unir au Soleil de façon durable (la fixation du volatil). De la même façon le Soufre (Soleil) ou principe actif prend toute sa valeur  lorsqu'il devient allié et partenaire du Mercure (Lune, "principe passif" ou inconscient).
     
       Mercure sur son char tiré par deux coqs
    "Les enfants de Mercure" estampes de Martin van Heemskerk (1498-1574)
    Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale - Paris


     "Les enfants de Mercure" - Baccio Baldini - Florence - 1450
     Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale - Paris

    "Mercure"- De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle


    Ci-dessous la seizième enluminure du traité :  
    "Le Régime de La Lune"
     "Le Régime de La Lune"
    Extrait du traité "Splendor Solis" de Salomon Trismosin - XVI° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Tout en haut de l'enluminure sur son char tiré par deux femmes la Lune tient dans une main un croissant de lune. Sur la roue du char le signe du zodiaque de Cancer traditionnellement associé à cet astre. 

    Au centre, le mantra ou vase hermétique contient un roi qui se tient debout sur un croissant de lune inversé. Il porte une couronnede souverain et est enveloppé d'une aura d'or ou de feu. Ce roi tient dans sa main droite un spectre et dans sa main gauche une sphère. Il s'agit de la suite du régime de la Lune et nous pouvons supposer que le régime de Mercure présente le roi est la transmutation de la Vierge mercurielle, c'est à dire l'enfant devenu grand de la femme contenu dans le mantra précédent. Pour l'enluminure précédente le manuscrit de Nuremberg n'indique-t-il pas : "Filus natus ex me, major est me" ? C'est à dire "Le fils né de moi, est plus grand que moi."Ici, selon Jacques van Lennep l'indication du manuscrit indique "Jam mors consumata et filius noster regnat rubea(m)q(ue) toga(m) et chermes indutus est" c'est à dire "Déjà la mort est consommée et notre fils règne et il est revêtu de la toge rouge Kermès."Le kermès est utilisé pour sa couleur rouge, symbole de l'ultime phase de la Pierre Philosophale.
    Le roi vêtu de rouge représente donc le remède universel qui soigne les maladies. C'est un élixir de longue vie qui annihile et écarte l'influence des démons et autre archétypes néfastes. 

    Tout autour et en bas du vase hermétique nous pouvons voir les l’influences de La Lune dans le monde.
    "La Lune et ses enfants" - Hausbuch Wolfegg - 1480

    "Lune"- De Sphaera, manuscrit italien - XV° siècle


    Merci de votre lecture
    Bon Magistère ! 

    Quatre Fonctions

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je souhaite aborder aujourd’hui les quatre fonctions psychologiques de la psyché selon Carl Gustav Jung.
    Si le médecin suisse distingue deux types psychologiques : les extravertis et les introvertis (Voir l'article : Interieur / Extérieur)il précise, non sans sa remarquable intuition et avec ses nombreuses recherches, que quatre fonctions structurent notre  psyché :Le Sentiment, la Pensée, l'intuition et la Sensation.

    Les quatre fonctions psychologiques constituent d'une certaine manière une unitéà la façon des quatre roues d'une voiture ... Cette unité constituée, mais c'est un long cheminement, s'apparente à la notion de "Vie éternelle" qui est évoquée par le Christ dans le nouveau testament. Dans une certaine mesure la constitution de l'unité psychologique, c'est à dire de la libre circulation des énergies du développement de la personne, est déjà la constitution de la Pierre philosophale.    

    Mais cela mérite quelques explications ...


    Pour dire vite, les extravertis sont naturellement dynamisés par l'extérieur et à l'aise en société.  Les introvertis sont davantage tournés vers leur intériorité et se ressourcent dans la solitude. A ces deux natures, extravertie et introvertie correspondent deux types d'attitudes : 
    Chez l'extraverti, la libido, c'est à dire l'énergie de vie, se dirige habituellement vers l'objet, et son introversion inconsciente le ramène en secret vers le sujet.
    Pour l'introverti, c'est exactement le contraire, son énergie va naturellement le sujet car il se sent envahie par l'objet, et son extraversion inconscient le renvoie à l'objet.




    S'il existe donc deux natures psychologiques (extraverti & introverti) et quatre types psychologiques distinctes, il en résulte donc 8 types psychologiques. C'est ce que Jung nous apprends.

    Voici brièvement les caractéristiques de chacune des fonctions psychologiques :


    La Sensation :C’est la fonction qui nous renvoie à la réalité. Il fait chaud, il fait froid nous le percevons intérieurement par notre sensation.
    Le Sentiment : C’est la fonction d’évaluation par excellence. Je me sens bien ici dans ce lieu ou en compagnie de telle personne. Je le sens, le renifle si j'ose dire et l’évalue avec mon sentiment. 
    La Pensée : C’est la fonction qui permet d’analyser, de réfléchir. C’est le mode réflexif et sa capacité d’abstraction que nous utilisons par exemple lors de nos études.
    L'Intuition : C'est la fonction qui permet d'anticiper une situation. C'est la fonction par excellence qui nous permet par rapport à une situation d'avoir une perception globale.

    Pour être peut-être un peu plus claire, Jung écrit dans son autobiographie :
    "Pour nous orienter nous devons avoir une fonction qui constate que quelque chose est (sensation); une seconde fonction qui établit ce que c'est (pensée); une troisième fonction qui décide si cela nous convient ou non, si nous désirons ou non l'accepter (sentiment); et une quatrième fonction qui indique d'où cela vient et où cela va (intuition)..."


    Sigmund Freud et Carl Gustav Jungétaient tous deux de "type intuitif".  Freud était un extraverti et Jung était de type introverti. C'est la raison pour laquelle Freud s'intéresse avant tout à l'objet qu'est la psyché; Jung est nettement  orienté vers le sujet de la psyché c'est à dire vers l'homme. C'est probablement une des raisons qui explique que la psychanalyse n'a jamais guéri quelqu'un, et, par ailleurs que la psychologie des profondeurs reste inaccessible pour beaucoup de gens. 
     
                Carl Gustav Jung (1875-1961)                 

     Sigmund Freud (1856-1939)

    Il est possible de regrouper les quatre fonctions par paire :

    Les fonctions de "perception"(Sensation et Intuition) qui sont irrationnelles et les fonctions de "jugement"(Pensée et Sentiment)qui sont rationnelles.
    Nous pouvons également distinguer : Les fonctions majeures de  la sensation et de la pensée qui sont davantage représentées dans nos sociétés, et, les fonctions mineurs du sentiment et de l'intuition globalement moins représentées en occident.   



    Un quatuor à cordes est constitué de deux violons un alto et un violoncelle. Il est une très bonne métaphore de l'équilibre qui existe entre les quatre fonctions de la psyché.

    Voici dans le domaine de la peinture quatre personnalités représentatives des quatre fonctions psychologiques :

     Pablo Picasso (1881 - 1973) - Autoportrait - 1907
    Type psychologique "sensation"


    Vincent Van Gogh (1853 - 1890) - Autoportrait - 1889
    Type psychologique "sentiment" 

    Salvador Dali (1904 - 1989) - La métamorphose de Narcisse
    Type psychologique "pensée"

    William Blake (1757 - 1827) - Night startled by the lark - 1820
    Type psychologique "intuition"

    La fonction principale :
    Pour la plupart des humains l'une des fonctions psychologiques est prédominante, c'est à dire plus près du conscient. Elle est davantage chargée en énergie : C'est la fonction principale de l'individu et celle qui détermine son type psychologique.
    En fait, à la naissance et dans les premières années de notre vie, l’ambiance familiale dans laquelle nous évoluons charge souvent davantage une des fonctions et favorise un types psychologique.
    Ainsi s'il existe quatre fonctions psychologiques distinctes, nous pouvons distinguer quatre types psychologiques : Le type sentiment, le type pensée, le type intuition et le type sensation.



    La fonction inférieure :
    La fonction inférieure est une fonction plus inconsciente. Parce qu'elle est notre fonction la plus profonde en nous, c'est cette fonction qui nous relie à notre inconscient. C'est pourquoi la fonction inférieure évolue dans un monde symbolique. 
    Elle est particulièrement lente au contraire de la fonction supérieure et il lui faut beaucoup plus de temps ! La fonction psychologique inférieure est moins évoluée et peut sembler inadaptée. Elle peut être très susceptible ce qui explique bien des attitudes chez certaines personnes. Elle peut être parfois tyrannique. Une personne par exemple dont la fonction principale est le sentiment peut être très susceptible sur ses capacités intellectuelles.
    La fonction inférieure est bien représentée dans les contes où il y a quatre personnes. Je ne saurais que trop recommander de lire la remarquable série d'ouvrage de Marie-Louise Van Franz sur l'interprétation des contes de fées à ce propos. En effet, lorsque dans un conte la structure du récit est organisée autour d'un Roi qui a trois enfants : Le Roi peut représenter la fonction supérieure et le troisième enfant différent des autres représente bien souvent la fonction psychologique inférieure. Or, c'est cette fonction qui va débloquer la situation dans le récit du conte. 
     
    Les fonctions complémentaires : 
    Ce sont les deux autres fonctions soit de perception soit de jugement qui complètent les deux fonctions dites "principales" et "inférieures".
    Il y a toujours une opposition entre la fonction supérieure et la fonction inférieure. Mais il faut prendre garde et ne pas s'imaginer que c'est à notre fonction inférieur de se développer, de remontrer de l'inconscient ou de quelque chose comme cela. Ce serait une grossière erreur que d'imaginer cela !
    C'est par le processus tout à fait contraire qu'il faut procéder. C'est à dire que c'est en descendant vers notre inconscient. En fait, c'est bien souvent par nos fonctions complémentaires que nous pouvons accéder à notre fonction inférieure.

    Bien sûr, il existe des personnes dont le type psychologique, c'est à dire la fonction principale est plus délicate à déterminer. Ces personnes ont souvent deux fonctions assez bien développées et sont en général assez équilibré. Il m'est arrivé de remarquer des personnalités de type "Pensée / Intuitif" ou "Sentiment / Sensation" par exemple.

    L'équilibre entre les fonctions psychologiques :
    Il existe un équilibre tout à fait naturel entre les différents fonctions psychologiques. Par exemple les membre d'une même famille peuvent se reposer inconsciemment les uns sur les autres en fonction de leur type psychologique. Si l'une des personnes de la famille possède un type psychologique bien caractérisé, il est probable que les autres membres s'appuient inconsciemment sur cette fonction dominante sans chercher à développer cette propre fonction en eux-mêmes.

    Les quatre membres de Beatles sont une belle illustration de l'équilibre des fonctions psychologiques. Ils étaient bien évidemment tous les quatre de type extraverti : John Lennonétait de type sentiment, Paul Mc Cartney de type sensation, Georges Harrison de type intuitif et enfin Ringo Star est de type pensée.

    London

    Voici maintenant deux schémas de Carl Gustav Jung qui éclaire bien le fonctionnement de la psyché :
      




    Enfin voici dans le domaine de la musique des personnalités dont le type psychologique est caractérisé :

     Pierre Boulez (1925 - ...) - Type psychologique "pensée"


    Miles Davis (1926 - 1991) - Type psychologique "sensation"


    Maurice Ravel (1875 - 1937) - Type psychologique "sentiment"


    Jean Sébastien Bach (1685 - 1750) - Type psychologique "intuition"
    Ecoute:
    Joseph Haydn quatuor à cordes Opus 77 n°1 - Premier mouvement :
     

    Le Corbeau

    $
    0
    0
    Bonjour,

    J'aborde dans cet article l'étude de la suite des premiers médaillons hermétiques du portail central de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
    Pour le début de l'étude de la façade de cette cathédrale lire les articles : 
    Notre-Dame de Paris (1) 
    Notre-Dame de Paris (2)  
    Notre-Dame de Paris (3)  
    Notre-Dame de Paris (4)
    Notre-Dame de Paris (5)  

    Nous pouvons observer de part et d’autre du portail central de la cathédrale deux rangées de six médaillons alchimiques qui constituent un véritable Mutus Liber ou « livre muet » (Voir les photographies de l'article Notre Dame de Paris (4))

    Je suis la piste du mystérieux et non moins célèbre Fulcanelli. Celui-ci indique que ces médaillons doivent être lus dans l’ordre suivant : Le premier médaillon à l’extrême gauche puis celui à l’extrême droite, puis le médaillon suivant à l’extrême gauche et le suivant à droite, et ainsi de suite, de telle sorte que le lecteur se rapproche de l’entrée centrale de la cathédrale.

    Le premier médaillon à l'extrême gauche est le suivant :

    Médaillon hermétique "Le Corbeau" de la cathédrale Notre-Dame de Paris

    Nous sommes donc ici au début du processus de la création de la Pierre Philosophale. Le protagoniste a isolé l’œuvre au noir qui est représenté ici par un corbeau ("Caput Corvi") La femme qui le tient sur les genoux symbolise la putréfaction. Il s’agit de la première phase de l’Opus. C’est la phase de la putréfaction ou le protagoniste va devoir dissoudre ses fausses motivations afin de préparer le subtil (le désir essentiel) de l’épais (les désirs éphémères)

    "Lecteur, tu me vois étendu,
    La terre recouvre mon corps.
    Avec mon âme, mon esprit
    A gagné les hauteurs célestes.
    Mais ils ne se sont pas enfuis,
    Car le sépulcre est bien fermé.
    Ils sont donc contraints par l'artiste
    De venir rénover ma vie.
    Je suis semblable au noir corbeau.
    Quand vient le quatorzième jour
    Je reprends le sceptre en ma main
    Et fais que mon peuple prospère." 

     Jamsthaler - Viatorium spagyricum - 1623 - Nigredo

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un vieil homme allongé sur les mains duquel un corbeau se tient debout. Ce vieillard cadavérique représente le mercurius senex c'est à dire le vieux mercure. Le Corbeau représente la Nigredo ou première étape de la transformation de la Pierre philosophale.  Le vieil homme est allongé c'est à dire d'un point de vue symbolique extraverti; le corbeau est debout c'est à dire symboliquement introverti. Remarquez que l'ensemble se trouve dans une sphère bien délimitée.  
    Sous cette sphère de part et d'autre deux éléments communiquent : le Feu et le l'Air qui échangent un puissant courant énergétique ou souffle de vie (le Pneuma). 
    De la bouche du vieil homme sort le spiritus et l'anima, c'est à dire l'Esprit et l'Âme.
    En haut, nous voyons le Soleil à gauche et  la Lune à droite. Ces deux astres représentent, si j'ose dire, les archétypes les plus universels des principes contraires. Cinq étoiles ornent le firmament et contiennent les symboles de métaux. De gauche à droite : Vénus, Mars, Mercure (au centre) puis Jupiter. Enfin remarquez que la cinquième étoile à droite est de couleur noire et est marquée sur sceau de Saturne. 

    L'image ci-dessus illustre donc le mercurius senex ou vieux mercure qui est en puissance dans sa phase de transformation. En fait, le mercurius senex représente les fausses motivations, les fonctionnements obsolètes de l'individu, les archaïsmes qui doivent évoluer.
    C'est par une mort symbolique que les énergies peuvent se renouveler. Tel le Phénix qui renait de ses cendres, le vieil homme, une fois l'automne passé, voit sa vitalité se renouveler au printemps.

    Limojon de Saint-Didier écrit : "Vous ne devès pas ignorer que notre vieillard est notre mercure, que ce nom lui convient parce qu'il est la matière première de tous les métaux; le Cosmopolite dit qu'il est leur eau, à laquelle il donne le nom d'acier et d'aimant, et il adjoute, pour une plus grand confirmation de ce que je viens de vous découvrir : Si undecies coït aurum cum eo, emittit suum semen, et debilitatur fere ad mortem usque; concipit chalybs, et generat filium patre clariorem. (C'est à dire : Si l'or se joint onze fois avec elle (l'eau), il émet se semence et se trouve débilité jusqu'à la mort; alors l'acier conçoit et engendre un fils plus clair que son père.)"
    ("Lettre aux Vrays Disciples d'Hermès - le Triomphe Hermétique - page 143) 

    Carl Gustav Jungécrit : "Le corbeau (corvus) ou la tête de corbeau (caput corvi) est la désignation traditionnelle de la nigredo (nox, melancholia, etc.) c'est-à-dire de l'état de putréfactio, mortificatio, separatio,solutio, etc. Cette dénomination peut signifier la partie pour le tout ou encore la partie "capitale", le "principe", tout comme par exemple "caput mortuum" qui, à l'origine, se réfère à la tête "noire" d'Osiris et a désigné plus tard le "Mercure des Philosophes" par le passage à l'état incorruptible. C'est ainsi qu'il est invoqué par l'auteur anonyme du traité Novum Lumen Chemicum : "O coelum nostrum ! O aqua nostra et Mercurius noster ! ... O caput mortuum et foeces maris nostri ... Et haec sunt aviculae Hermetis alis volat." ("O notre ciel ! O notre eau et notre mercure ! ... O tête morte ou fèces de notre mer ! ... Et ce sont là les épithètes de l'oiselet d'Hermès qui ne se repose jamais.") Cet avis Hermetis est le corbeau dont il est dit : "Et scitote quod caput artis est corvus, qui in nigredine noctis et diei claritate sine alis volat." ("Et sachez que l'élément essentiel de l'art (caput artis) est le corbeau qui vole sans aile dans la noirceur de la nuit et dans la clarté du jour.") C'est un esprit jamais en repos, qui ne dort pas, la "pierre aérienne et volatile"(lapis aereus et volatilis), donc un être de nature contradictoire. Il est le "ciel" et en même temps "les fèces de la mer". Étant donné qu'il est en outre appelé "eau", on pense à l'eau de pluie qui vient de la mer et tombe du ciel. De fait, l'idée de nuages, de pluie, et de rosée revient assez souvent dans les textes, et cela depuis une haute antiquité."("Mysterium conjonctionis" Tome 2 - Paragraphe 384) 


    Basile Valentin dans son ouvrage de 1645 « Le dernier testament » indique : « Or, c’est une chose très probable et démontrable que Saturne est non seulement réputé par l’invention astronomique pour être le principal régent et gouverneur des cieux, mais aussi que la pierre qui est le baume de tous les nobles philosophes et de cette vallée de misères, comme aussi de cette vie caduque, tire et prend son principe et sa coagulation seulement dans la couleur noire de la planète Saturne. »
    Avant de poursuivre cette petite étude sur le Corbeau qui aborde la putréfaction en alchimie, je vous recommande de lire les articles Saturne, le mytheSaturne, le plomb

    Fulcanelli Julien Champagne
     Frontispice du Mystère des Cathédrales
    Julien Champagne / Fulcanelli - 1910

    Observons l'image l'image ci-dessus :
    Sous un ciel nocturne étoilé, au milieu d'un paysage désertique sont représentés les deux voix du Grand Œuvre avec leurs instruments et leurs matériaux.
    Nous remarquons un corbeau posé sur un crâne qui représente l’œuvre au noire ou Nigredo. Les alchimistes nomment le corbeau : "Phoebeius ales", c'est à dire le brillant oiseau ou l'oiseau d'Apollon, du Soleil (Voir la suite de l'article ci-dessous) Le crâne évoque clairement qu'il est question de mourir symbolique comme le vieil homme meurt pour renaître.
    Le Sphinx qui lui est dans la lumière représente la sagesse des anciens égyptiens. Remarquez qu'il tient dans sa main droite une statuette de Thot, le scribe des anciens Dieux. Plus tard les grecques associeront Thot à Hermès. Il deviendra avec les alchimistes Mercure.


    Le Corbeau a une mauvaise réputation à cause de son plumage noir et de son cri rauque. C'est un charognard et sa viande est peu comestible. Tout cela a fait de lui dans l’Europe médiévale chrétienne un animal de mauvais augure.
      
    Selon la mythologie grecque le corbeau aurait un plumage originellement blanc mais son plumage aurait été noircit par une malédiction du Dieu Apollon. Apollon était amoureux de la fille du Roi Phlégias, la princesse Coronis et il avait confié à un corbeau le soin de veillé sur elle. La princesse Coronis fût malgré tout séduite par le mortel Ischys et le Dieu pour le punir de sa négligence le revêtit de noir.
    Par ailleurs, la déesse Athéna qui avait choisi le corbeau comme animal messager le remplaça du fait de son trop grand bavardage par la chouette qui devin son emblème.

    "Apollon et le Corbeau" - Coupe céramique (475 avant J-C) - Musée de Delphes


     Athéna et Hermès

    Dans la Bible, après le déluge Noé envoie le Corbeau de l'arche découvrir un nouveau pays. "Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite à l'arche et il lâcha le corbeau, qui alla et vint en attendant que les eaux aient séchées sur la terre. Alors il lâcha d'auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminuées à la surface du sol." (Bible de Jérusalem - Genèse - VIII - La décrue 6, 7, 8)
    De la même façon qu'après le déluge les hommes et les femmes sont menacés d'extinction, pour les alchimistes c'est lorsque la matière est putréfiée que le corbeau a un rôle à jouer.

    C'est également un Corbeau qui apporte du pain au prophète Élie dans le désert.
    En effet la parole de Dieu fût adressé à Élie en ces termes : "Va t'en d'ici, dirige-toi vers l'orient et cache-toi au torrent de Kerit, qui est à l'Est du Jourdain. Tu boiras au torrent et j'ordonne aux corbeaux de te donner à manger là-bas."(Bible de Jérusalem-  Premier livre  des Rois - XVII - 3, 4)

    Au III° siècle un corbeau qui apporte aussi une double ration de pain aux ermites Antoine et Paul qui y reconnaissent une action de Dieu.

     Noé sur son arche avec la colombe et le corbeau
    Bible - Genèse - VIII - La décrue 6, 7, 8 :
    "Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite à l'arche et il lâcha le corbeau, qui alla et vint en attendant que les eaux aient séchées sur la terre. Alors il lâcha d'auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminuées à la surface du sol."


     Le prophète Élie dans le désert à qui le Corbeau apporte du pain
    Bible -  Premier livre  des Rois - XVII - 3, 4 :  
    "Va t'en d'ici, dirige-toi vers l'orient et cache-toi au torrent de Kerit, qui est à l'Est du Jourdain. Tu boiras au torrent et j'ordonne aux corbeaux de te donner à manger là-bas."


    "La rencontre entre Saint Antoine et Saint Paul ermite"
     Diego Velázquez -1633 - Musée du Prado Madrid


    Mais que signifie le symbole du Corbeau en alchimie ?

     Médaillon hermétique "Le Corbeau" de la cathédrale de Chartres.

    William Salmon, médecin et alchimiste anglais du XVII° siècle écrit : « Mon fils, ce qui naît du Corbeau est le commencement de cet art (…) Cela étant fait, votre Magistère vit dans la pourriture, les nuées noires qui étaient en lui avant qu’il mourût seront changées et converties en son corps. Or étant refait de la manière que je l’ai décrit, il meurt une seconde fois, et après il reçoit la vie, ainsi que je l’ai dit. »

    Selon Jospeh Pernety dans son dictionnaire le Corbeau : "En termes de sciences Hermétique, signifie la matière au noir dans le temps de la putréfaction. Alors ils l'appellent aussi la Tête du corbeau, qui est lépreuse, qu'il faut blanchir, en la lavant sept fois dans les eaux du Jourdain, comme Nahaman. Ce sont les imbibitions, sublimations, cohobations, etc. de la matière, qui se font d'elles-même dans le vase par le seul régime du feu."

    Arnaud de Villeneuveécrit : "Sachez que la tête de l'Art n'est autre que le corbeau qui vole sans aile dans la noirceur de la nuit et dans la clarté du jour". ("Rosarium philosophirum") 

    Voici maintenant un extrait de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer (1618) : Emblème XLII.
    « Audi loquacem vulturem, qui neutiquam te decepit » (« Écoute le vautour qui parle, il ne te trompe nullement »)

     La petite fugue qui accompagne l'emblème XLII

    "Occupant le sommet d'une montagne
    Un vautour crie sans cesse: On me dit noir et blanc;
    Je suis aussi encore jaune et rouge et ne mens pas.
    C'est aussi le corbeau qui sait voler sans ailes 
    Dans la nuit ténébreuse aussi bien qu'en plein jour.
    L'un et l'autre sera la tête de son œuvre."


    Observons l’illustration ci-dessus : 
    Le vautour symbolise le Mercure des philosophes : en partie fixe (C’est pourquoi il est représenté avec ses serres qui agrippent fermement la montagne) et en partie volatil (Les ailes de l’oiseau sont à moitié déployées).
    Né après la mort du premier Mercure (mercurius senex ou dissolvant, voir illustration en début d'article) il est tué par l’action fixative du Souffre issu de lui-même. Ce procédé antérieur est symbolisé par le corbeau sans ailes au premier plan qui illustre la noirceur ou Nigredo (premier stade ou nuit de l’œuvre). Le Souffre représente les pulsions irrationnelles en substance, ce que nous pourrions appeler le "corps affectif" c'est à dire l'anima et donc in fine l’Âme.
    Remarquez enfin sur l'illustration que le corbeau se déplace de gauche à droite, c'est à dire qu'il va de l'inconscience vers la conscience.

    Le vautour ou oiseau d’Hermès est au sommet du pic montagneux où se trouve la matière originel et il proclame « Je suis le noir du blanc, et le jaune du rouge ». Le noir, le blanc et le rouge sont les couleurs dominantes du Sujet évoluant vers la perfection de la pierre philosophale. Le haut du pic montagneux représente symboliquement le pôle introverti.
    Ne perdons pas de vu que le processus de la création de la Pierre Philosophale se déroule pleinement à l'intérieur de l'être. C'est au plus profond dans une collaboration entre l'inconscient et le conscient que l'alchimie opère.
    (Pour une étude plus approfondie sur le symbole de la montagne en alchimie, lire l'article : La montagne alchimique )

    Ici l'aigle ne les possède pas encore véritablement les trois dernières couleurs d'une façon actuelle mais les contient "en puissance".
    En effet, si Héraclite mentionne un processus en quatre étapes, une quadripartition de la philosophie, les alchimistes du XV° et XVI° ont ramenés le Grand Œuvre en trois principales phases (Noire, blanche et rouge / Nigredo, Albedo et Rubedo) Certains sages ont observés cinq étapes : Noire, verte, blanche, jaune et rouge (l'étape jaune, le Xanthosis ou citrinas disparût peu à peu et ne fût que rarement mentionné.
    Le Mercure philosophique est porté au degré final de la perfection petit à petit par la maturation de l’œuvre. 

       Michael Maier - Tripus aureus - 1618 - "L'Athanor"

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons dans la partie supérieure de l'illustration un athanor c'est à dire un fourneau alchimique. Nous pouvons remarquer un serpent à l'intérieur qui représente leMercure des Philosophes c'est à dire pour dire vite l'inconscient. L'athanor représente le for intérieur de l’adepte.
    (Pour une étude plus approfondie de l'Athanor, lire l'article : L'Athanor )
    En dessus trois niveaux où se distinguent plusieurs animaux. Tous font partie du bestiaire alchimique et décrivent les différentes éléments et étapes de l'Opus :
    Le Lion représente le Souffre Fixe
    L'Aigle symbolique le mercure (volatile et/ou dissolu)
    Le Serpent représente le dissolvant mercuriel.
    En dessus, le Dragon symbolise le sujet de l'Art.
    Le Corbeau représente la Nigredo (la noirceur ou putrefactio)
    Le Paon avec sa queue symbolise  la gamme des couleurs variées (omnes colores ou coda pavonis, la queue du paon)
    Le Cygne représente l'Albedo ou blanchiment de la Pierre (albutio, baptisma)
    Enfin, le Phénix symbolise le Rubedo ou rougeoiement de la Pierre (Multiplicatio ou multiplication).

    "Les anciens égyptiens avaient coutume de traiter des secrets alchimiques en les représentant très généralement sous forme animale: c'est ainsi que le lion rouge évoque le soleil, l'or; le crapaud et le corbeau, la putréfaction; la colombe, l'aigle, le serpent et le lion vert, la lune philosophique, "leur mercure" (des alchimistes); le loup représente l'antimoine; le dragon, le salpêtre; le serpent, l'arsenic et ainsi de suite. La juste interprétation de la signification des animaux exige qu'on prenne les caractéristiques spécifiques à chacun d'eux en considération. (...) Mais, comme la ruine de l'un amène la génération de l'autre, plusieurs choses naissent de ces charognes: tout d'abord en sort un corbeau, qui, putréfié à son tour, disparait, ce qui donne un paon (...) : lorsque celui-ci n'est plus, on a une colombe qui trouve un endroit sec, parce que le corbeau n'en a pas trouvé, mais c'en est un qui n'était pas là auparavant, parce qu'entre temps, les eaux du déluge ont souillé la terre d'avant et parce que la nouvelle terre est faite de la craie vierge des philosophes. Cette colombe, qui n'est pas encore tout à fait déliée de la putréfaction, se transforme petit à petit en un phénix que Vulcain brûle dans la prison même. Un fruit nouveau se dégage de la cendre, imputrescible et immortel, qui donne vie à toutes les choses sublunaires." ("Alchimie et mystique" - Alexander Roos - Page 288)

    Carl Gustav Jungécrit : "L'union de la conscience (Sol) avec sa contrepartie féminine (Luna), a d'abord un résultat indésirable : elle produit des animaux venimeux, comme le dragon, le serpent, le scorpion, le basilic, le crapaud (la salamandre en est une forme atténuée); viennent ensuite le lion, l'ours, le chien, et enfin l'aigle (Il est dit de l'aigle qu'il dévore ses ailes ou ses plumes : c'est donc une réédition de l'ouroboros) et le corbeau." ("Mysterium conjonctionis" Tome 1 - Paragraphe 167)

     Afin de mieux comprendre les propos de Carl Gustav Jung voici, ci-dessous, deux planches extraites du traité alchimique "Anatomia Auri" (ce qui signifie "L'anatonie de l'Or") de Johann Daniel Myliusédité en 1628. Elles illustrent remarquablement l’avènement de l'étape de la putréfaction et de l’œuvre au noire ou Nigredo représentée par le Corbeau : 

    Johann Daniel Mylius - Anatomia Auri - 1628 - (Planche 4)

    Observons l'illustration ci-dessus :
    Dans la première image en haut à gauche nous voyons l'union des principes opposés de laquelle nait l'Esprit ailé (seconde image) Il y a clairement une allusion à un étreinte sexuelle. C'est par la purification de ces principes que nait naturellement de leur union l'esprit ailé. Il s'agit de la première volatilisation du fixe. C'est la "conception".  
    Dans la seconde image en haut à droite, la femelle représente le Mercure qui absorbe le mâle. C'est la "praenatio" ce qui signifie "grossesse".  Remarquez les deux têtes d'hommes en bas du matras ou vase alchimique. Celle de gauche sombre et celle de droite plus claire. Elles représentent les imagos qui se distinguent lors de cette étape. L'esprit ailé sort alors de la matière (du fixe). Il ne faut jamais oublier que le Mercure peut dans le langage moderne d’apparenté à l'inconscient.
    Dans la troisième image en bas à gauche, apparait pour la première fois le Rebis, ou "androgyne des philosophes". Il s'agit d'un corps à deux têtes : femme et homme. Cette étape est importante du processus d'individuation. Remarquez que le Rebis n'a pas ici encore de bras, c'est à dire qu'il est encore "impuissant" et donc n'est pas encore réalisé. C'est l'étape de la "colore coelestinus" ou couleur céleste c'est à dire bleu nuit.
    Dans la dernière image, en bas à droite, après ce premier cycle de réalisation, la matière dans le matras est noire. Mais le protagoniste, s'il est un tant soit peu vigilent, a pris conscience du processus d'union, de distinction et d'intégration des principes opposés.
    A la couleur céleste est ici précisé "Cum tua terra nigra" ce qui signifie "Lorsquevotre terreest noire".
    La seconde étape peut advenir : 

    Johann Daniel Mylius - Anatomia Auri - 1628 - (Planche 5)

    Observons l'illustration ci-dessus :
    Il s'agit de l'étape de la purification de la matière qui est représenté ici par le Dragon, sujet du l'Art.
    Dans la première image en haut à gauche, nous voyons un liquide noir et puant dont les vapeurs épaisses et volatiles sont extrêmement toxiques (Putrefactio ou putréfaction) Remarquez les larves de serpent desquels naissent le Dragon des philosophes sous l'effet de la calcination, c'est à dire du Feu alchimique. Ses larves ou petits vers indiquent que la corruption contient en puissance la génération. En effet, cette "Eau" ou liquide nauséabond qui est symbolisé par le Corbeau ou "Caput Corvi" est dissoute et blanchie dans le Matras sous l'effet du Feu des philosophes. Il s'agit, selon les textes, de décapiter la tête du Corbeau !
    Dans l'image suivante, en haut à droite, "l'Eau" perd sa couleur noire par des ablutions ignées, c'est à dire produite au sein de l'Athanor. Elle devient peu à peu blanche et le Dragon apparait. C'est action doit se reproduire plusieurs fois afin de séparer les qualités spécifiques des qualités superflues. Il s'agit en fait de dissoudre ses fausses motivations afin de préparer le subtil (le désir essentiel) de l’épais (les désirs éphémères)
    Dans l'image en bas à gauche, nous voyons à nouveau ce dragon ailé. Il est blanc parce qu'il est nettoyé par le Feu et, ailé parce qu'il est volatil. Il représente le mercure des philosophes lavé de toute obscurité, puré de toutes immondices. Remarquez dans ce matras une nette séparation entre le liquide en haut noir et en bas blanc. Il s'agit de la séparation totale entre âme et corps, entre le ciel (les parties volatiles) et la terre (les parties fixes).

     "Trois enfants de la famille de Franchi"
     Anton Van Dyck - 1624 - Londres, National Gallery

     "Trois Corbeaux" - Lisbonne (Lire l'article Lièvre& Lapin )

    Le corbeau était l'un des emblèmes héraldiques de la maison de Franchi. Il figurait sur les armoiries de cette famille et est présent en bas à droite du tableau.

     Le corbeau envoyé par Noé depuis son arche.


     "Aurora Consurgens" ou "Le levé de l'aurore" 
    Traité alchimique attribué à Saint Thomas d'Aquin 

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons ici la représentation de l’œuvre alchimique. 
    A gauche, le protagoniste qui pétri la matière brute, ou Materia Prima dans un bassin comme une pâte à pain. A droite, un vaisseau hermétique dans lequel bouillit l’œuvre : un dragon qui se mord la queue. Cet animal qui s'apparente à l'ouroboros est à la fois une représentation du soi archaïque mais aussi un symbole des forces indomptées de la nature. En effet, comme nous l'avons déjà vu (cf article Lumen Naturae) l'artiste se doit d'accompagner et parachever ce que lui donne la nature.
    L'aigle représente l'"Esprit" en voie de libération. Remarquez le corbeau sur la tête de l'aigle qui symbolise la mortification, étape nécessaire pour la réalisation de l'opus. En effet, une fois libérée, la matière, c'est à dire le corps, est régénérée, et, l'esprit doit être fixé c'est à dire réintégré.


    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 :
    "La corruption plonge, implacable,
    Notre matière dans la mort,
    Mais l'Esprit retrouve par là
    Une vie nouvelle et joyeuse.
    Le globe noir en est l'image,
    Ainsi que le sombre corbeau,
    Le squelette humain qui se dresse
    Et l'Esprit volant dans le ciel.
    Si tu ne fais pourrir les germes
    Semés dans le sol convenable,
    Tes efforts demeureront vains
    Et ton champ restera stérile."
       Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La tête du Corbeau - La putréfaction"

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons un squelette sur la main duquel est posé un corbeau. C'est l'image de la mort qui est la clef de la putréfaction. Il s'agit de la première mais une des plus longues étapes de l'Opus : le Nigredo. Ce squelette est debout sur une sphère (rotundum) qui représente la matière première (prima materia). De part et d'autre deux anges assistent et aident à l’œuvre. Dans le ciel le Soleil et la Lune qui représente le principes des opposés (Conscient / Inconscient, Masculin / Féminin, Lumière / Matière, Logos / Éros,  Apollon / Diane, etc.).  
    Il s'agit donc de décapiter la tête du corbeau (Caput corvi) opération durant laquelle les Purs esprits sont séparés des scories. En d'autre terme, le soleil noir (sol niger) ou Prima Materia, ou encore "sombre feu tangible" sépare l'âme et l'esprit du corps en putréfaction. Ainsi l'opus perd sa noirceur et revêt petit à petit la couleur blanche.

    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 :   
    "Capture d'abord deux oiseaux,
    Mets-les dans deux vases de terre
    Et fais que les deux ouvertures
    Soient bien abouchées l'une à l'autre.
    L'un des volatiles s'enfuit,
    Mais l'autre retarde sa course
    Finalement aucun des deux
    Ne gagnera plus les hauteurs.
    Montre une grande patience
    Et tu ne seras pas déçu.
    A la fin les branches de l'arbre
    Porteront pour toi des fruits mûrs."
     Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La conjonction"

    Observons l'image ci-dessus:
    Nousvoyons un alchimiste accoudé sur une table qui a fait ce qu'il avait à faire et qui attend que l’œuvre se fasse. Nous remarquons deux oiseaux dont un corbeau dans les vases alchimiques. La table est une gros cube ce qui fait référence au carré et donc au chiffre quatre. 
    Quelque chose doit circuler entre les deux oiseaux ...
    Nous avons donc ici une représentation de la patience qui est nécessaire au philosophe.

    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 : 
    "Dans le lit d'amour Gabricus
    S'unit à Béia son épouse.
    Mais elle s'empare de lui
    Et l'emprisonne dans son ventre.
    Ils étaient deux, et maintenant
    Ils ne forment plus qu'un seul corps,
    Pour que de leur étreinte naissent
    De riches présents de mariage.
    La poule réclame le coq ;
    Cynthie a besoin de Phoebus
    Pour obtenir ce qu'elle souhaite :
    Une descendance nombreuse."
     Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La conjonction - Le lit d'amour"

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons la Reine et le Roi dans un lit d'amour. Ils ont été purifié par le feu et la dissolution de leur corps dans le bain mercuriel. Remarquez le voile qui délimite isole leur espace privé. (Pour plus d'information sur ce détail d'importance lire l'article : Isolement / Isolation)
    Ce couple parce qu'il est une représentation humaine symbolise le principe des opposés ou devrais-je dire de complémentarité arrivé à un niveau proche de la conscience. Remarquez sur la côté droit, dans une espace extérieur, deux corbeaux qui suivent chacun le Soleil ou la Lune (Principes des opposés)  Ils annoncent la phase de putréfaction qui suit une logique innée et universelle.
    Le Reine et le Roi se communiquent dans l'accouplement chacun leur propre nature. C'est à dire que la Reine convertie le Roi en sa nature volatile et le Roi de son côté transmet sa propriété de fixité à la Reine.
    L'espace de gauche avec le Reine et le Roi dans le lit d'amour est dans le pôle inconscient ou encore introverti. L'espace de droite avec les deux corbeaux qui suivent le Soleil et la Lune est dans le pôle de la conscience ou encore extraverti. Ces deux espaces évoluent en parallèle, l'un entrainant l'autre. C.G Jung nomme la communication entre inconscience et conscience la "fonction de transcendance".

    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 : 
    "Voici le corps portant deux têtes.
    Sous ses pieds, la lune croissante ;
    Dans sa main gauche, trois serpents ;
    Sur la droite un oiseau se pose.
    Auprès de lui se dresse un arbre
    Aux branches pleines de beaux fruits.
    Grâce à eux, tu peux obtenir
    Des trésors, des biens innombrables.
    Mais pour y parvenir tu dois
    Connaître d'abord sa racine.
    L'arbre alors croîtra sûrement
    Pour t'offrir ses fruits délicieux."  

    Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La germination - La perfection lunaire"

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons sur la gauche un Rebis, c'est à dire un androgyne, un être mi-femme mi-homme. Le côté masculin tient dans sa main un corbeau, celui féminin tient une coupe qui contient trois serpents.
    Sur la gauche un arbre avec six branches aux bouts de chacune desquelles est représenté une Lune à figure humaine. En haut de l'arbre un Soleil unique.
    Derrière : sur la gauche une montagne et à droite une étendue d'eau.
    Le Rebis représente l'union des contraires.  Remarquez qu'il se tient debout les pieds sur un croissant de lune ce qui indique une certaine maîtrise des forces chthoniennes.
    Le corbeau symbolise la Nigredo.
    Les trois têtes de serpents représentent le Sel, le Soufre, et le Mercure des sages ou vif-argent, c'est à dire le Corps, l'Âme et l'Esprit.
    L'arbre à deux fois six branches symbolise l'opus.
    Les six Lunes symbolisent les six métaux transformés au stade de l'argent (Métal de Diane) Le Soleil représente l'Or des philosophes. Les six lunes de chaque côté représentent également avec le soleil les sept opérations de l'Opus.
    Derrière la montagne à gauche symbole le pôle introverti et les profondeurs de l'inconscient. A droite la mer représente le pôle extraverti avec les dangers que cela peut représenter.

    Ainsi l'ensemble de cette illustration représente la Première Perfection Lunaire obtenue au terme de la Putréfaction.

    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 :
    "Un vieillard repose en silence.
    Près de lui se tient immobile
    Un corbeau noir, son compagnon.
    L'âme et l'esprit tout à la fois
    Abandonnent ses membres froids
    Pour qu'il soit ainsi délivré
    Du chatiment du mal en lui.
    Ayant ainsi quitté son corps,
    Ils y reviennent tout joyeux,
    Et notre Apollon prend naissance
    Du corps, de l'âme et de l'esprit."
     Mylius - Philosophia reformata - 1622 - La patience

    Observons l'image ci-dessus:
    Un philosophe ou alchimiste est assis et attend bras croisé que la lumière naturelle le guide (Lumen naturae) Remarquez qu'il est dans un espace protégé  comme une faille dans la roche.  C'est la patience, vertu au combien nécessaire pour notre Art.
    Dans le ciel les sept étoiles symbolisent les sept opérations que requiert le grand œuvre. La phase de dissolution dont le résultat est la noirceur est une des opérations qui nécessite le plus de patience.
    Un corbeau au premier semble communiquer à l’adepte.
    Deux anges assistent l'artiste qui nous regarde avec sagesse.
    En haut dans le ciel, souffle le vent à gauche et à droite le feu qui jaillit.


    (Pour une étude plus approfondie sur la nature, lire l'article : Lumen Naturae)

    Johann Daniel Mylius (1585/1628) écrit dans sa "Philosophia reformata" en 1622 :
    "L'ennemi féroce et le feu
    Ont ravagé toute la Ville.
    La foule rustique du peuple
    A succombé avec son roi.
    Les noirs corbeaux font leurs délices
    Des cadavres jonchant le sol.
    Pourtant une part animée
    Est soustraite à la corruption.
    Il n'est que de la réunir
    Au corps robuste de ton roi.
    Et tous alors pourront le voir
    Embrasser une vie nouvelle."
     Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La putréfaction - L'envol des esprits"

    Observons l'image ci-dessus:
    La dissolution s'est opérée, l’œuvre est en pleine putréfaction. Au premier plan des squelettes symbolisent la mort ou la dissolution de la matière. Quelques corbeau se tiennent sur les squelettes et représentent la phase de Nigredo. La putréfaction de la matière première (materia prima) permet l'envol des esprits. La matière libère une essence volatil qui est représentée ici par les oiseaux dans le ciel.
     Salomon Trismosin - "Splendor Solis" - illustration n°10

    "En son milieu a crû un grand arbre au tronc d'argent s'étendant sur tous les lieux du monde. Sur ses branches percent maints oiseaux qui se sont tous envolés à l'aurore et la tête du corbeau est devenue blanche. Cet arbre produit de nombreux fruits ..."

    Observons l'image ci-dessus:
    Nous voyons un adepte qui grimpe à une échelle sur un arbre et qui au lieu de cueillir des fruits, récupère une branche d'or qu'il tend à l'un des deux personnages en dessous.
    Ces trois personnages sont en fait parents. L'adepte en haut de l'échelle est Ascagne. Les deux hommes au pied de l'arbre sont Énée et son père Anchile. Enée est le fils d'Anchile et d'Aphrodite. Son nom signifie "cuivre" en latin (Aeneas) C'est un chef troyen. Il eut un fils Ascagne. 
    Remarquez que Ascagne sur l'échelle donne une branche d'or à Anchile (donc son grand-père) qui lui-même à fait parvenir à Enée une autre branche dorée.
    Cette transition de branche n'est autre que l'assurance d'une protection divine lors de l'étape de la putréfaction qui passe par le Feu purificateurs des Enfers.  
    Dans la mythologie grecque par exemple le chefs troyens Enée, après son épisode en Afrique du nord et la mort de Didon, est conduit par sibylle dans le royaume ombres où se se voit confirmer son destin de fonder une nouvelle patrie sur l'emplacement duquel se dressera plus tard la ville de Rome.
    Le Gui, ou "rameau d'or" assure selon la tradition de pouvoir d'aller et surtout de remonter des enfers. C'est pourquoi c'est la plante associée à Proserpine (Perséphone en grec) fille de Cérès(Déméter en grec) 

     
    Remarquez les couleurs des vêtements des différents personnages : la couleur noire du vêtement de l’adepte sur l'échelle fait allusion à la phase alchimique de la Nigredo (L’œuvre au noir); La couleur blanche du manteau d'Anchile renvoie à la phase alchimique de l'Albedo (L’œuvre au blanc) la couleur rouge du manteau d'Enée qui est richement vêtu renvoie à la phase alchimique de la Rubedo (L’œuvre au rouge).  
    L'échelle comporte sept barreaux qui correspondent aux sept étapes nécessaires pour la réalisation de l'Opus. Observez la couronne en or au pied de l'arbre, symbole de la puissance divine, qui indique sa souveraineté. Il y a une référence ici à l'un des dix Sephirot de l'arbre de Vie de la Kabbale.
    Dans les branches du végétal un oiseau noir à tête blanche picore les fruits de l'arbre. Ce sont des fruits en or et c'est le corbeau dont la tête a été blanchie par le grand Art d'Hermès. Remarquez que treize oiseaux viennent de s'envoler de l'arbre. Ils représentent la libération des esprits de la matière. 
    Salomon Trismosin nous indique et nous réconforte ainsi dans notre magistère.

    Parallèlement sur le devant de l'illustration quatre femmes se baignent dans un bassin alimenté depuis une fontaine d'or. Elles portent chacune des colliers de perles d'or. Ces quatre femmes représentent parfaitement, ne serait-ce que par leur nombre, le féminin (4 est symboliquement toujours féminin !) Deux autres femmes sur la droite apportent aux baigneuses des offrandes sur des coussins. 
    De part et d'autre de l'illustration tout en bas et derrière les colonnes deux hommes de chaque côté observent et sont témoins de la scène. A l'étage un homme seul vêtu de bleu à gauche (probablement l'adepte lui-même)et trois hommes dont un roi sont sur la droite.
    Il y a donc trois fois quatre personnages autour du tableau de l'arbre de Vie : Quatre baigneuses, deux fois deux hommes derrière les colonnes, et au première étage un homme et trois personnes dont un Roi. 
    Dans une certaine mesure ces quatre personnages peuvent représenter les quatre fonctions psychologiques.
    Pour une étude plus approfondie sur ces fonctions lire l'article : Quatre Fonctions 


    George Ripleyécrit : "Rends grâces à Dieu de ce que ton œuvre est commencée, car en cela tu auras le vray signe qui t'apparoist en la noirceau, qui est appelé la teste ou le bec du corbeau. D'autres la nomment cendre de l'arbre d'Hermès, et d'aucuns l'appellent crapaud qui se soule de la terre; par laquelle l'Esprit est emprisonné, mortifié et tout infect de venin."("Les douze Portes d'Alchimie" - De la calcination - Page 53) 

    Merci de votre lecture,
    Bon magistère!



    La Putréfaction

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je vais aborder dans  l'article qui suit la notion alchimique de putréfaction.
    Il peut être utile de lire au préalable les articles : Saturne, le plombet Le Corbeau


    Salomon Trismosin - Splendor Solis - 
    "Le Soleil noir" - Quatrième illustrations du traité

    Observons l’image ci-dessus :
    Dans un paysage triste et désolant avec ses arbres desséchés un soleil noir s’enfonce dans la terre. Ce Soleil qui est en partie visible et en partie couché a quelque chose de monstrueux. Nous pouvons deviner derrière ce Soleil noir la couleur or des rayons de lumière. Cette image représente la putréfaction.
    Le texte explique que « ce qui est premièrement requis en l’art d’alchimie, c’est la dissolution … et cette dissolution n’est autre qu’une disposition de l’humide avec le sec et c’est proprement la putréfaction et celle-ci rendra la matière noire. »

    Remarquez que cette illustration est extraite du magnifique traité « Splendor Solis » de Salomon Trismosin, que ce traité comporte 22 enluminures de ce type. Or, plusieurs éditions de ce manuscrit sont conservées, notamment à Berne, Paris, Londres, Berlin, Nuremberg. L’enluminure ci-dessus qui illustre la putréfaction, selon l’édition, ne figure pas au même emplacement. Dans certaine édition elle se situe au début, dans d’autre elle est relégué vers la fin du traité.
    Mais la place de cette illustration dans la chronologie des enluminures du traité n’a pas grande importance car nous ne savons pas très bien si ce Soleil noir se couche ou se lève parce que rien ne l’indique. Il peut évoquer quelque chose qui finit, qui doit mourir pour assurer une renaissance, ou, une noirceur qui apparait et auquel nous devons être confrontés.

    Carl Gustav Jungécrit : " ... Le soleil alchimique est beaucoup moins une substance définie quelconque qu'une "virtus", une puissance mystérieuse à laquelle est attribuée une action de génération et de transformation. De même que le soleil physique éclaire et réchauffe l'univers, il existe dans le corps humain une  arcane solaire d'où s'écroulent la chaleur de vie. "C'est à bon droit, écrit Dorn, qu'il est le premier après Dieu (prima post Deum) et qu'il est appelé le père et le protecteur de toute choses, puisqu'en lui sont cachées la vertu séminale et la puissance formatrice de tout ce qui existe" Cette puissance est désignée du nom de sulphur (soufre). C'est un génie vital doté de chaleur qui est en rapport étroit avec le soleil dans la terre, c'est à dire "le feu central" (ignis centralis) et "de géhenne" (gehannalis). Il existe donc également un sol niger, un soleil noir qui coïncide avec la "noirceur" (nigredo) et la "putréfaction" (putrefactio), avec l'état de mort. Tout comme le Mercure, le soleil alchimique est ambivalent." ("Mysterium conjonctionis" Tome I - Page 136)


    Artéphius, unalchimiste du XI° siècleécrit : "(...) C'est là la corruption du corps que les sages appellent Saturne, airain ou laiton, plomb des philosophes et poudre discontinuée ou sans nulle liaison. Et il y a trois signes qui paraissent  en cette putréfaction et résolution des corps. Le premier, c'est la couleur noire, le second est une discontinuité ou désunion des parties et le troisième, une mauvaise odeur, semblable à l'odeur qui sort des sépulcres quand on les ouvre. C'est donc là cette cendre de laquelle les philosophes ont dit tant de choses, laquelle est demeurée au fond du vaisseau et qu'ils disent que nous ne devons pas mépriser, parce qu'en cette cendre est le diadème du roi et l'argent vif noir et impur, à qui on doit ôter la noirceur, en le cuisant continuellement en notre eau, jusqu'à ce qu'il s'élève en haut en couleur blanche."("Le Livre d'Arthéphius" - Ancien philosophe qui traite de l'Art secret ou de la Pierre Philosophale - Bibliothèque des Philosophes Chimiques - Tome I - Page 375)

    Basile Valentin dans « les Douze Clefs de la Philosophie » écrit :
    "Il te faut livrer la semence
    A la terre : elle y pourrira.
    Au fond du tombeau les cadavres
    Sont enfouis avant de revivre.
    Tu trouveras tous les éléments
    Dès que tu tiens un seul d'entre eux,
    Si tu as appris dans cet art
    A extraire le Tout de l'Un.
    En cela réside notre œuvre :
    C'en est le dessein et le but.
    Si tu sais diriger ta flèche,
    Cette clé t'a ouvert la porte."
     Basile Valentinextrait du Traité « les Douze Clefs de la Philosophie » Page 169
    Clef VIII « La Putréfaction, Clef Majeure de la Résurrection et du Grand Œuvre »

    Observons l’image ci-dessus :
    A gauche, un alchimiste qui sous les traits d’un semeur répand le grain qui doit mourir en terre comme le rappelle le cadavre au centre entre les sillons. La matière vile doit se putréfier afin que se produise la résurrection de cette même matière. C’est pourquoi juste derrière le cadavre allongé se trouve un homme qui les mains en prière qui regarde le ciel. 
    Remarquez qu’une gerbe de blé coupé donc morte se trouve sous la tête du cadavre alors qu’une autre resplendissante sort du trou. Ce phénomène de mort et résurrection doit se produire plusieurs fois pour que du métal vulgaire naissent par étapes de l’or. C’est pourquoi dans le fond se trouve unecible et à gauche et à droite, deux tireurs. La présence de ces deux personnages indique la duplicité mais aussi la complicité du protagoniste. Il s’agit de bien viser le centre de cette cible sur lequel n’est représenté rien d’autre que le signe astrologique du Soleil ou de l’Or des Sages.

    Basile Valentin écrit : « Toute chair humaine ou animale ne peut produire nul accroissement ou propagation de son espèce, si ce n’est que ce soit d’abord par la putréfaction. La semence de la terre aussi et tout ce qui est soumis et approprié ne peut être accru, excepté par la putréfaction … Toute vie se dégage et naît de la putréfaction. »Ainsi il n’y a pas de phénomène de génération c'est-à-dire de reproduction sans corruption, dissolution et putréfaction. Celles-ci mènent à la mort nécessairepour une renaissance glorieuse.

    Cette composition illustre, de façon ésotérique, la parabole du Christ, rapporté par Saint Jean : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment tombant en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit" (Évangile selon Saint Jean Chapitre VIII)
    Cette clef fait aussi référence à la première lettre de Saint Paul aux Corinthiens "Sot ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s’il ne meurt. En ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un simple grain, par exemple de blé ou de quelconque autre plante ; et Dieu lui donne le corps qu’il a voulu, à chaque semence un corps particulier" (I - Corinthiens 15.36-38)

    Un champs de blé

    Un tas de fumier

    De nombreux alchimistes expliquent que la Pierre se trouve dans le fumier ("In stercore invenitur" c'est à dire "on la trouve dans le fumier") "Les hommes et les enfants passent à côté d'elle dans la rue et sur les places et tous les jours elle est foulée aux pieds dans le fumier par les bêtes et les troupeaux ..."
    Nicolas Flamel écrit :" Il y a une pierre occulte, cachée et ensevelie au plus profond d'une fontaine, laquelle est vile, abjecte et nullement prisée; et si est couverte de fientes et excréments."
    "Notre précieuse pierre, qui fût jetée sur le fumier, est devenue entièrement vile ... Mais si nous marions le roi couronné à la fille rouge, elle concevra un fils dans le feu doux, et elle le nourrira par notre feu ... Puis il se transformera et sa teinture reste rouge comme chair ..." ("Tractatus aureus" attribué à Hermès)

    "La putréfaction, c'est briser ce qui est pourri. Par la putréfaction, en effet, toute chose est digérée, et il s'opère une scission dans ce qui est pourri: le fétide et le pur" ("Le Rosaire des philosophes" de Arnaud de Villeneuve)  

    La putréfaction à ce propos n'est pas sans rapport avec ce que la psychanalyse nomme le stade anal. Il s'agit selon Sigmund Freud de l'époque de l'existence qui par définitionrenvoie à la mère. Le stade anal est simplement la période durant lequel l'enfant a besoin de sa mère afin être propre. Or, trouver ou retrouver sa mère intérieure, c'est à dire dépasser le stade anal, permet d'accéder à un gain d'âme. En effet, lorsque le protagoniste sort du stade anal, il s'opère une distinction entre le "mauvais maternel"et le "féminin régénérateur". Ou dit autrement entre le "féminin dénaturé" ou encore "l'impur" et le "féminin salvateur" ou encore "le pur". Ce processus mène à que ce que les alchimistes nomment "Intégration de l'âme", c'est à dire de la partie complémentaire ou inconsciente de son être, ce que nous nommons familièrement "l'âme sœur". Rappelons que l'alchimie n'est d'une certaine façon que la parfaite et pérenne conciliation entre l'inconscient et le conscient. L'aboutissement de cette conciliation n'est autre que la réalisation de la Pierre Philosophale.    


    Voici un extrait du traité alchimique de Michael Maïer"Symbola aurae mensae"édité en 1617 où il est question de Morienus le Romain :

    "Morien le sage avait quitté
    Le monde impur, ses vaines joies
    Pour embrasser dans le désert
    Tout le poids de la solitude.
    Au roi Calid, qui l'appelait,
    Il sut montrer l'art intégral,
    Tout en protégeant sa lumière
    D'un voile aux yeux des ignorants.
    Prends cette chose méprisée
    Que tu foules aux pieds sans le voir,
    Sinon tu montes sans échelle,
    Sûr de tomber à la renverse."
     
     Michael Maïer - "Symbola aureae mensae" - Morien - 1617

    Observons l'image ci-dessus : 
    Nous voyons sur la droite de l'illustration Morienus le Romain, un ermite chrétien du VII° siècle et célèbre alchimiste. 
    Morienus compare les difficultés du chercheur inexpérimenté à un homme embourbé dans son propre fumier ou encore à un homme tentant d'escalader une tour sans échelle, et tombant inévitablement sur la tête. Morienus désigne du doigt le sol afin de nous expliquer qu'il faut utiliser ce qui est foulé aux pieds dans le fumier, sous peine d'être comme celui qui tombe sur la tête parce qu'il essaie de gravir une montée sans échelle.
    Ce qui signifie que la matière de la pierre philosophale peut se trouver partout et celui qui ignore cela ne peut la trouver. L'alchimiste doit opérer lors du début de son œuvre au travers d'une matière vile. Il s'agit de la partie l'ombre de notre être qui au début du processus en inconsciente.
    Il faut par ailleurs unir les quatre éléments qui ne sont pas sans rapport avec les quatre fonctions psychologiques (voir article Quatre Fonctions )

    La couleur noire qui résulte de la putréfaction renvoie aux ténèbres et pour de nombreux alchimistes à l'Enfer, au Tartare ou à la prison de Titans de la Grèce antique. Les nombreux sages désignent souvent par ces termes le travail inutile des faux philosophes, c'est à dire de ce que nous pourrions appeler la philosophie vulgaire ou simple spéculation et abstraction de la pensée.


    Bernard le Trévisanécrit : « Observez donc que quand notre compost commence à être abreuvé de notre Eau permanente, alors il est entièrement tourné en manière de Poix fondue, et devenu noir comme du charbon (…) Quand cette masse est ainsi noircie, elle est dite morte et privée de sa forme ; le corps est aussi dit mort et éloigné de son attrampement, son âme étant séparée de lui. Alors l’humidité se manifeste en couleur d’argent-vif, noir et puant, lequel auparavant était sec, blanc, bien odorante, ardent, dépuré de soufre par la première opération, et il faut recommencer à le dépurer par cette seconde opération. » (« La Parole Délaissée » Bibliothèque  des Philosophes Chimiques - Tome II – Page 426-428)

    "Donum Dei" - La Putréfaction - XVII° siècle

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons un couple allongé dans un humus noir et putride au fond d'un vase alchimique. L'accouplement de ces deux personnes forme l'Eau Mercurielle, c'est à dire le second mercure. Cette Eau Mercurielle annonce le début de la blancheur et de l'apparition des couleurs multiples. (Lire à ce sujet l'article : Le Paon)

    Les amants vivent alors la putréfaction des philosophes, ce qui correspond à la tête du Corbeau. (Voir article : Le Corbeau ) Il s'agit de l'étape de la noirceur.
    C'est par l'union, la mort et la régénérescence de l'être que le processus de putréfaction se poursuit et finit.
    Il s'agit d'une union avec son double. Nous évoquerons plus tard l'axiome mariale des gnostiques qui traduit l'évolution de la conscience des hommes au travers de plusieurs figures féminine illustres (Ève, Aphrodite, Isis, Athéna, Marie, Sofia) Ces figures incarnent symboliquement différents aspects de la psyché tels : La féminin, la virilité, la Grande-Mère, la sagesse, etc.)    

    Georges Ripley, chanoine et alchimiste du XV° siècle écrit: « La putréfaction est l'effet de la chaleur des corps entretenue continuellement, et non d'une chaleur appliquée manuellement. Il faut donc se donner garde de pousser la chaleur excitante et extérieure au-delà d'un degré tempéré : la matière se réduirait en cendre sèche et rouge, au lieu du noir, et tout périrait. »
    « La putréfaction est tant efficace qu'elle détruit la nature ancienne et la forme du corps putréfié; elle le transmue dans une nouvelle manière d'être, pour lui faire produire un fruit tout nouveau. Tout ce qui a vie y meurt; tout ce qui est mort s'y putréfie, et y trouve une nouvelle vie. La putréfactionôte toute âcreté des esprits corrosifs du sel, et les rend doux; elle change les couleurs; elle élevé le pur au-dessus et précipite l'impur, en les séparant l'un de l'autre …"

    Voici ci-dessous un extrait de l’ « Atalanta Fugiens » ("Atalante Fugitive") de Michael Maïer  (1618) : "Le Roi se baigne, assis dans le bain laconien; Il est délivré de sa bile par Pharut."

    Emblème XXVIII,

    Michael Maïer écrit : 
    "Le Roi Duenech (qui du lion vert porte les armes)
    Sévère dans les moeurs était gonflé de bile.
    Il mande alors vers lui Pharut, grand médecin
    Qui lui promet la guérison et d'une source
    Prescrit l'onde aérienne; on voit alors le Roi
    Sa laver longuement sous la voûte de verre
    Et la rosée emporte enfin sa bile."
    Michael Maïer - Atalanta Fugiens - Fugue - Emblème XXVIII

    Le terme "bain laconien" fait référence à des ablutions et purges qui se pratiquaient dans la Grèce antique en Laconie, c'est à dire dans le sud du Péloponnèse.
    Le Roi Duenech souffrait d'un caractère mélancolie (lié à Saturne) et de la colère (lié à Mars) 

    "Le Roi se baigne, assis dans le bain laconien; 
    Il est délivré de sa bile par Pharut."
     Michael Maïer - Atalanta Fugiens - Emblème XXVIII

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons ici un Roi avec sa couronne allongé nu dans un four. Remarquez une lampe à huile qui éclaire l'intérieur du four.
    Pour la réalisation de l'opus, selon Michael Maïer, trois cuissons sont nécessaires. Elles agissent successivement dans le ventre, le foie puis le système veineux. Elles ont pour but de nettoyer l'organisme de ces excrétions, de sa mauvaise bile et des autres impuretés.
    Remarquez sous le Roi les vapeurs de chaleur qui remontent. 

    Il s'agit d'une étape de purification par le feu. La lampe symbolise le feu, la lumière mais aussi l'âme du Roi.

    Comme nous l'avons vu à l'occasion de la première illustration de cet article : Le Soleil noir, la putréfaction est souvent assimilée à la dissolution ou à la solution. Celle-ci consiste à dissoudre, à liquéfier la matière par l'effet de sa chaleur propre, d'une chaleur tempérée ou d'un dissolvant. Détruire la forme de la matière, elle est assimilée à la corruption par la mort.

     Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622 - "La purification par le feu"

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons sur la droite un couple constitué d'un Roi et d'une Reine. Sur la gauche un alchimiste auprès d'un feu. Dans le fond remarquez le village en perceptive.  Le couple arrive au stade de la purification par le feu. Il s'agit d'enlever toutes les saletés et impuretés.
    Le couple représente le protagoniste et son "âme sœur", c'est à dire sa part féminine que nous nommons Anima.

    Johann Daniel Mylius - "Philosophia reformata" - 1622 - "Le cercueil de cristal"

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyonsau centreun cercueil de cristal qui contient le couple le Roi et La Reine. Ce cercueil représente le vaisseau de l'Art, c'est à dire le vase, l'athanor, le matras, ou le for intérieur de l'alchimiste. 
    Sur la gauche, Vulcain (Héphaïstos dans la Grèce antique) se tient debout.
    Sur la droite, un squelette qui tient un faux et qui représente symboliquement la mort.
    Remarquez que Vulcain, dieu du Feu et dieu alchimique par excellencequi désigne du doigt le cercueil de cristal est unijambiste. Ce détail signifie que lors de cette étape son seul feu ne suffit pas à la réalisation de l'opus. 
    La mort est nécessaire et doit être accompagnée en toute conscience. Il s'agit bien sûr d'une mort symbolique.
    Nous avons donc ici une représentation du règne de la mort c'est à dire de la mortificatio, ou de la nigredo, de la putrefactio ou intervient le feu de Vulcain.
    Le Roi et la reine ou dit autrement le Soleil (Sol) et la Lune (Luna) sont terrassés par la mort après la conjonction. Il faut comprendre sur cette représentation que des archétypes puissants sont renouvelés et réinvestis dans la psyché.

    La putréfaction transforme le Plomb en Mercure, c'est à dire que l'ombre arrive à la conscience. Pernety précise à ce sujet que "les philosophes ont souvent employé les tombeaux pour former des allégories sur la putréfaction de la matière de l’œuvre. Ils ont dit en conséquence ... qu'il faut mettre le Roi au tombeau, pour le réduire en cendres, le faire ressusciter ..." 

    Carl Gustav Jungécrit : "Nous avons déjà vu que à propos du soleil qu'il a une ombre, ou qu'il existe un sol niger (soleil noir). L'étude de la nouvelle lune nous a montré le rapport de cette idée avec luna. Dans l'Epistola Solis ad Lunam crescentem le soleil dit prudemment  : "(si) non intuleris mihi nocumentum, o luna" (si tu ne m'infliges pas de dommage, ô lune) Le soleil pense au rôle dangereux de la lune : "Nemo me enecat nisi soror mea" (Nul ne me tue si ce n'est ma sœur) ("Exercit in Turbam" Art Zurif, I p.173) La lune lui a promis une dissolution complète tandis qu'elle "se coagule", c'est à dire devient ferme et se revêt de la noirceur du soleil (induta fuero nigredine, c'est à dire "je me suis habilléen noir") Elle accepte en toute amitié de tenir de lui sa noirceur. le colloque nuptial a donc commencé : "... La lune est l'ombre du soleil, elle est consumée avec les corps corruptibles , et le lion est éclipsé par sa corruption." 
    D'après la conception antique la lune se tient à la frontière des choses éternelles, éthérées, et des phénomènes éphémères du domaine terrestre, c'est à dire sublunaire ("Et sicut aetheris et aëris : ita divinorum et caducorum luna confinium est." De même qu'elle est la frontière de l'éther et de l'air, la lune est celle des choses divines et des choses périssables.) Macrobe dit : "A luna deorsum natura incipit caducorum, ad hac animae sub numerum dierum cadere et sub tempus incipiunt ... Nec dubium est, quin ipsa sit mortalium corporum et autor et conditrix." (A partir de la lune en descendant commence la nature des choses caduques, à partir d'elle les âmes commencent à être assujetties au nombre des jours et au temps. Et il n'y a pas de doute qu'elle ne soit elle-même l'auteur et la créatrice des choses.) En raison toutefois de son humidité, la lune est la cause de la putréfaction (La chaleur et la rosée lunaire "putréfient la chair" (putrefacit carmen) Macrobe, Saturnale, VII, Chap XV) L'éclat charmant, tant vanté, de la pleine lune voile pour les poètes et les Pères de l'église une face obscure qui, pourtant, n'échappe pas à l’œil que l'empirique tient braqué sur les faits. La lune, en tant qu'astre le plus proche de la terre, participe de cette dernière et de ses souffrances, et son analogie avec l'église et avec marie médiatrice a la même signification. Non seulement elle partage les souffrances de la terre mais elle est l'obscurité démoniaque de cette dernière." 
     
    Aurora Consurgens - XVI° siècle

    Observez les deux images ci-dessus et ci-dessous :
    Nous pouvons voir d’une part à droite un guerrier de la bouche duquel s’échappe un petit être, et d’autre part une second guerrier à gauche qui essaie de faire avaler un autre petit être à un cadavre dressé dans son cercueil. Ces deux petits êtres représentent une même entité : l’âme. Les deux guerriers symbolisent le métal. L'âme est extraite par la putréfaction. Une fois que l’âme ou anima est apparue, il s’agit de l’investir dans le cadavre car, souffle de vie, elle est la garante de la renaissance. En effet l’âme est une substance aussi précieuse que volatile.
    Remarquez dans l'image ci-dessous, une illustration plus récente de l'Aurora Consurgens, la présence au pied du cercueil de dragons. Ces curieux animaux représentent les forces archaïques de la psyché qui se dévorent, c'est à dire se rejoignent pour se dépasser elle-mêmes.

    Aurora Consurgens - Le travail des métaux - XVI° siècle

    Artéphius écrit : "Remarquez donc bien que cette séparation, division et sublimation est indubitablement la clef de toute l’œuvre. Après donc que la putréfaction et la dissolution de ce corps est faite, nos corps s'élèvent en couleur blanche au-dessus de l'eau dissolvante. Et cette blancheur est la vie. Car l'âme antimoniale et mercurielle est infusée en cette blancheur avec les esprits du soleil et de la lune, par la volonté et l'ordre de la nature, qui sépare le subtil de l'épais et le pur de l'impur, en élevant peu à peu la partie subtile du corps de dessus ses fèces, jusqu'à ce que tout ce qu'il y a de pur soit séparé et élevé. Et c'est en cela que s'accomplit notre sublimation philosophique naturelle." (...)
    "C'est donc une chose constante en cet art que cette âme, qui est tirée des corps, ne peut être élevée qu'en mettant avec elle quelque chose de volatil et qui soit de même genre qu'elle, par le moyen de quoi les corps sont rendus volatils et spirituels, en s'élevant, se subtilisant et se sublimant contre leur propre nature, qui est corporelle, massive et pesante. Et de cette nature, ces corps deviennent incorporels et une quintessence d'une nature spirituelle, laquelle est appelé l'oiseau d'Hermès et le mercure tiré du serviteur rouge. (...)"("Le Livre d'Arthéphius" - Ancien philosophe qui traite de l'Art secret ou de la Pierre Philosophale - Bibliothèque des Philosophes Chimiques - Tome I - Page 358 / 359)

    La putréfaction alchimique est en rapport avec la première étape ou Nigredo de la réalisation de la Pierre des philosophes. C'est par le pourrissement que s’opère la distinction entre le pur et l'impur, entre l'utile et le futile. Nous apprenons à distinguer nos désirs réels et les fonctionnement enregistrés dans notre inconscient par notre corps pour assouvir ce que nous croyons être nos besoins. De ce point de vue, la putréfaction est en rapport avec ce que la psychologie nomme l’intégration de l'ombre, c'est à dire la part sombre et peu estimable parfois de de notre être.  


    Pour finir je dirais que la putréfaction est une étape qui peut être longue et qui s’opère peu à peu. Il peut être précieux de retenir l’adage alchimique qui dit : « Omnis praecipitatio a diabolo » ce qui signifie « Toute précipitation vient du diable »

    Merci de votre lecture.
    Bon magistère ! 

    La Cohobation (1)

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je poursuis l'étude des médaillons hermétiques de la cathédrale Notre-Dame de Paris et aborde dans l'article ci-dessous la signification du médaillon de la "cohobation".

    La cohobation selon Jospeh Pernety désigne la « digestion et circulation de la matière dans le vase, pendant lesquelles la partie volatile monte au haut du vase, et en retombant elle se mêlé, pénètre et se cohobe d'elle-même avec la partie fixe qui se trouve au fond … »

    Médaillon hermétique "La Cohobation" de la cathédrale Notre-Dame de Paris

    Observons la photographie ci-dessus :
    Ce médaillon représente un cheval furieux qui désarçonne son cavalier. Il s’agit d’une représentation de ce qui est sous-jacent au début du processus appelé « Le Corbeau » C’est l’œuvre au noir et précisément ce que les philosophes nomment la phase de putréfaction.
    Pour plus détail sur le début du processus lire les articles : Le Corbeau et La Putréfaction
    Le cheval représente d’une manière générale nos pulsions et notre part d'animalité. C'est le premier Soufre des philosophes, ou les premières manifestation d'âme du protagoniste. 
    L'adepte va devoir dissoudre ses fausses motivations et séparer le subtil (Le désir essentiel) de l’épais (Les désirs multiples et épars qui dissolvent la personnalité au profit de chimère ou d’ambitions prédatrices)
    Il s'agit de se maintenir en quelque sorte sur sa monture, de rester à cheval. (Tels sont les premiers impacts du Soufre des philosophes dont les premiers effets perturbent inévitablement). 
    Pour se faire, le protagoniste se doit de descendre dans ses propres enfers, de dialoguer avec son inconscient. Ainsi il repère dans un premier temps ce qui le fait souffrir et petit à petit répare ou restaure les déformations psychiques à l’origine de ses fausses motivations.
    Savoir entendre nos pulsions, sans pour autant y succomber, apprivoiser notre animalité afin d'être plus fort, telle est la phase de la cohobation des philosophes.
    Cette étape qui fait partie du processus naturel d'individuation peut-être plus ou moins ingrate et longue.

    Pour la comprendre revenons au médaillon :
    Le cheval avec son coursier n’est pas sans rapport avec le Pégase ailé qui jette ces cavaliers à terre qu’ils s’appellent Persée ou Bellérophon.

    Rappelons le mythe de Persée :

    Persée est le fils de Jupiter et de Danaé, et le petit-fils d'Acrisios, roi d'Argos. Un oracle prédit que ce dernier mourrait de la main de son propre petit fils. Le roi d'Argos enferma donc sa fille Danaé dans une salle souterraine mais Jupiter, à qui Danaé plaisait, parvint à s'y introduire sous la forme d'une pluie d'or. Persée naquit de l'union de cette pluie d'or à de Danaé. Mais lorsque le roi d'Argos s'aperçut de ce qu'il s'était passé, il ordonna que l'on jette sa fille et l'enfant à la mer dans une caisse.
    La caisse arriva sur les rives de Séfiros. Danaé et Persée furent alors recueillit par un pécheur : Dictys qui éleva l'enfant. Son frère, Plydectès roi de ces lieux, tomba amoureux de Danée. Plydectès voulut épouser Danaé mais celle-ci s'opposa à ce mariage et fut soutenu par son fils Persé.
    Pour se débarrasser de Persée et afin d'épouser Danaé, le roi Plydectès lui ordonna de lui apporter la tête de Méduse, la redoutable Gorgone. En effet, Méduse avait le pouvoir de pétrifier quiconque posait son regard sur elle. 
    Mais Persée fut aidé par Hermès et Athéna (Mercure et Minerve des romains) Il reçut de d'Athéna un miroir magique, et d'Hermès une épée à la lame extrêmement tranchante. Ces divinités lui conseillèrent également aller voir les Grées, trois vieilles fées qui vient à la limite de l'occident. Persée obtenu de ces fées le casque d'Hadès qui rend invincible, une besace magique ainsi qu'une paire de sandale ailés.
    Persée se rendit alors chez les Gorgones, trois sœurs monstrueuses nommées Méduse, Euryale et Sthéno. Les Gorgones sont les filles de Phorcys et Céto (Monstre marin) et petites filles de Pontos (Les flots) et Gaïa (La terre). 
    Persée à l'aide du miroir d'Athéna s'approcha de Méduse en marchant à reculons pour ne pas être pétrifié par le regard du monstre. Il trancha la tête de Méduse qu'il plaça dans sa besace magique et put échapper à la vengeance des deux sœurs et s’enfuir grâce au casque qui rend invincible.
    Lorsque Persée trancha la tête du monstre du sang qui jaillit du counaquit Pégase : un cheval ailé. Persée recueillit le sang de Méduse car il avait des pouvoirs magiques.  Le sang qui avait coulé dans sa vaine gauche était un poison mortel, celui qui avait coulé dans sa veine droite avait le pouvoir de ressusciter les morts. Athéna qui était présente fit don plus tard du sang de Méduse à Esculape.
     "Danaé et Jupiter" - Barent Coenders Van Helpen - Escalier des Sages - 1689

    Observons l'image ci-dessus :
    Le sous-titre indique "Aurifica Ego Regina" ce qui signifie "Moi Reine d'or".
    Nous voyons Danaé la fille du roi d'Argos dans sa tour. Jupiter sous la forme d'une pluie d'or féconde la jeune fille.
    D'une point de vue alchimique cette légende de la procréation de Persée met en évidence un beau phénomène d'attraction. En effet, la matière des philosophes (ici représentée par Danae) est enfermée dans l'Athanor (ici représenté par la tour) ce qui crée une phénomène d'attraction qui les parties volatiles (ici la pluie d'or)chargées d'influx céleste (le divin).

    Nous avons donc ici une représentation de l'élément air (Aer).
    Le Soufre (principe actif et ici Jupiter sous la forme d'une pluie d'or) s'unit au Mercure(principe passif ici sous la forme de Danaé étendue et lascive).  

    Persée - Naissance de Pégase - Filippo Falciatore - 1736

    "Tête de Méduse" - le Caravage - 1596 - Florence

    Mais que représente Méduse ?
    La Méduse est la constellation crée par notre inconscient de notre monstruosité. Elle représente l'accumulation de nos fonctionnements dénaturés et déformés. Elle est la "matière philosophique" que transperce Persée. Méduse est une figure de l'ombre négative et en cela absorbe une quantité importante d'énergie.
    Selon Jean Chevalier & Alain Gheerbrant "Les déformations monstrueuses de la psyché sont dues aux forces perverties des trois pulsions : sociabilité, sexualité, spiritualité" ("Dictionnaire des symboles" - Page 482)Pour ses auteurs la Méduse symboliserait la pulsions spirituelle et évolutive pervertie.
    Lorsque Persée tranche la tête de Méduse, il libère une énergie. C'est pourquoi à ce moment précis nait Pégase. En effet, au fur et à mesure que nous neutralisons et intégrons notre ombre, une quantité d'énergie psychique est libérée.

    Il est tout de suite intéressant de noter que c'est grâce au miroir que Persée peut tuer Méduse. Or, dans ce mythe le miroir c'est la réflexion. Il reflète le contenu de ce qui arrive à la conscience et permet une distanciation. Ce n'est pas pour rien que ce miroir a été donné à Persée par Athéna la déesse de la sagesse. Athéna est entre autre un éminent symbole de la Fonction de Pensée. (Voir article Quatre Fonctions)

    Persée et Méduse - Temple de Sélimonte - VI° sicèle av J-C

    En Alchimie"Il faut savoir qu'il y a trois calcinations : deux d'entre elles concernent le corps, et la troisième l'esprit. la première consiste à déposséder de sa froide humidité (le corps lunaire). Dans la seconde, c'est sa matérialité (le calcaire) qui lui ai retirée (le corps solaire) Et la troisième correspond à l'extraction de la quintessence à partir des éléments." (Aurora consurgens - Le levé de l'aurore - Début XV° siècle)

    Aurora Consurgens - XV° siècle - "Le travail des métaux"

    Observons l'image ci-dessus :
    Nous voyons le protagoniste qui tient sur son épaule gauche une ache. Il vient de trancher les têtes des deux corps allongés devant lui. Il y a un corps vêtu de blanc et un second corps vêtu d'un habit rouge. Il corresponde respectivement au corps lunaire et au corps solaire.
    En haut à droite, remarquez une cornue alchimique qui contient quatre fleurs qui représentent les quatre éléments. De ces quatre éléments lors de la troisième calcination nait la quintessence, c'est à dire l'esprit régénéré. 

    Alors bien sûr ce n'est pas Persée ici qui tranche la tête de méduse mais d'un point de vue symbolique c'est exactement la même chose.
    Aurora Consurgens - XV° siècle - "Le travail des métaux"

    Observons l'image ci-dessus :
    L'oiseau fabuleux dans la cornue figure le début de la pulvérisation, c'est à dire de la réintégration ou de la cohobation. L'oiseau est né des quatre éléments et représente la quintessence ou esprit régénéré. C'est le début de l'étape que les alchimistes nomment la "renaissance philosophale".
    Le glaive et la flèche illustrent l'intervention du feu destructeur, aussi bien intérieur qu'extérieur. Et la matière morte est ramenée à la vie par l'aqua permanens. L'eau permanente représente dans un langage moderne le débit permanent de l'inconscient avec lequel le protagoniste se met en relation.

    "Pégase" - Tanglewood Tales - 1920

    Mais que représente Pégase ?
    Nous avons vu que Pégase né de l'énergie libérée par la mort de Méduse. Avec ses ailes, il représente l'énergie volatile qui est sortie de la matière. Ce cheval n'est sans rapport avec d'une part l'impétuosité de nos désirs, mais aussi d'autre part avec le potentiel en puissance de notre élévation spirituelle.
    Mais pour se faire l'énergie libérée doit être réintégrée dans la matière, c'est à dire dans le corps. C'est pourquoi Pégase doit être domestique, apprivoisé. L'homme doit apprendre à maîtriser son énergie sexuelle et ses instincts animaux. Les désirs que la frustration exaspère et change en source de douleur doivent être dépassés. Il ne s'agit pas de refouler ses désirs sexuels mais au contraire de savoir les entendre et, sans y succomber systématiquement, de les accorder avec les cycles naturels de la vie. 


    "Éléments de chimie" J.C. Barchusen - 1718

    Observons l'image ci-dessus :
    En haut à gauche, le mercure philosophique est composé d'élément volatils issus du Mercure (Azoth) et d'éléments solides issus du Souffre (Latone). Remarquez la Lune et le Soleil qui représentent les deux pôles masculin et féminin (Ici encore inconscient) que nous retrouverons plus tard sous les traits de Diane et d'Apollon (Lorsqu'ils apparaîtront plus près de la conscience) L'oiseau représente l'Esprit du mercure qui mène l'Opus à bien.
    En haut à droite et en bas, l'oiseau représente la distillation du Mercure Philosophal. 
    C'est à dire que pour quitter la phase de corruption ou de putréfaction, où les quatre éléments se dissocient et où l'âme n'est pas dans le corps, l'esprit doit prendre un envol pour pouvoir intégrer la dépouille mortelle afin de lui redonner vie.
    "Persée délivrant Andromède" - Paolo Veronese - 1555
    Musée des beaux-arts de Rennes

    Persée après avoir tué Méduse, sur le chemin du retour pour Séphiros, délivra Andromède et l'épousa. Notre héros fit de plus un détour par l'Afrique pour y trouver Atlas. Avec le regard de la tête de méduse qu'il avait conservé dans sa besace magique, il pétrifia Atlas et le changea en montagne qui depuis porte son nom. "Mais puisque notre grâce compte si peu pour toi, reçois ce cadeau" dit Persée se tournant lui-même en arrière car il présente la face horrible de Méduse. ("Métamorphoses" d'Ovide) Ainsi, aussi grand qu'il était Atlas devient montagne.
    En effet Persée, parce qu'il est fils de Jupiter, avait été très mal accueilli par le Titan. Nous avons déjà évoqué les déboires entre Jupiter et Saturne pour lequel Atlas avait pris parti (Voir article Vitriol)

    Constellation de Persée

    Médaillon hermétique "La Cohobation" de la cathédrale Chartres

    Pour la suite de l'article lire : La Cohobation (2)

    Merci de votre lecture
    Bon magistère

    La Cohobation (2)

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Voici ci-dessous la suite de l'article consacré à La Cohobation (1)

    Médaillon hermétique "La Cohobation" de la cathédrale Chartres

     Bellérophon chevauche Pégase affronte la Chimère

    Rappelons le mythe de Bellérophon:
    Bellérophon est le fils de Glaucos, roi de Corinthe. Jeune, il tua un personnage important de Corinthe et dut s'exiler. Il fut alors accueillit par Proétos, roi d'Argos. Mais la femme de Proétos : Sthénéboa, s'éprit du jeune homme. Bellérophon repoussa ses avances et la reine, pour se venger, l'accusa d'avoir tenté de la violer. Proétos envoya Bellérophon dans le sud de l'Asie mineure chez son beau-père Iobatès où il était censé mourir. Iobatès imposa au héros de nombreuses épreuves parmi lesquelles il le chargea de combattre la Chimère. Bellérophon recourut au service du cheval Pégase qu'il avait dompté grâce à la déesse Athéna qui lui avait confié une bride magique. Bellérophon survola le monstre et lui enfonça dans la gueule une masse de plomb qui, se liquéfiant, sous l'effet des flammes de la Chimère, brula les entrailles de celle-ci. 


     La Chimère

    La Chimère est née de l'union de Typhon, un monstre du monde souterrain et d'Echidna, une femme serpent. Sa mère est donc sœur des Gorgones et elle est petite fille de Gaïa, la terre. Elle n'est autre que la soeur de Cerbère, le chien gardien des enfers. C'est une créature fantastique et monstrueuse au corps partagé en trois parties : La tête et les pattes d'un lion, le corps d'une chèvre, la queue d'un serpent ou d'un dragon. Selon la légende, elle possède aussi trois têtes : Lion, chèvre et serpent et toutes trois crachent du feu et dévore les humains.

    Il est intéressant de noter qu'elle meurt à cause du plomb, c'est à dire de la matière vil, qu'elle fait elle-même fondre dans sa gueule.

    La Chimère représente d'un point de vue symbolique les désirs que la frustration exaspère et change en source de douleur. La chimère est une véritable déformation psychique qui exprime le danger de l'exagération imaginative. C'est une puissance destructrice cachée. Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant: "Sa queue de serpent ou de dragon correspond à la perversion spirituelle de la vanité; son corps de chèvre à une sexualité perverse et capricieuse; sa tête de lion à une tendance dominatrice qui corrompt toute relation sociale." ("Dictionnaire des symboles" - Page 246)
    Le mythe de Bellérophon qui tue la Chimère préfigure les légendes des Saints chrétiens tueurs de dragon, tel Saint Michel, Saint Georges ou Saint Marcel. (Lire article Notre-Dame de Paris (2) )

     Bellérophon - Musée du Louvre - Paris


     Bellérophon tue la Chimère - Environ 300/250 ans avant Jésus Christ - 
    British Museum - Londres

     "Saint George et le dragon" - Paolo Uccello - 1456
      
    Selon les écrits de la légende dorée, Saint-Georges fut envoyé par Dieu pour combattre un dragon et libérer la ville païenne de Trébizonde en Libye. Il tua le dragon, libéra la princesse de Trébizonde et convertit ainsi la ville au christianisme.  
    Remarquez sur le tableau de Paolo Uccello que la princesse tient, tel un chien, le dragon avec une laisse. Cela fait allusion à la maîtrise par le principe féminin (ou anima) des pulsions inconscientes.
    Le dragon représente la prison de l'âme et/ou se qui divise l'individu, le diable en quelque sorte. Il doit être neutralisé afin que l'âme puisse se révélé et jouer son rôle de lien entre l'individu et Dieu.


     "Statue de Saint Michel" - Place Saint Michel - Paris
      
    Il est essentiel de remarquer que dans le mythe de Persée avec Méduse aussi bien que dans celui de Bellérophon avec la Chimère, sont confrontés ce que les alchimistes nomment le principe des opposés.
    En effet, d'une part Persée est le fils de Jupiter, qui lui-même est fils de Saturne; d'autre part Pégase est issue de Méduse, qui elle-même est fille de Gaïa. Il y a donc une lignée qui vient du Ciel et l'autre qui provient de la Terre.


    Persée
    (Bellérophon)
    Jupiter
    Saturne
    Ciel
    Pégase
    (Chimère)
    Méduse
    Gaïa
    Terre
     
    Par extension voici quelques exemples du principes des opposés :


    Lumière
    Ciel
    Masculin
    Logos
    Roi
    Actif
    Extraversion
    Volatil
    Conscient
    Apollon
    Haut
    Soleil
    Matière
    Terre
    Féminin
    Éros
    Reine
    Passif
    Introversion
    Fixe
    Inconscient
    Diane
    Bas
    Lune

    "Bellérophon chevauchant Pégase affrontant la Chimère"
    Giambattista Tiepolo - 1723 - Venise Palais Sandi

    Pour conclure sur la cohobation, je dirais qu'il s’agit donc pour l’artiste de mourir à ces anciennes valorisations afin de renaître à une nouvelle hiérarchie de valeurs plus adaptée, réaliste et valorisante.
    La vie est énergie et désirs. Or, ces derniers sont excités par la présence d’objets extérieurs de nature à les satisfaire. Mais ces désirs ne sont pas satisfaits immédiatement, loin de là et ils s’organisent alors en motivation. D’une certaine manière donc le désir engendre un besoin. Or, ces besoins s’ils ne sont pas satisfaits peuvent entraîner une frustration qui peut amener à surestimer les désirs. C'est en effet de cette frustration que l'inconscient en arrive à consteller la chimère par exemple. 
    Tout ce processus entraine donc une déformation des motivations et peut aller jusqu’à une altération de notre développement naturel. Il est donc question de retrouver (ou de trouver parfois) ce lien avec notre nature profonde et non altérée, ou saine.
    Il s’agit de « mourir à soi comme être de chaire, corruptible et renaître à la vie de l’esprit, incorruptible » C’est la définition même de ce que les philosophes nomment « la distillation ».

    "Persée tenant la tête de Méduse" - Antonio Canova - 1804 1806

     
    "Désir" - Haut relief en plomb d'Aristide Maillol - 1907
    Musée d'Orsay - Paris

    "Appareil de Distillation avec refroidisseur"
    H Brunschwygt - Liber de arte distillandi - 1507


     "Un jeune homme et son cheval" - Œuvre romaine

    Merci de votre lecture
    Bon magistère !

    Mazeppa

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je souhaite aborder une légende qui n'est pas sans rapport avec la représentation qui figure sur le médaillon hermétique de la cathédrale Notre-Dame de Paris  : la Cohobation. Il s'agit de la légende de Mazeppa.

    Bien sûr, au XII° siècle, époque de la construction de la cathédrale, cette légende n'existait pas pourtant un parallèle est bel et bien possible.
    Il est bon, avant de lire le présent article, de prendre connaissance du précédent : La Cohobation 

     "Mazeppa aux loups" - Horace Vernet - 1826 - Musée Calvet - Avignon

    Remarquez la similitude avec le médaillon ci-dessous de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

     Médaillon hermétique "La Cohobation" de la cathédrale Notre-Dame de Paris

    Mazeppa qui vécut de 1644 à 1709 est un personnage important de l'histoire de la Russie.

    Voici la légende :
    Ivan Mazeppa est un noble polonais qui sert comme page à la cour du roi Casimir. Séducteur, il noue une liaison avec la femme de son employeur. Lorsque le mari les prend en flagrant délit d'adultère il fait attacher Mazeppa entièrement nu sur un cheval sauvage. Puis, on fouette le cheval afin qu'il emporte le corps jusqu'au fond des steppes de l'Ukraine. Après trois jours de chevauchée effrénés,  le cheval finit par s'écrouler et Mazeppa perd connaissance avant d'être retrouvé et ramené à la vie par des Cosaques aux côtés de qui il combat et dont il devient le chef.

     "Le supplice de Mazeppa" - Louis Boulanger - 1827 
    Musée de Rouen

    Cette légende inspira de nombreux artistes. Le poète et aventurier Lord Byron publia un roman en 1818 inspiré de cette légende. Le trente-quatrième poème du recueil "Orientale"de Victor Hugo s'inspire également de cette légende (Lire le poème ci-dessous). Tchaïkovski créa en 1884 un opéra basé sur l'histoire de Mazeppa.
    Des peintres tels Théodore Géricault("Mazeppa" - 1820), Horace Vernet ("Mazeppa aux loups" - 1826), Louis Boulanger("Le supplice de Mazeppa" - 1827) ou Eugène Delacroix("Mazeppa" - 1828) illustrèrent également cette légende.


    Franz Liszt(1811 - 1886) écrivit deux pièces pour piano, l'une composée en 1840, l'autre en 1851 (étude d’exécution transcendantale n°4). Puis, il créa, d'après le poème de Victor Hugo, un poème symphonique, qui reprend le matériel thématique de l'étude pour piano.  
    Voici ci-dessous "Mazeppa", poème symphonique de Franz Liszt musicien romantique hongrois :


    Il s'agit d'une chevauchée symphonique qui comporte trois parties : La course effrénée sur le dos du cheval, la chute du héros qui semble annoncer sa mort, le réveil et le triomphe de Mazeppa. Remarquez les éléments narratifs musicaux tels la chute chromatique du héros ou les accords de Ré majeur annonçant la fin heureuse, ou encore la marche Cosaque finale très enlevée.
    Camille Saint-Saëns écrit  : "Vers le milieu de la composition, on sent comme l'impression d'une immensité sans bornes; cheval et cavalier fuient dans la steppe illimitée, et le regard de l'homme sent confusément, plus qu'il ne les voit, les mille détails de l'étendue. Il y a là un merveilleux effet d'orchestre. Les instruments à cordes, divisés à l'extrême, font entendre de haut en bas de leur échelle une foule de petit sons de toute espèce, liés, détachés, pincés, avec le bois de l'archet même, et du tout résulte une sorte de crépitation harmonieuse d'une extrême ténuité, toile de fond sonore, sur laquelle s'en lève, comme au premier plan, une phrase plaintive et touchante."("Regard sur mes contemporains - Camille Saint-Saëns - Textes rassemblés par Yves Gérard - 1990)

    Voici un lien pour une version piano avec partition de Mazeppa de Franz Liszt dans la remarquable interprétation de György Cziffra(ouvrir avec un clic droit) : Mazeppa, version piano
    Remarquez les trois parties de l’œuvre : Introduction, course du cheval, puis en conclusion "Il tombe et se relève roi".

     "Mazeppa" - Jean Louis Théodore Géricault - 1820

    Ci-dessous le poème "Mazeppa", que Victor Hugoécrit en Mai 1828 et qui inspira le musicien hongrois. Il fut mis en préface du poème symphonique, lui servant ainsi de programme.
     
    Ainsi, quand Mazeppa, qui rugit et qui pleure,
    A vu ses bras, ses pieds, ses flancs qu'un sabre effleure,
    Tous ses membres liés
    Sur un fougueux cheval, nourri d'herbes marines,
    Qui fume, et fait jaillir le feu de ses narines
    Et le feu de ses pieds ;

    Quand il s'est dans ses nœuds roulé comme un reptile,
    Qu'il a bien réjoui de sa rage inutile
    Ses bourreaux tout joyeux,
    Et qu'il retombe enfin sur la croupe farouche,
    La sueur sur le front, l'écume dans la bouche,
    Et du sang dans les yeux,

    Un cri part ; et soudain voilà que par la plaine
    Et l'homme et le cheval, emportés, hors d'haleine,

    Sur les sables mouvants,
    Seuls, emplissant de bruit un tourbillon de poudre
    Pareil au nuage noir où serpente la foudre,
    Volent avec les vents !

    Ils vont. Dans les vallons comme un orage ils passent,
    Comme ces ouragans qui dans les monts s'entassent,
    Comme un globe de feu ;
    Puis déjà ne sont plus qu'un point noir dans la brume,
    Puis s'effacent dans l'air comme un flocon d'écume
    Au vaste océan bleu.

    Ils vont. L'espace est grand. Dans le désert immense,
    Dans l'horizon sans fin qui toujours recommence,
    Ils se plongent tous deux.
    Leur course comme un vol les emporte, et grands chênes,
    Villes et tours, monts noirs liés en longues chaînes,
    Tout chancelle autour d'eux.

    Et si l'infortuné, dont la tête se brise,
    Se débat, le cheval, qui devance la brise,
    D'un bond plus effrayé,
    S'enfonce au désert vaste, aride, infranchissable,
    Qui devant eux s'étend, avec ses plis de sable,
    Comme un manteau rayé.

    Tout vacille et se peint de couleurs inconnues :
    Il voit courir les bois, courir les larges nues,
    Le vieux donjon détruit,
    Les monts dont un rayon baigne les intervalles ;
    Il voit ; et des troupeaux de fumantes cavales
    Le suivent à grand bruit !

    Et le ciel, où déjà les pas du soir s'allongent,
    Avec ses océans de nuages où plongent
    Des nuages encor,
    Et son soleil qui fend leurs vagues de sa proue,
    Sur son front ébloui tourne comme une roue
    De marbre aux veines d'or !

    Son œil s'égare et luit, sa chevelure traîne,
    Sa tête pend ; son sang rougit la jaune arène,
    Les buissons épineux ;
    Sur ses membres gonflés la corde se replie,
    Et comme un long serpent resserre et multiplie
    Sa morsure et ses nœuds.

    Le cheval, qui ne sent ni le mors ni la selle,
    Toujours fuit, et toujours son sang coule et ruisselle,
    Sa chair tombe en lambeaux ;
    Hélas ! voici déjà qu'aux cavales ardentes
    Qui le suivaient, dressant leurs crinières pendantes,
    Succèdent les corbeaux !

    Les corbeaux, le grand-duc à l’œil rond, qui s'effraie,
    L'aigle effaré des champs de bataille, et l'orfraie,
    Monstre au jour inconnu,
    Les obliques hiboux, et le grand vautour fauve
    Qui fouille au flanc des morts où son col rouge et chauve
    Plonge comme un bras nu !

    Tous viennent élargir la funèbre volée ;
    Tous quittent pour le suivre et l'yeuse isolée,
    Et les nids du manoir.
    Lui, sanglant, éperdu, sourd à leurs cris de joie,
    Demande en les voyant qui donc là-haut déploie
    Ce grand éventail noir.

    La nuit descend lugubre, et sans robe étoilée.
    L'essaim s'acharne, et suit, tel qu'une meute ailée,
    Le voyageur fumant.
    Entre le ciel et lui, comme un tourbillon sombre
    Il les voit, puis les perd, et les entend dans l'ombre
    Voler confusément.

    Enfin, après trois jours d'une course insensée,
    Après avoir franchi fleuves à l'eau glacée,
    Steppes, forêts, déserts,
    Le cheval tombe aux cris de mille oiseaux de proie,
    Et son ongle de fer sur la pierre qu'il broie
    Éteint ses quatre éclairs.

    Voilà l'infortuné, gisant, nu, misérable,
    Tout tacheté de sang, plus rouge que l'érable
    Dans la saison des fleurs.
    Le nuage d'oiseaux sur lui tourne et s'arrête ;
    Maint bec ardent aspire à ronger dans sa tête
    Ses yeux brûlés de pleurs.

    Eh bien ! ce condamné qui hurle et qui se traîne,
    Ce cadavre vivant, les tribus de l'Ukraine
    Le feront prince un jour.
    Un jour, semant les champs de morts sans sépultures,
    Il dédommagera par de larges pâtures
    L'orfraie et le vautour.

    Sa sauvage grandeur naîtra de son supplice.
    Un jour, des vieux hetmans il ceindra la pelisse,
    Grand à l’œil ébloui ;
    Et quand il passera, ces peuples de la tente,
    Prosternés, enverront la fanfare éclatante
    Bondir autour de lui !

    II.

    Ainsi, lorsqu'un mortel, sur qui son dieu s'étale,
    S'est vu lier vivant sur ta croupe fatale,
    Génie, ardent coursier,
    En vain il lutte, hélas ! tu bondis, tu l'emportes
    Hors du monde réel dont tu brises les portes
    Avec tes pieds d'acier !

    Tu franchis avec lui déserts, cimes chenues
    Des vieux monts, et les mers, et, par delà les nues,
    De sombres régions ;
    Et mille impurs esprits que ta course réveille
    Autour du voyageur, insolente merveille,
    Pressent leurs légions !

    Il traverse d'un vol, sur tes ailes de flamme,
    Tous les champs du possible, et les mondes de l'âme ;
    Boit au fleuve éternel ;
    Dans la nuit orageuse ou la nuit étoilée,
    Sa chevelure, aux crins des comètes mêlée,
    Flamboie au front du ciel.

    Les six lunes d'Herschel, l'anneau du vieux Saturne,
    Le pôle, arrondissant une aurore nocturne
    Sur son front boréal,
    Il voit tout ; et pour lui ton vol, que rien ne lasse,
    De ce monde sans borne à chaque instant déplace
    L'horizon idéal.

    Qui peut savoir, hormis les démons et les anges,
    Ce qu'il souffre à te suivre, et quels éclairs étranges
    À ses yeux reluiront,
    Comme il sera brûlé d'ardentes étincelles,
    Hélas ! et dans la nuit combien de froides ailes
    Viendront battre son front ?

    Il crie épouvanté, tu poursuis implacable.
    Pâle, épuisé, béant, sous ton vol qui l'accable
    Il ploie avec effroi ;
    Chaque pas que tu fais semble creuser sa tombe.
    Enfin le terme arrive... il court, il vole, il tombe,
    Et se relève roi !

     "Mazeppa" Lord Byron (1788 - 1824)

    Franz Liszt - Pastel de Maréchal - 1840 
    Musée Richard Wagner - Bayreuth

    Alors bien sûr au travers de la légende de Mazeppa, il ne s'agit pas de maitrise et l'intégration des pulsions tels que nous l'avons vu lors de l'étude de la cohobation. D'une certaine manière c'est tout le contraire. Il est plutôt ici question de punition et de ce point de vue le texte de Victor Hugo est explicite.
    Dans les deux cas toutefois et selon le mot de Paul Diel, le cheval représente "l'impétuosité du désir". N'emploie-t-on pas sans une certaine ambiguïté le terme chevaucher dans une signification érotique ?

    Ainsi le poète Frederico Garcia Lorcaécrit-il (Remarquez le passage que j'ai souligné en caractère gras) :
      
    "La femme adultère"

    "Je la pris près de la rivière
    Car je la croyais sans mari
    Tandis qu'elle était adultère
    Ce fut la Saint-Jacques une nuit
    Par rendez-vous et compromis
    Quand s'éteignirent les lumières
    Et s'allumèrent les cri-cri
    Au coin des dernières enceintes
    Je touchai ses seins endormis
    Sa poitrine pour moi s'ouvrit
    Comme des branches de jacinthes
    Et dans mes oreilles l'empois
    De ses jupes amidonnées
    Crissait comme soie arrachée
    Par douze couteaux à la fois
    Les cimes d'arbres sans lumière
    Grandissaient au bord du chemin
    Et tout un horizon de chiens
    Aboyait loin de la rivière  

    Quand nous avons franchi les ronces
    Les épines et les ajoncs
    Sous elle son chignon s'enfonce
    Et fait un trou dans le limon
    Quand ma cravate fût ôtée
    Elle retira son jupon
    Puis quand j'ôtai mon ceinturon
    Quatre corsages d'affilée
    Ni le nard ni les escargots
    N'eurent jamais la peau si fine
    Ni sous la lune les cristaux
    N'ont de lueur plus cristalline
    Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
    Comme des truites effrayées
    L'une moitié toute embrasée
    L'autre moitié pleine de froid
    Cette nuit me vit galoper
    De ma plus belle chevauchée
    Sur une pouliche nacrée
    Sans bride et sans étriers 

    Je suis homme et ne peux redire
    Les choses qu'elle me disait
    Le clair entendement m'inspire
    De me montrer fort circonspect
    Sale de baisers et de sable
    Du bord de l'eau je la sortis
    Les iris balançaient leur sabre
    Contre les brises de la nuit
    Pour agir en pleine droiture
    Comme fait un loyal gitan
    Je lui fis don en la quittant
    D'un beau grand panier à couture
    Mais sans vouloir en être épris
    Parce qu'elle était adultère
    Et se prétendait sans mari
    Quand nous allions vers la rivière
    .
    "


    ("Romancero Gitano" - Traduction Jean Prévost - 
    Frederico Garcia Lorca - 1928)

    "Mazeppa" - Eugène Delacroix - 1828

    Il est amusant de remarquer que Franz Liszt a vécu un curieux parcourt de vie. Né en 1811, il fût un instrumentiste prodige célèbre. Influencé par Paganini, Franz Liszt fût le premier pianiste à jouer des récitals seul en scène. Il était capable de jouer par exemple l'intégralité des sonates de Beethoven et connut beaucoup de succès dans les salons et auprès de femmes.

    Ceci dit sa vie amoureuse semble assez chaotique. Franz Liszt a eu des années durant une union illégitime avec une femme mariée, Marie d'Agoult. Ils eurent d'ailleurs ensemble plusieurs enfants dont Cosima qui deviendra la femme de Richard Wagner. Il connût son existence durant des déceptions sentimentales auxquelles il semble répondre par un mysticisme religieux fervent. Franz Liszt finit d'ailleurs par entrer dans les ordres mineurs en 1865, c'est à dire à 54 ans ! 
    Ce qui n'a rien de la démarche d'un homme d'église ou d'une réelle vocation religieuse. Il semble au contraire que cette démarche lui soit dictée par la quête d'une énergie sacrée qu'il n'avait pu ou su intégrer autrement. 
    Ceci nous renvoie à La Cohobation et à la symbolique du cheval dans la légende de Mazeppa. 

    Franz Liszt en habit d'abbé franciscain - 1865

     Médaillon hermétique de La Cohobation 
    Cathédrale Notre-Dame de Chartres

     Gargouilles de la cathédrale d'Amiens

    L'ombre

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Je vais aborder dans cet article la notion d'ombre.
    L'ombre est la face cachée de notre personnalité, la part inconsciente de notre être. C'est pourquoi au début de l’œuvre d'une certaine manière tout est ombre, puisque d'une certaine manière tout est inconscient. 
    C'est petit à petit, grâce à l'installation de la "fonction de transcendance" que l'ombre vient à la conscience et petit à petit évolue. La fonction de transcendance est la perception vivante de l'échange entre l'inconscient et la conscience. 
    Alchimie

    Il existe ainsi, si j'ose dire, différents niveaux de l'ombre :
    Le premier niveau, ou première perception est négatif. C'est l'ombre que les alchimistes associent à l’œuvre au noire, ou Nigredo. Elle est constituée par nos fausses motivations, nos frustrations et les forces perverties de notre psyché.
    Voici les articles que j'ai notamment consacrés à la Nigredo :  
    Saturne, le mythe 
    Saturne, le plomb 
    Le Corbeau
    La Putrefaction 
    La Cohobation (1) 
    La Cohobation (2) 

    Petit à petit, avec l'intégration de cette part d'ombre, un autre niveau se manifeste dans l’inconscient. 
    En effet, plus nous acceptons notre personnalité cachée, plus nous en prenons conscience, plus nous avons de chance avec le temps de l'intégrer. Or, l'intégration de l'ombre permet d'accéder à une nouvelle énergie qui est bien plus bénéfique. En effet la part d'ombre de notre personnalité mobilise beaucoup d'énergie psychique mais dès que cette énergie est disponible une réelle transformation se manifeste.

    Cette nouvelle énergie au début encore inconsciente qui porte en quelque sorte "la lumière" est radicalement positive. 
    C'est pourquoi si l'étymologie du mot "diable" vient de latin "diabolus" c'est à dire "celui qui divise, qui désunit"; celle du mot "Lucifer" vient du latin "lux" c'est à dire "lumière" et "fero" c'est à dire "apporter" et signifie donc "celui qui apporte la lumière".
    La fonction de transcendance petit à petit s'affine et la part inconsciente de notre personnalité peut s’avérer extrêmement perspicace. 
    Cette seconde étape correspond pour les alchimistes à l’œuvre en blanc ou Albedo. C'est une étape délicate et importante au court de laquelle se produit un mariage mystique avec l'âme sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

    (Pour mieux comprendre cette fonction de transcendance, lire un peu plus bas dans ce présent article les commentaires de l'emblème X extrait de "L'Atalante Fugitive" de Michael Maïer : "Donne du feu au feu, du mercure au Mercure, et cela te suffit")

    Voici ci-dessous l'extrait du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :
    L'emblème XLV, "Le Soleil et son ombre achèvent l’œuvre".

    Michael Maïer écrit :

    "Le Soleil, clair flambeau du pôle, ne peut vaincre
    La densité des corps : une ombre à l'opposé
    Demeure. Elle est la plus vile des choses
    Et pourtant l'astronome en tire profit.
    Mais le Soleil avec son ombre fait aux Sages
    Un don meilleur : il achève l’œuvre de l'or."
    Le Soleil et son ombre achèvent l’œuvre
     "Le Soleil et son ombre achèvent l’œuvre"

    Observons l'image ci-dessus :
    Le Soleil dans son mouvement apparent à travers le ciel suscite les différentes saisons et l'alternance des jours et des nuits. L'ombre renvoie au chaos des philosophes c'est à dire à leur matière et au Nigredo. La terre est à mi-chemin entre la lumière et les ténèbres.
    Pour Michael Maïer le soleil éclaire partout sauf à l'endroit où la densité de la terre l'en empêche. Là l'ombre noire et ténébreuse que l'on nomme "nuit" persiste jusqu'à ce que la lumière y soit répandue et irradie.

    Il s'agit en fait d’ôter l'obscurité profonde, c'est à dire les impuretés du corps.
    « Le Soleil et son ombre parachève l’œuvre (…) C’est que l’ombre est chose très utile, bien que proche du non-Être. Ainsi apparaît l’ombre des philosophes qui est le Noir plus noir que le noir (…) »  écrit Michael Maïer.
    C'est l'étape du blanchiment de la Pierre que certains alchimistes nomment "Laver Latone".
    Latone (Léto en grec) est la fille de Saturne. Sœur et première épouse de Jupiter avant Junon, Latone donnera naissance à Diane (Le lune) et Apollon (le Soleil) à l'ombre d'un palmier ou d'un olivier dans l'ile de Délos.
    Naissance de Diane et Apollon sous le palmier de l’ile de Délos
      "Naissance de Diane et Apollon sous le palmier de l’ile de Délos"
    Alexandre Denis Abel - 1823 - Château de Fontainebleau

    Observons l'image ci-dessus :
    Latone est selon Homère la fille de Saturne. C'est la sœur et la première femme de Jupiter. Selon la légende, Latone enceinte de Jupiter, encourut la terrible colère de Junon (seconde femme de Jupiter) et dut se réfugier sur l'île de Délios pour accoucher. Latone dut accouchée seule et souffrit neuf jours et neuf nuits pour mettre au monde ses enfants jumeaux.
    Cette fresque illustre la naissance d'Apollon et de Diane à l'ombre d'un palmier sur l'île de Délos. Diane est représentée de dos dans les bras de sa mère et Apollon qui regarde vers nous. Remarquez au premier plan des divinités qui apportent des offrandes.

    Voici ci-dessous l'extrait du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :
    L'emblème XI, "Blanchissez Latone et déchirez vos livres."

    Michael Maïer écrit :
    "De Latone on connait les rejetons jumeaux,
    Enfants de Jupiter, selon l'antique fable.
    D'autres la disent faite de soleil et de lune
    Mêlés: elle a des taches noires sur la face.
    Donc, à blanchir Latone apprête-toi; détruis
    Ces livres ambigus qui ne font que te nuire."

    Alchimie
     "Blanchissez Latone et déchirez vos livres."

    Observons l'image ci-dessus : 
    Nous voyons Latone avec ses enfants Diane et Apollon qui représentent la Lune et le Soleil et au-delà le Mercure et le Souffre des philosophes ou l'Esprit et l'Âme de l'individu.
    Latone porte sur son visage des taches qui doivent être enlevées. Son nom signifie "l'oubliée" ou "la cachée" ("Lateo" : je suis caché)
    L'étape de blanchiment de Latone est une étape de purification.
    Michael Maïerécrit : "Il faut d'abord rechercher et identifier Latone, bien qu'elle soit extraite d'un endroit méprisable, elle doit être élevée à une place plus digne, puis engloutie en un lieu bien plus vil, qui est le fumier. Car là elle blanchira et deviendra plomb blanc."

    La destruction des livres est une évocation de la dissolution c'est à dire de l'action du feu des Sages. La destruction des pages indique qu'il s'agit bien d'une action adaptée et pratique et non d'une étude stérile ou de s'oublier dans les livres. La patience reste ceci dit une grande vertu le magistère. Car, avant de goûter à la suavité des fruits qui en résulte, du temps est nécessaire pour la mise en place de l'action du feu secret.
     
    Plus le principe des opposés se rapproche, plus le champ de conscience s'élargit.
    Plus la fonction de transcendance s'affine (voir ci-dessous), plus les symboles se dégrossissent c'est à dire se rapprochent de l'échelle de l'individu.

    Voici ci-dessous un tableau avec quelques exemplaires du principe des opposés :

    Soleil
    Conscient
    Apollon
    Volatil
    Logos
    Lumière
    Masculin
    Actif
    Extraversion
    Lune
    Inconscient
    Diane
    Fixe
    Éros
    Matière
    Féminin
    Passif
    Introversion


    Fontaine du jardin Château de Versailles
     La déesse Latone avec ses enfants Diane et Apollon 
    Fontaine du jardin Château de Versailles


    A propos de la fonction de transcendance, voici ci-dessous l'extrait du traité alchimique "Atalante Fugitive" de Michael Maïer :
    L'emblème X, "Donne du feu au feu, du mercure au Mercure, et cela te suffit".

    Michael Maïer écrit :
    "A cette chaîne qui l'assemble
    La machine du monde est pendue tout entière :
    Le semblable toujours réjouit son semblable.
    Ainsi le feu au feu et Mercure au Mercure
    S'unissent : de ton art vois ici la limite.
    Vulcain pousse Mercure ; mais cet Hermès ailé
    Te dégage, Ô Cynthie, qui libères Apollon."

    Remarque : Cynthie, la déesse de Cynthe, n'est autre que Diane ou Artémis pour les grecques. Ce nom évoque en grec ancien également la couleur bleu sombre.

    Fugue de l'emblème X - Extrait du Traité l'Atalante Fugitive" de Michael Maïer
    "Donne du feu au feu, du mercure au Mercure, et cela te suffit" 
     
    Donne du feu au feu, du mercure au Mercure, et cela te suffit
    "Donne du feu au feu, du mercure au Mercure, et cela te suffit"
    Emblème X - Extrait du Traité l'Atalante Fugitive" de Michael Maïer

    Observons l'image ci-dessus :
    Remarquer au centre le protagoniste qui travaille à son Feu. Il y a deux représentations du Dieu Mercure que nous reconnaissons grâce à son casque ailé. L'une est assise sur la droite : C'est le Mercure acquis par le travail du philosophe en quelque sorte. L'autre arrive et se joint au premier : C'est "Le nouveau Mercure" que le philosophe accueille pour la suite de son opus.
    Le Mercure alchimique en langage moderne est ce que la psychologie moderne nomme l'inconscient.
    (Lire à ce propos mes articles :  Le Mercure (1) , Le Mercure (2) , Le Mercure (3) )

    C'est exactement comme lorsque l'on fait une série de rêves. Il y a une suite d'images et d'informations qui se complètent, et, la série prend son sens sur une durée grâce à la prise de conscience faite en parallèle.
    Les alchimistes appellent ce phénomène "L'aqua permanens" ou "eau éternelle"
    Carl Gustav Jung nomme ce processus d'échange entre l'inconscient et le conscient "la fonction de transcendance".
    Il existe différents types de feu en alchimie : le feu extérieur qui est produit par un combustible, et, le feu intérieur ou feu secret ou encore nommé "feu des Sages". Ce second feu est produit et entretenu par l'attention du protagoniste à son œuvre. Il y a donc essentiellement selon Michael Maïer une différence de qualité de feu.
    Le feu secret est à mettre en corrélation avec ce que nous nommons la prière et la médiation. Le mot latin religere qui a donné naissance au mot français religion et qui signifie : regarder avec attention, recueillir, accomplir avec minutie est pour dire vite ce qui produit et entretient le feu des Sages.
    Mais revenons à notre propos initial : l'ombre.
    Pour les Philosophes l'ombre est donc appelée Ombre du Soleil. Elle représente les parties hétérogènes et impures avec lesquelles le grain fixe de l'or chimique est mêlé, et desquelles il faut le séparer. Les philosophes ou alchimistes ont donné le même nom à leur "saturnie végétale", c'est à dire à la matière de base du magistère.

    Afin d'être un peu plus explicité voyons quelques exemples :
    Dans notre culture occidentale un bon exemple de la figure de l'ombre est illustrée dans le roman de Robert Louis Stevenson "L'étrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde" (1886) adapté au cinéma en 1931 par Rouben Mamoulian.
    Ombre
     Affiche du film "Docteur Jekyll et Mister Hyde" de Rouben Mamoulian - 1931

    L'histoire du Docteur Jekyll et Mister Hyde illustre à merveille la double nature du héros. Mister Hyde représente la part d'animalité du docteur qui au fur et à mesure du film prend de plus en plus d'ampleur. A la fin du film c'est un véritable singe qui est confronté à la police.
    Mister Hyde est la part de monstre qui réside en chacun de nous. Il est frustré dans l'assouvissement de ses désirs sexuels et le Docteur Jekyll ne fait, grâce à sa potion, que de lui permettre de se révéler.
    Ombre
    Photographie extraite du film de Rouben Mamoulian 
    "Docteur Jekyll et Mister Hyde" - 1931

    Carl Gustav Jungécrit : "Le problème des contraires suscité par l'ombre joue un rôle important, voire décisif, en alchimie puisque cette dernière conduit, à la phase ultime de l’œuvre, à l'union des contraires sous la forme archétypique du hieros gamos(hiérogamie), c'est à dire du "mariage chimique". Dans ce dernier, les opposés suprêmes, exprimés sous la forme du masculin et du féminin (comme dans le Yin et le Yang chinois), sont fondus en une unité qui ne contient plus de contraires et qui est, par conséquent, incorruptible. La condition nécessaire en est évidemment que l'artisan (artifex) ne s'identifie pas avec les figures de l'opus (œuvre) mais qu'il les laisse subsister sous leur forme objective impersonnelle."("Psychologie et alchimie" - Page 54)

    Il est intéressant de noter que Jung précise que l'artiste ou l'artisan ne doit pas s'identifier avec les figures de l’œuvre mais doit être capable de prendre du recul par rapport à celles-ci. Lorsque nous lisons le témoignage du Jung relaté et illustré dans "Le Livre rouge" nous réalisons à quel point ce grand homme a été capable par rapport à ces archétypes qui l'ont "traversé" de prendre un tel recul.
    Autrement, nous pouvons dire que nous sommes "possédés" par ces archétypes qui, parce qu'ils sont inconscients, sont tout simplement plus fort que nous. C'est lorsqu'ils arrivent à notre conscience, c'est à dire lorsque la duplicité de notre personnalité est mise en évidence que nous nous devons faire la part des choses et exercer notre sagacité.
    Delacroix
     "Le diable" - Faust - Illustration du peintre Eugène Delacroix (1799/1863)
    (Ici dans une version colorisée)

    Observons l'image ci-dessus : 
    Voici, tiré du premier tome de Faust illustré par Delacroix, une représentation du diable. Le diable est représenté ici comme un esprit aérien ou un intellect impie. C'est précisément un exemple de ce que les alchimistes nomment le volatil et qui doit être confronté puis uni à la matière. C'est l'étape de réintégration dans le corps que j'ai évoqué entre autres dans les articles : La Cohobation (1) et La Cohobation (2).
    Ombre
    "Lucifer" - Guillaume Greefs
    Statue de marbre de la cathédrale Saint-Paul de Liège
     
    Un autre exemple intéressant de la figure de l'ombre est illustré avec le chef d’œuvre d'Oscar Wilde : "Le portrait de Dorian Gray".

    Ce roman fantastique publié en 1890 relate l'histoire d'un jeune dandy qui est fasciné par d'un certain Harry, un Lord britannique. Dorian Gray fait peindre son portrait par Basil Hallward, un ami d'Harry. L'influence du Lord va éveiller la partie sombre du héros. Dorian Gray fait en quelque sorte un pacte avec le diable afin de conserver la jeunesse et la beauté. En fait, il découvre que son portrait vieillisse à sa place. Il conserve alors secrètement le portrait dans un grenier et respectant le précepte d'Harry il vit une existence voué à l’hédonisme, aux vices (voir à l'assassinat). Le portrait, qui n'est autre que le reflet de l'âme de Dorian Gray, devient au fils du temps de plus en plus horrible.

    Ombre
    "Le portrait de Dorian Gray" - Image du film d'Albert Lewin - 1945

    Un autre exemple moins horrible qui illustre la figure de l'ombre se trouve dans "Les aventures de Tintin et Milou" du dessinateur Hergé. Il s'agit bien sûr du personnage du Capitaine Haddock.
    Ombre
    En effet, tout porte à croire que dans l’œuvre d'Hergé, les principaux personnages représentent les différentes facettes de la personnalité de leur créateur. Tintin et son ami le Capitaine Haddock semblent être les facettes lumineuses et des ténèbres de la même entité. Le Capitaine Haddock qui arrive dans les aventures avec l'album "Le crabe au pince d'or" dévoile dans une certaine mesure une face ténébreuse que le héros Tintin ne pourrait en aucune façon directement assumer.
    Le goût que le Capitaine Haddock a pour la boisson et le rhum ainsi que ses célèbres insultes expressives (qui d'ailleurs ne sont pas de vraies insultes) sont le témoignage manifeste de cette part d'ombre.
    Ombre

    L'intégration de l'ombre est une étape cruciale parce que longue et délicate.
    Mais dès que le processus est engagé, il est le gage de la réalisation du "Grand œuvre", c'est à dire de la création de la Pierre des philosophes. Cette pierre, encore une fois, n'est autre que ce que la psychologie moderne nomme le "Soi" intérieur.
    J'aime beaucoup la phrase de Khalil Gibran dans son remarquable ouvrage"Le Prophète" : "L'amour n'a point d'autre désir que de s'accomplir"car elle résume bien la teneur de la lumière.
    En fait la lumière, c'est à dire la part divine en nous, n'existe que derrière l'ombre.
    Alchimie
     "La lumière derrière l'ombre"

    Fulcanelli écrit :"Quelle est donc la condition primordiale, essentielle, pour qu'une génération quelconque puisse être manifestée ? Nous répondrons pour vous : l'absence totale de toute lumière solaire, même diffuse ou tamisée. Remarquez autour de vous, interroger votre propre nature. (...)."("Le mystère des cathédrales" - Page 172)
    Lucky Lucke


    Voici une illustration extraite du traité alchimique publié en 1617 de Michael Maïer: "Symbola aureae mensua", c'est à dire "Symbolesdela table d'or".

    Alchimie
    Démocrite - Symbola aureae mensua - Michael Maïer - Francfort - 1617 

    Observons l'image ci-dessus :
    Sur la gauche, un homme, Démocrite, un sage Grec du V° siècle avant J-C. Démocrite est surnommé le «philosophe souriant» car il riait des folies des hommes. Il passa cinq années chez les égyptiens qui lui apprirent de nombreux secrets et fût le fondateur de la théorie atomiste.
    Au centre, une femme nue. C’est la Vénus des philosophes qui apparait dans toute sa splendeur. Elle tient de la main gauche un cœur enflammé. Celui-ci symbolise bien sûr l’amour au sens l’aimant, mais aussi de l’amant ou le principe alchimique de l’union qui peut être assimilé à celui du Feu. 
    Remarquez l’ombre importante et dense du corps de la déesse s’étale sur le sol et repend des impuretés qui doivent être nettoyé. 
    C’est le rôle du troisième personnage à droite : Vulcain. Nous le reconnaissons avec le marteau qu’il tient dans sa main gauche, un de ses attributs. Vulcain ramasse les impuretés de l’ombre de la Vénus des philosophes avec une coupe qui contient le feu secret des Sages.
    Alchimie
    "L'ombre" - Auguste Rodin - Bronze 1904
    Jardin des Tuileries - Paris

    J'ai essayé de montrer avec les exemples plus haut que l'ombre négative est la résultante de nos carences, de nos frustrations et de nos fonctionnements pervertis qui en résultent.
    La duplicité du personnage du Docteur Jekyll met en évidence dans le film l'aspect plutôt sexuel et animal de l'ombre.
    Le portrait de Dorian Gray qui vieillit à la place du héros, illustre à merveille l'âme du protagoniste qui n'a pas soin d'être relié à la vie ou dirions-nous au divin.
    Enfin, le capitaine Haddock dévoile avec plus de sympathie mais sans concession les faiblesses humaines.

    Pour pouvoir aborder, intégrer et dépasser l'ombre, plusieurs facteurs sont déterminants :
    Nous accepter tel que nous sommes avec nos imperfections.
    Considérez les forces de la nature (au sens le plus biologique du terme) qui habite en nous. Car c'est à cette source que ce trouve la puissance régénératrice de notre être. (A ce propos lire mon article Lumen Naturae)
    Faire preuve de patience. C'est avec la succession de plusieurs cycles que la prise de conscience de nos fonctionnements s'avère.
    Ne pas oublier, j'oserais dire, que rien ne peut se faire sans l'aide de Dieu. C'est à dire sans l'aide de quelque chose qui nous dépasse tous.

    Une fois le processus de l'intégration de l'ombre avancé nous pouvons observez qu'il existe une part d'ombre d'une toute autre nature parce que positive.
    C'est ce que nous pouvons nommer "l'ombre positive".
    Ombre
     Portrait de Wolfgang Amadeus Mozart

    Mozart est, il me semble, un bon exemple d'homme "accompagné" par une ombre positive. Tout porte à croire qu'il était de "type psychologique intuitif" (Voir article Quatre Fonctions ) Mozart qui a une esprit pratique et brillant est tout sauf un intellectuel. Il est véritablement habité par "le divin" qui semble lui dicter via son ombre la musique. Il serait intéressant à ce propos d'étudier l'évolution et la représentation du féminin au travers de ses opéras. Je sors ici un peu du cadre de mon article mais y reviendrais avec plaisir.

    Voici ci-dessous une illustration extraite du traité publié en 1622 par Johann Daniel Mylius"Philosophia reformata" , c'est à dire "Philosophie réformée".
    Alchimie
    Johann Daniel Mylius - Philosophia reformata - 1622

    Observons l'image ci-dessus :
    Il s'agit de la représentation de la relation entre microcosme et macrocosme, entre l'échelle humaine et l'échelle cosmique. Nous voyons un homme et une femme de part et d'autre de la planète terre. L'homme est debout sur le Soleil et la femme debout sur la Lune, c'est à dire sur symboliquement les principes opposés. Remarquez les deux grandes ombres pour chacune des figures que sont l'homme et la femme.
    Le tout est dans un grand cercle et est observé en haut à gauche et à droite par le Soleil et la Lune. Remarquez la voie lactée autour du grand cercle.
    Sur la planète terre est représenté un autre cercle. Ce cercle est dans un carré qui est lui-même est dans un triangle.
    Ces trois figures géométriques (cercle, carré et triangle)évoquent les trois étapes du cheminement subtil d'un processus universel.
    Pour dire vite :
    Le Cercle représente le corps affectif, la mère et l'âme.
    Le Carré représente la structure et son équilibre. Le 4 peut être aussi bien éléments que les quatre fonctions psychologiques. Il s'agit d'un équilibre et de la circulation interne entre quatre entités.
    Le Triangle est la figure qui permet la relation au centre.
    Mais nous aurons l'occasion d'y revenir ... 
    Ombre
     "Dorian Gray"  par Akito - 1992

    Pour finir cet article une petite citation d'Angélus Silesius :
    "Il n'y a pas de parfaite félicité pour l'homme
    Tant que l'unité na pas englouti l'altérité."
    ("Le voyageur chérubinique" d'Angelus Silesius - page 273)

    Merci de votre lecture.
    Bon Magistère !

    Gargouilles et Chimères

    $
    0
    0
    Bonjour,

    Dans l'article qui suit je souhaite aborder avec quelques photographies la symbolique des gargouilles et autres monstres chimériques de nos églises.
    Gargouilles de l'église de Saint Merry - Paris 

    Les gargouilles ont pour fonction initiale d'évacuer les eaux de pluie. Ce sont des gouttières.
     Abbaye du Mont-Saint Michel

     Cathédrale Notre-Dame de Paris

    Les gargouilles ont aussi avec leurs figures grotesques pour but d'éloigner les esprits du mal, les "ennemis de l'église", qui pourraient désirer pénétrer le lieu sacré. Les gargouilles sont donc dans une certaine mesure les gardiennes du "Bon Dieu".
    Gargouilles de la cathédrale d'Amiens

     Cathédrale Notre-Dame de Paris

    D'autres lieux sacrés ont à leur entrée des effigies de monstres. C'est le cas par exemple dans les temples bouddhistes. Leurs fonctions est rigoureusement la même que pour les gargouilles chrétiennes c'est à dire d'éloigner et de refouler les mauvais esprits.

      


    Les gargouilles de nos églises avec leur caractère érigé vers l'extérieur peuvent donner l'impression que "le mal" a été expurgé de l'édifice sacré.

    Gargouille de l'église Notre-Dame-des-Marais de La Ferté-Bernard

     Cathédrale Notre-Dame de Paris

    En effet, nous avons déjà vu que l'éradication du "mal" pouvait être représentée par le terrassement d'un dragon. Les légendes de Saint Marcel, Saint Michel et Saint Georges illustrent par exemple de telles aventures. (Lire à ce propos mon article Notre-Dame de Paris (2) ).

    Voici ci-dessous la représentation d'un dragon soumis à Pape Grégoire XIII qui se trouve dans l'enceinte de la Basilique Saint Pierre de Rome du Vatican.

     Basilique Saint Pierre de Rome - Vatican

     Saint Michel qui terrasse le dragon - XII° siècle
    Tympan de la façade ouest de la chapelle Saint-Michel
    Abbaye bénédictine Notre-Dame de Nevers - Bourgogne


     Cathédrale d'Amiens


    Chimère de la cathédrale Notre-Dame de Paris

    Chimère de la cathédrale Notre-Dame de Paris

    Chimère de la cathédrale Notre-Dame de Paris



     Pélican monstrueux à l'entrée de l'église du château de Pierrefonds - Oise




    Cathédrale Notre-Dame de Reims

     Cathédrale Notre-Dame de Reims

    Cathédrale Notre-Dame de Paris
    Viewing all 56 articles
    Browse latest View live




    Latest Images

    Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

    Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

    HANGAD

    HANGAD

    MAKAKAALAM

    MAKAKAALAM

    Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

    Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

    Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

    Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

    Vimeo 10.6.1 by Vimeo.com, Inc.

    Vimeo 10.6.1 by Vimeo.com, Inc.

    Vimeo 10.6.0 by Vimeo.com, Inc.

    Vimeo 10.6.0 by Vimeo.com, Inc.